Presque chaque phrase de l’interview accordée par François Hollande au quotidien Le Monde, daté du 21 aout, est une reconnaissance implicite, soit de ses échecs, soir de ses reniements. Ceux-ci expliquant ceux-là.
La première question portait sur l’économie et les mauvais chiffres de la croissance. Mais pourquoi changer une politique qui ne marche pas ? C’est bien le sens de la réponse présidentielle.
« J'ai fixé un cap » … « ce n'est pas parce que la conjoncture est plus difficile en France et en Europe que nous devons y renoncer ».
S’adapter, influer ? Pas question. « Je réponds que toute godille ou tout zigzag rendrait incompréhensible notre politique et ne produirait pas de résultats ».
La meilleure façon d’être immobile n’est elle pas de transformer tout mouvement éventuel en ‘’godille’’ ou en ‘’zigzag ‘’ ?
Mais ce cap a pourtant besoin d’être dopé. Les 9 millions de chômeurs seront heureux de l’apprendre. Le Président peut vouloir.
« Je veux accélérer les réformes » nous dit-il. Et d’annoncer des ‘’Assises sur l’investissement’’ en septembre.
« Avec l’ensemble des établissements financiers, pour les inciter davantage à prêter aux PME ».
Nous qui pensions que c’était fait depuis longtemps ! D’ailleurs Jean-Eudes du Mesnil, Secrétaire général de la CGPME n’affirmait-il pas dès septembre 2012 : « Le chef de l'Etat a réaffirmé que tous les dispositifs en faveur de l'investissement dans les PME seraient maintenus. Cela nous a rassuré ».
D’autant plus que 14 mois plus tard le quotidien Les Echos écrivait:
« Et pourtant, il y a (au moins) une réforme que l’on peut mettre à son crédit. C’est celle, encore trop timide, de l’ouverture du financement des PME ».
Et il faudrait remettre le chantier en route ? Qu’est-ce à dire ? Que les efforts présidentiels ne sont pas suivis d’effets ? Qu’il y a une odeur d’échec dans l’air ?
Bien sur que non, puisque le Président poursuit : « J'ai donc fait le choix de donner la priorité au redressement productif ».
On pensait que c’était déjà fait. Mais oui, les investissements productifs ne sont pas là. C’est le grand reproche que les contestataires, socialistes ou pas, font aux entreprises suite aux accords Hollande/Gattaz. C’est le constat de la saison.
Et les groupes du CAC 40 se contentent d’augmenter les royalties versées aux actionnaires. C’est le scoop de la semaine.
Alors, la relance par la consommation se jouera sans doute sur le seul marché du luxe.
Mais non, puisque, nous dit Hollande, « Des efforts ont été consentis depuis deux ans, nous allons en restituer une part dès cette année, en termes de baisse d'impôt, et encore davantage en 2015 ».
Une phrase qui commence par un déni, celui sur l’erreur des augmentations d’impôts (appelées efforts) lesquels, mal ciblés, ont été sans égard pour les classes pauvres et moyennes. Et finit par ce pas en arrière que constituent les restitutions annoncées.
Restons sur la question de la consommation. Lorsque Hollande dit prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel qui a censuré la partie du pacte de responsabilité sur les allégements de cotisations salariales et qu’en réponse il a « demandé au gouvernement de mener deux grandes réformes dont l'une visera à rendre plus juste et plus simple le barème de l'impôt sur le revenu, notamment pour les premières tranches, c'est-à-dire pour les contribuables modestes et moyens », n’est ce pas confirmer la mauvaise méthode de son gouvernement (précipitation et méconnaissance des processus législatifs) et, implicitement, reconnaître que la grande réforme fiscale attendue n’a pas eu lieu, et qu’on s’engage une fois de plus dans ce qui risque par apparaitre un rafistolage.
A la question du Monde sur ses annonces passées jamais confirmées (Reprise, déficit en baisse, courbe du chômage inversée) répondre que, pour partie « Les causes en sont connues. Elles sont liées aux incertitudes géopolitiques (Ukraine, Irak…) » n’est-ce pas s’autoamnistier à bon compte ?
Et à celle, un peu stupide, sur un éventuel rééchelonnement de la dette, répondre que c’est inutile, que « Jamais la France n'a emprunté sur les marchés financiers à des taux aussi faibles, 1,4 % : c'est historique », rajoutant « c'est la preuve du sérieux de notre politique », n’est ce pas repeindre la cheminée d'un bateau mal en point?
Car, non, Monsieur Hollande, ce n’est pas parce que la France est en bonne santé que les taux sont bas, c’est d’abord que les banques trouvent de l’argent auprès de la BCE à 0,7%, et que prêter à la France à 1,4% c’est dégager sans effort un bénéfice à court terme et, ensuite, qu’il est très rare qu’un Etat fasse faillite. D’ailleurs, la BCE s’est elle même affichée comme garante des Etats européens en cas de décrochement monétaire d’un de ceux ci.
Quant à son rapport avec les députés contestataires, Hollande botte en touche et affirme : « La constance, c’est la confiance ». Oubliant par là même que le premier inconstant a été le Hollande Président par rapport au Hollande candidat. L’ennemi de la finance est encore vivant dans toutes les têtes, s’il n’est jamais entré à l’Elysée.
Ce qui ne l’empêche pas de demander aux socialistes qui vont se réunir à La Rochelle : « Qu'ils mesurent ce que nos victoires de 2012 nous obligent à faire pour être à la hauteur de notre tâche ».
« Y a-t-il un problème institutionnel en France ? » demande encore Le Monde. La réponse nous permet de retrouver le Hollande qui n’aime pas choisir, ni s’engager. Il feint de croire que « le gouvernement y a répondu ». Avant d’oser : « Mais faut-il aller plus loin ? ». Puis de rajouter, en un pas de deux qui se veut léger : « J'y suis prêt si une majorité peut s'accorder sur cette orientation ». Suivi bien sur d’un salto arrière : « Mais je veux relever une singularité française qui est devenue un véritable handicap : c'est la difficulté de faire émerger un consensus sur l'évolution de nos institutions ».
Grande interview? Hollande tel qu'en lui même l'éternité le retiendra.
Le climat des vacances a été plutôt froid cette année. Ce n’est pas l’interview du Monde qui nous laisse espérer une université d’été plus chaude au PS. Quant à la rentrée ?