On a ici coutume de diaboliser le conservatisme politique dans les pays musulmans. Avec ses positions rétrogrades en matière de mœurs, l'intégrisme scandalise. Certains voyant les fondamentalistes remporter les élections en Égypte ou des femmes déambuler dans nos villes en voile intégral, ne se privent pas d'agiter la "Charia" et le "Jihad".
Nous avons toutefois tendance à oublier que l'intégrisme représente également chez nous une force politique. Il ne s'agit pas là de l'Institut Civitas, sa messe en latin et autres vieilleries, mais de la manifestation organisée ce dimanche dans les rues de Paris par l'Église catholique contre l'extension du mariage aux couples homosexuels.
Quel est l'enjeu ?
Les modes de vie n'ont pas besoin de la loi pour se transformer. Tandis que les femmes accédaient en masse aux études supérieures et aux emplois qualifiés, les cinquante dernières années ont vu se banaliser la contraception et se développer l'union libre, au grand dam de nos intégristes catholiques prompts à assimiler la libération des mœurs à un déferlement du vice. Les couples en union libre ont donné naissance à des enfants, de plus en plus nombreux. En cas de séparation, les juges devaient gérer des situations inextricables en jonglant avec les interstices d'une réglementation déficiente. Le législateur a donc été conduit à statuer en matière d'autorité parentale et de transmission du patrimoine.
Dans notre pays, plusieurs dizaines de milliers de couples homosexuels élèvent des enfants sans que cela ne soulève de difficulté, notamment pour l'équilibre de ces derniers. Il est du devoir de nos élus d'adapter la loi afin de protéger ces enfants tant en matière affective que patrimoniale. L'intérêt de l'enfant est d'ordre public. Que cela plaise ou non à nos princes de l'Église et à nos ligues de vertu, le politique démissionnerait de ses responsabilités s'il laissait une réalité sociale aussi massive dans un vide juridique.
Les homosexuels représentent quelques pourcent de la population, mais nos mentalités évoluent. Regardée il y a quelques dizaines d'années comme une maladie voire un crime, l'homosexualité a maintenant conquis droit de cité. Un sondage publié il y a quelques jours par un organe de la presse catholique (Pèlerin/IFOP) a révélé que plus de 60% des Français sont favorables à la loi sur le mariage homosexuel. Cela montre qu'en dépit de la crise économique qui conduirait plutôt au repli, la société française s'ouvre et laisse de côté les tendances malsaines fussent-elle bruyantes.
Nous sommes en phase avec nos voisins. L'Espagne naguère si rétrograde en matière de mœurs, a récemment mis en place une telle réglementation.