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Billet de blog 17 octobre 2014

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La régulation de Jean Tirole

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce midi à "La grande Table" de France Culture l'invité était Jean Tirole. La discussion n'avait rien de complaisante et Jean Tirole fut un peu bousculé. Bousculé certes mais il en fallait plus pour l'émouvoir et lui instiller le plus léger doute quant à l'excellence de ses recherches "scientifiques" car fondées sur des modèles mathématiques et l'adhésion du monde universitaire qui compte à l'échelle mondiale. Mais à trop vouloir prouver.... Prenons deux exemples tirés de la discussion.

Un économiste de la revue Alternatives économiques citant une note de la Banque Mondiale (ou FMI je ne me souviens plus exactement, cela n'a en l'espèce aucune importance au regard de la considération qu'inspirent généralement ces deux institutions) de la fin de l'année 2013, relevait une appréciation critique de cette instance à propos d'un article de Jean Tirole et d'un de ses collègues sur la régulation la meilleure dans le domaine de la finance. En substance les auteurs de cet article paru en 1996 avaient conclu à l'excellence de l'autorégulation des acteurs "vrais" de la finance (par opposition à vous et moi précisait aussitôt Jean Torole, qui n'avons pas les moyens matériels, intellectuels et les ressources en temps de ces vrais acteurs), car ces acteurs risquant leur argent allaient prendre toutes les informations sur la position financière réelle de ceux, autres banques, fonds diverts, instances étatiques... auprès desquels ils allaient engager leurs fonds. Bref, ces acteurs ne s'engageaient jamais à la légère et c'était finalement la meilleure régulation. Quid faisait observer notre économiste d'Alternatives économiques de la crise financière dans les années suivantes, et particulièrement depuis 2006 2007? N'était ce pas la preuve du caractère aventureux des conclusions " scientifiques" de Jean Tirole en 1996 ?  Pas du tout répondit- il imperturbable; la crise est venue de ce que les acteurs de la finance ont été mal informés et pratiquement trompés. Comment cela ? Parce que nul ne pouvait considérer que la puissance publique n'interviendrait pas en cas de défaillance d'un acteur majeur comme cela fut le cas pour LEHMANN- BROTHERS. J'attendais un uppercut de la journaliste et de l'économiste d'Alternatives...pour faire valoir que cette conviction du "too big too fail" faisait donc partie intégrante des éléments de calculs de nos "vrais" acteurs de la finance depuis le début de leur jeu et que par conséquent le raisonnement de Jean Tirole sur l'excellence de la régulation par les acteurs financiers s'écroulait d'elle même, parce que de règle de la finance il n'y en avait finalement qu'une : je prends les risques les plus insensés et en cas de besoin la puissance d'état, concrètement le citoyen, paiera. Cela  porte un nom : les relations de connivence entre puissants de la finance et de l'état, et on reste confondu que Jean Tirole considère que ce facteur est extérieur à l'économie modélisée telle qu'il la conçoit. La remarque  n'est pas venue et ma frustration est à la base de ce billet, car il me semble qu'à défaut d'être de " vrais" acteurs de la finance, vous et moi comme dirait Jean Tirole tout comme ces "vrais" acteurs de la finance savions dès l'origine ce qu'il en était de l'information des financiers sur qui paierait les pots cassés et sur l'absurdité de l'autorégulation sur une base d'irresponsabilité et d'impunité dans un monde de connivence entre puissants.

Second exemple de l'innocence des acteurs financiers selon Jean Tirole : celui de la GRÈCE.  Là encore les financiers ont été induits en erreurs et ont massivement contribué à l'endettement de la GRÈCE, car celle ci était entrée dans la zone euro, alors même que " TOUT  LE MONDE SAVAIT" dans quel état lamentable se trouvaient l'économie et les finances de ce pays. De fait "vous et moi" avons appris rétrospectivement que Goldman- Sachs avait contribué à maquiller les comptes de la Grèce. Puisque "tout le monde ( financier) savait", mais savait aussi que l'Europe et la zone euro savaient...il était bien normal que les financiers poussent la Grèce au crime, puisqu'en définitive il y avait la zone euro derriére. En aucun cas selon Jean Tirole cet exemple n'était de nature à remettre en cause l'autorégulation. 

D'une certaine façon je comprends les certitudes de l'économiste Jean Tirole dès l'instant qu'il considère toute information, fut- elle la plus immorale et de pure connivence (le citoyen paiera en dernier ressort...) comme purement objective et propre à asseoir les mécanismes d'autorégulation dont il se fit le chantre en 1996. mais prétendre que tout cela n'a rien de "politique" est un peu fort de café. Aux innocents les mains pleines...Jean Tirole les a sans doute bien pleines avec son prix de la Banque de Suède, et le fait que cela ait récompensé ses travaux sur la " RÉGULATION "nous paraît même caricatural dans les exemples rapportés et justifiés par le lauréat en personne.

On aurait pu espérer un peu plus de lucidité " politique" de Jean Tirole, surtout à propos de cet article de 1996, d'autant qu'il devait dire dans cet entretien qu'il était partisan d'autorités de régulation " indépendantes" (sans préciser ce qu'il entendait par là, et sans la moindre interrogation sur les connivences, terme dont le sens lui semble inconnu ;  mais non, même pour cet article, "droit dans ses bottes".

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