Puisque l’on se livre ce 6 juin 2014 à la commémoration du débarquement en Normandie, il me semble bon de rappeler ce qui se passait à ce moment-là ailleurs en France, plus précisément en Creuse : le combat des maquis, la répression, l’épuration… Je tiens surtout à donner quelques conseils de lecture. Si je parle de la Creuse, c’est parce que je suis né le 10 août 1944 à Bourganeuf. Ce que je vais écrire n’est que le fruit de ce que l'on a pu me raconter et de la lecture de quelques ouvrages dont j'aimerais donner la liste.
Il existe un livre qui raconte la vie de Maria Auxeméry[1] de mai 1940 à août 1944 à Bourganeuf. C’est l’autobiographie de la femme d’un chef de la Résistance, Frédéric Chateignier. Il est difficile à trouver mais en 1976 Maria Auxeméry me l’avait donné et dédicacé. Par ailleurs il existe une « histoire de la résistance en Creuse[2] » écrit par Marc Parrotin, pavé très complet que je consulte régulièrement. Marc Parrotin était entré très jeune chez les Francs-Tireurs et Partisans (F. T. P.). Pour ceux que le sujet intéresse, je conseille vivement ce livre.
Lorsque mon propre père m’a appris que lui-même n’était pas membre des F.T.P. mais qu’il était membre de l’Armée Secrète j’ai été très surpris. Je le croyais membre de la résistance communiste et je n’avais jamais entendu parler de l’Armée Secrète. J’avais cru comprendre qu’il y avait deux mouvements : les gaullistes et les communistes. Pourtant Libération-Sud était bien représenté en Creuse ! En outre, nous étions amis avec un homme originaire de Bourganeuf qui faisait partie de ce mouvement à Toulouse. Il s’agissait de Jean Bancaud. Contrairement à mon père il aimait parler de cette période et chez lui, à Paris, j’ai pu rencontrer de nombreuses personnes dont j’ai retrouvé les noms dans un livre de Laurent Douzou intitulé « La Désobéissance[3] ». Ce n’est que très récemment que j’ai lu cet extraordinaire ouvrage alors que j’avais lu tout ce que je pouvais sur le mouvement Combat, des textes d’Henri Frenay, de Claude Bourdet et d’Albert Camus… à la recherche de l’Armée Secrète. Je crois que, comme d’autres qui avaient vécu dans le Limousin, j’étais influencé par la figure de Georges Guingouin, héros de la Résistance, chef FTP et… communiste.
J’en reviens à la prise de Guéret. Le 5 juin les chefs de la Résistance apprennent que le débarquement est pour le lendemain. Des maquisards se rassemblent le 6 au camp de Bellesauves (maquis AS dirigé par le commandant "François" de son vrai nom Albert Fossey) et le 7 juin ils attaquent Guéret. Écoutons Herbert Lottman[4]:
« Il existe une description fort colorée de la prise de Guéret, dans la Creuse, par le maquis. On a l’impression d’une véritable libération : les gens s’embrassent dans les rues, chantent La Marseillaise, on efface les inscriptions en allemand, on hisse un drapeau tricolore au-dessus d’une des portes de la ville et on déploie même quelques drapeaux alliés […] »
Herbert Lottman se réfère à un document datant de 1945. Il s’agit d’un petit livre[5] de Raymond VARLET. La préface est écrite par Roger Cerclier de Libération-Sud et chef départemental des Mouvements Unis de Résistance, (M. U. R.). J’en conseille vivement la lecture puisque le texte est ici :
http://www.creuse-resistance.fr/uploads/PDF/Raymond%20Varlet.pdf
C’est le site de l’association « Creuse Résistance » qui l’a mis en ligne :
http://www.creuse-resistance.fr/presentation.html
J’ai connu deux membres de cette association : René Larnaud mon instituteur de CM2 et Yvan Germain. Comme mon père ils étaient membre de l’Armée Secrète (A. S.) de Bourganeuf. Ils avaient tous les trois participé à la libération de Guéret, sous les ordres de Frédéric Chateignier commandant de l’A. S. de Bourganeuf.
Guéret qui a été libéré le mercredi 7 juin 1944 a été repris le 9 juin par la Wehrmacht et il n’y a pas eu de représailles. Par contre, ce même 9 juin, entre Guéret et Bourganeuf, une colonne motorisée de S.S. tendait une embuscade au Poteau de Combeauvert. Trente et un maquisards se sont fait tuer. Ce massacre est peu « médiatisé », même si un monument en rappelle le souvenir, même s’il a donné lieu à un article de Wikipédia[6]. Le même jour quatre-vingt-dix-neuf personnes étaient pendues à Tulle et le lendemain 10 juin à Oradour sur Glane 642 personnes étaient assassinées.
Les maquisards agissaient bien sûr sur ordre des forces alliées car il fallait éviter l’afflux des troupes allemandes en Normandie. Il fallait aussi que des français participent à la libération du territoire.
Avaient-ils entendu cette « Chanson d’automne » de Paul Verlaine le 5 juin au soir ?
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
On dit que ce message était destiné au S. O. E., Special Operations Executive, l’un des services secrets britanniques engagés dans la lutte contre l’Axe. Le S.O.E. avait une base importante non loin de là près de Saint-Léonard de Noblat. Le S. O. E. soutenait la guerre subversive et équipait les maquis en armes si possible. C’est l’occasion pour moi de recommander la lecture du livre[7] de Michael Richard Daniell Foot, sur le SOE et de renvoyer à un article de Wikipédia « Terrains de parachutage creusois » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Terrains_de_parachutage_creusois
Pour terminer provisoirement ce que je considère comme un hommage à cette Résistance qui a produit ce fameux Programme du CNR, je cite l’inscription du monument aux morts de Gentioux érigé après la boucherie de 14-18 : « Maudite soit la guerre ! »
[1] Maria Auxeméry, Faillite, Alternance, 1962
[2] Marc Parrotin, Le temps du maquis, histoire de la résistance en Creuse, Verso, 1981
[3] Laurent Douzou, La désobéissance. Histoire du mouvement Libération-Sud, Paris, Odile Jacob, 1995, 480 p.
[4] Herbert Lottman , L'Épuration 1943-1953, Fayard, 1986, p. 93
[5] Raymond VARLET, Les Sanglants évènements de Guéret, éd. du Chardon, 1945.
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Combeauvert
[7] Michael Richard Daniell Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008