A propos des Hôpitaux de Paris (en lien avec l'article de Caroline Coq-Chodorge)-Témoignage
Relativisons.
Après 8 ans d’expérience comme contractuel, « directeur délégué », dans un CHU, toujours classé dans les 5 premiers depuis que les classements existent, et connaissant assez bien l’APHP, voici ce que j’ai constaté.
Petite histoire pour commencer, les 35h. Les 35h ont été l’occasion de montrer la parfaite incompétence des directeurs d’hôpitaux pour tout ce qui concerne l’organisation. Ce qui m’a fait dire un jour; « à l’hôpital, la seule chose qui soit organisée, c’est la désorganisation ! ». Le recours aux consultants a été massif et très coûteux. Dans cet hôpital, évoqué plus haut, la stratégie était « faut pas énerver Martine », suivez mon regard. Alors on a cédé sur tout, 400 personnes embauchées (et pas les plus compétentes, ni les plus motivées , mais des personnes compétentes pour coller des affiches et relayer la bonne parole, entre autre). Plus de 600 horaires de travail différents ont été définis ! Pour ne fâcher personnes. Au final, un bordel indescriptible. Le tout orchestré par un consultant très ( très, très) proche de la cheffe de cabinet du DG. Au passage, je serais curieux de vérifier la conformité du contrat de prestation qui a coûté plusieurs centaines de milliers d’euros. Entre nous, cet organisme a la prudente modestie de ne pas mentionner ce CHU dans ses « références », sur internet. C’est pourtant au moins 5 ans d’activités. L’ingratitude, je vous dis…
Deuxième histoire. La tarification à l’activité (T2A pour les intimes). Rien à redire sur le fond, être payer pour ce que l’on fait n’a rien de choquant. L’idéal serait d’être payé pour ce que l’on réussit, mais c’est une autre histoire.
Sur la mise en place du dispositif, applicable aussi bien au public qu’au privé, du haut niveau ! D’abord on freine des 4 fers pendant 1 an, comme dans tous les établissements publics. Et puis comme il y a des délais à respecter, et comme cela fait longtemps qu’on n’a pas vraiment travaillé, on ne sait plus comment faire et on se fait aider…Par qui ? Par des consultants ! Pour le cas particulier cité plus haut, par le même consultant. On ne change pas une équipe qui gagne ! Appel d’offre ? Des gros mots tout ça. Il y a urgence. Plusieurs centaines de milliers d’euros sont allouées. Alors, on se forme. Non pas à la T2A, mais à « comment tirer le maximum de profit de ce dispositif ». Bingo. La Sécu a le dos large, alors un peu plus ou un peu moins, pourquoi se gêner ?
Plus généralement, les établissements de santé publiques (je connais aussi les établissements privés où cette débauche n’atteint pas ce niveau) sont littéralement gangrénés par les « Comités Théodule ». Une soixantaine, dans le CHU cité deux fois. Des centaines de personnes sont impliquées dans ces réunions très sérieuses, où souvent, l’aide d’un consultant est indispensable…ben voyons, pour peigner la girafe à grand renfort de communications. Certaines personnes y sont impliquées à plein temps (je les appelais les « grenouilles de comités », jamais disponibles) et donc remplacées à leur poste. Une gabegie considérable.
Autre particularité du milieu, la floraison d’organismes de formations « spécifiques ». Spécifiques de quoi ? je vous le demande. Ces formations, qui poussent comme des champignons, « validées par l’ANFH » organisme ah hoc, sont la plupart du temps contrôlées par les CHU et les «intervenants » se recrutent parmi les membres de familles des dirigeants d’hôpitaux (conjoint, compagnon, beauf, enfants…). Une bonne façon de créer de l’emploi aux frais de la Sécu et de payer la résidence secondaire.
A l’APHP, j’ai eu l’occasion de toucher du doigt une réalité bien spécifique à la capitale. La plupart des Directeurs, envisagent un « plan de carrière » qui devrait les amener à l’APHP quand le besoin se fera sentir. Explication, quand leur progéniture sera en âge de briguer une place dans les établissements scolaires ou les facs réputés. Alors on crée le lien, le réseau, on anticipe, et le moment venu, on postule. Et il est rare d’échouer, la machine est bien rodée. Alors on vient grossir le nombre de « responsables », le temps nécessaire au petit de se faire une formation digne. Et après, me direz-vous ? Après, on s’incruste, la vie est trop belle dans la Capitale, dans ces logements de fonction défiant toute concurrence. En 2005, une collègue m’a avoué en faire partie, « comme plusieurs centaines d’autres ».Si le ménage n’a pas été fait depuis, on peut imaginer que cela a perduré.
Et pendant ce temps, les conditions de travail des « soignants ; infirmières, aides-soignants, paramédicaux et médecins » ont été l’objet d’études, d’audits, d’évaluations sous-traités à …des consultants, suivis de décisions pour OPTIMISER LES COUTS.
De quoi être un peu énervé, non ?
Martin, qu’en penses-tu ?