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Billet de blog 30 août 2014

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Peyrelevade, une vie. Du socialisme sous Mauroy à la droite la plus libérale.

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Aux yeux de Jean Peyrelevade, polytechnicien et ancien Directeur adjoint de cabinet de Pierre Mauroy, mais ayant couru ensuite en 2008 pour l’écurie de François Bayrou, Le PS aurait « mis fin à trente ans d’hésitation ».

Hésitation à quoi? A faire comme Peyrelevade, sans doute. C’est à dire à dériver de la gauche vers la droite, pour finir par épouser les thèses d’un libéralisme néo, pour qui tout dialogue est néfaste et tout compromis impossible.

Car c’est bien ce qui réjouit Peyrelevade dans cette actualité de rentrée. Le fait que la crise au PS débouche sur la victoire da la ligne sociale-libérale portée par Valls, pourtant minoritaire auprès des militants, sur la ligne sociale-démocrate. Des militants objets de tous les préjugés de la part de l’ancien président du Crédit-Lyonnais.

Peyrelevade, violemment opposé au courant de l’ultra gauche française, n’en applique pas moins la méthode de l’amalgame qui était celle du marxisme honni de sa jeunesse. Il accuse la « grande masse des militants du PS de partager, en version atténuée, les mêmes préjugés que ceux portés par ce qui reste de marxistes ».  Sur les « patrons » notamment, par eux « considérés comme des exploiteurs » et que « le rêve de l’appropriation publique des moyens de production y est encore très présent ». 

Car pour Peyrelevade, un parti ne peut qu’être un instrument de discipline des consciences, le contraire de ce qu’en dit Cambadélis, qui appelle de ses vœux « un PS qui doit être le lieu du débat ».

Peyrelevade est en effet de cette race d’hommes qui ne supporte pas la critique, de ce genre de capitalistes « qui voudraient pouvoir se livrer tout entiers à leur passion ‘’créatrice’’ sans qu’on vienne les ramener à ses conséquences destructrices, et vivre en paix leur désir de ‘’faire’’, c’est à dire d’exploiter », comme l’a écrit Frédéric Lordon, dans la dernière livraison du Monde Diplomatique.

D’ailleurs, la façon d’utiliser le mot « patron », dans la bouche de Peyrelevade, ne se réfère qu’à son terme générique. Il ne saurait exister qu’un genre de patron. Et dès lors, critiquer les tricheurs du CAC  40, (qui ne payent que 8% d’impôt en moyenne), revient à critiquer tous les patrons, (alors même que ceux des PME s’acquittent de leur impôt au taux moyen d’environ 30%).

Et il ne saurait exister pour lui que des entreprises privées. Il regrette donc « que les entreprises publiques ou coopératives restent préférées à leurs concurrentes privées ». Glissade sans limite. Il voudrait effacer jusqu’à l’idée même d’économie publique en charge du bien commun, ou d’économie sociale, en charge de la solidarité et pratiquant des valeurs partagées.

A l’heure où tout est concédé à Gattaz par un PS de gouvernement, que des négociations se tiennent sur un « Partenariat transatlantique » entre l’Europe et les USA, dont la but premier est d’ouvrir un mécanisme d’arbitrage privé entre les investisseurs et les Etats, qui se substituerait aux juridictions existantes, Peyrelevade regrette, lui, que « la grande masse des militants partage l’idée que la souveraineté du peuple impose que l’économie ne soit qu’une annexe de la politique ». Préférant bien sur que la politique ne soit qu’une annexe de l’économie.

Et d’en rajouter dans le déni de ces socialistes qui, contrairement à lui, ne disent pas « Qu’il est impératif d’adopter pour plusieurs années une véritable économie de l’offre, condition sine qua non d’un retour de la croissance ».

Des socialistes, rajoute Peyrelevade, qui, comme ce frondeur de Benoit Hamon, « expriment parfaitement cette sensibilité qui irait volontiers, en collectivisation adoucie, jusqu’à priver les patrons défaillants de leur droit de propriété ». Le vieux couteau entre les dents n’est pas loin.

Entendre çà de la bouche de celui qui a géré pour Mauroy les nationalisations en 1981 montre à quel point un homme peut s’oublier et dériver.

S’oublier jusqu’a dire de Lionel Jospin, qu’il était « à vrai dire plus socialiste que social-démocrate ».

Ecart de mémoire ? Sans doute. Car on pourrait rappeler à notre ancien collaborateur de Mauroy que Jospin a remis le couvert libéral à l’honneur en privatisant France Telecom, Thomson Multimédia, le GAN, le CIC, les AGF, la Société marseillaise de crédit, RMC, Air France, Crédit lyonnais, Eramet, Aérospatiale Matra, EADS.

Si donc, comme l’affirme Peyrelevade, « l’état de la France ne permet plus le compromis permanent », peut-on se permettre de laisser libre cours à de tels propos, qu’on pourrait excuser de la part d’un homme fatigué, si on ne les retrouvait chaque jour dans la bouche de la France la plus réactionnaire ? Celle qui est inapte à entendre les propos émanant de son propre camp sur la nécessité de soutenir la consommation des ménages, (Christine Lagarde, Mario Draghi), ou bien de marier des mesures d’offre et de demande, ou encore, en passant par l’Europe, de lancer quelques grands projets ; sur la transition énergétique, par exemple.

L’état de la France ne permet plus de troubler en permanence les citoyens, comme se le permettent Peyrelevade et quelques autres. Des voix s’élèvent, semaine après semaine, pour qu’une autre politique soit menée. Qui peut la mener ? On ne sait plus. La gauche se disloque. La droite est disloquée. On balance entre l’appel au peuple et l’appel au putsch.

Pourtant il ne devrait pas être si compliqué de dire non aux lobbies et à la finance dévoyée, de dire à Gattaz de se taire, car il ne représente pas les entreprises, seulement le CAC 40, d’obliger les banques à faire leur travail et rien d’autre, de mettre en place la réforme de justice fiscale, de proposer des mesures permettant aux entreprises d’investir et aux jeunes à se lancer dans l’écriture de leur avenir. Il y faut quoi ? Du courage ? De l’intelligence ? Un sens politique qui ne travaille pas à son pantouflage dans une multinationale ? Un gouvernement de salut public, comme le dit Chevènement ?

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