Brigitte pascall (avatar)

Brigitte pascall

Auteur indépendant d'écrits politiques

Abonné·e de Mediapart

2577 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 mai 2015

Brigitte pascall (avatar)

Brigitte pascall

Auteur indépendant d'écrits politiques

Abonné·e de Mediapart

L’ALLEMAGNE, MELENCHON, LA SOUVERAINETE...!

Brigitte pascall (avatar)

Brigitte pascall

Auteur indépendant d'écrits politiques

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’ALLEMAGNE, MELENCHON, LA SOUVERAINETE...!
10 mai 2015
Par Jacques Sapir

Jean-Luc Mélenchon vient d’écrire un livre, qu’il qualifie de « pamphlet » sur l’Allemagne, Le Hareng de Bismarck[1]. Ce petit livre se lit vite et bien. Il y dénonce, avec l’art de la formule et la pointe d’humour qu’on lui connaît et qu’on lui reconnaît la montée de la « germanolatrerie » en France, tout en dénonçant les impostures du soi-disant « modèle allemand ».

A - mélenchon

Le premier chapitre sur l’horreur écologique de l’Allemagne est fort bien venu ; le second sur « qui a envie d’être allemand » aussi. Signalons qu’il y a plus de vingt ans Gunther Grass avait écrit à ce sujet Les enfants par la tête ou les allemands se meurent[2]. On le voit, rien de nouveau sous le soleil. Les chapitres qui suivent sont dans la même veine, qu’il s’agisse de la « maltraitance sociale » et de la destruction du modèle social allemand, de la bulle immobilière, ou du rapport complexe, mais fondamentalement différent du modèle français avec la notion de « peuple » et de « Nation ». Le chapitre 9, titré « De quoi l’Allemagne est-elle le nom », résume bien le contenu comme la tonalité de cet ouvrage. Mais, ici encore, tout ceci a été dit déjà dans bien des livres.

Quel but à ce livre ?

Et c’est bien là ce qui dérange le lecteur une fois qu’il a repris son souffle entre deux éclats de rire entièrement justifiés car Mélenchon manie souvent l’humour de manière ravageuse. Rien de ce qui est dit n’est véritablement neuf, même si tout sonne juste à la première lecture. C’est une bonne synthèse d’autres ouvrages. Les passages sur la démographie empruntent tant à Emmanuel Todd (qui n’est pourtant pas cité) qu’aux travaux de démographes allemands. On retrouve des idées de Jean-Pierre Chevènement (lui non plus non cité), mais aussi Guillaume Duval (cité), Ulrich Beck, François Denord, Bruno Odent et Fréderic Lordon. Pour ceux qui n’auraient pas lu ces auteurs, ce livre est une intéressante et agréable introduction, car Jean-Luc Mélenchon a de l’aisance et du style. Mais étais-ce là le livre que l’on attendait de lui ? L’anecdote qui donne son titre au livre est contée avec un humour vachard que l’on apprécie. Cela fait penser à cette plaisanterie récurrente (on « running gag ») du grand classique de Ernst Lubitsch To be or not to be de 1942[3] « on a donné le nom de Napoléon à un Cognac, celui de Bismarck à un hareng, on donnera celui d’Hitler à un fromage ». Je suppose qu’il faudrait ajouter « et on donnera le nom de Merkel à une biscotte ». Mais, on se doute bien que ce n’est pas pour cela que Mélenchon a écrit ce livre. Alors, quel est son but ? Et c’est là que le bat blesse.

Une panne de stratégie.

S’il voulait dénoncer le « modèle allemand », tache éminemment salutaire, il aurait dû l’écrire plus tôt, en 2012 ou 2013. Bien des hommes politiques ont appelé de leur vœux cette « franche explication » avec l’Allemagne, de Chevènement à Védrine en passant par Montebourg et bien d’autres. Fallait-il écrire un livre pour joindre sa voix à ce chœur ? Il est bon que Mélenchon se prononce lui aussi pour cette « franche explication » et qu’il dénonce la germanolatrerie imbéciles de certaines élites françaises. Pourtant, ce livre n’apporte rien.

C’est d’autant plus surprenant qu’au même moment se déroule un débat important au sein du Parti de Gauche dont Jean-Luc Mélenchon est un des principaux dirigeants. Pour son quatrième congrès, le Parti de Gauche doit affronter une véritable crise d’orientation. Après la brillante campagne de 2012 de Jean-Luc Mélenchon, le Parti de Gauche, et avec lui le Front de Gauche, qui incorpore ce qui survit du parti communiste, sont progressivement devenus illisibles. Les choix faits par la direction du PCF, mais qui étaient dans la logique de son action depuis des années, ont conduit à une crise politique au moment du vote des élections municipales puis des départementales. La direction du PCF, contre une forte minorité du parti, a décidé de jouer les supplétifs d’un P« S » à bout de souffle et largement discrédité. Mais, le Parti de Gauche a été incapable de profiter et de cette crise interne du PCF et du discrédit qui frappe les « socialistes ». Il se rêvait en un SYRIZA français face à un Pasok gouvernemental. Or, il est lui aussi touché par la même crise tant politique qu’idéologique qu’il dénonce par ailleurs. La préparation de ce quatrième congrès a montré la faible mobilisation des adhérents du Parti de Gauche[4].

Les enjeux d’un débat.

Si un livre aurait pu être utile en cette période, cela aurait été un livre sur les concepts de souveraineté et de Nation, et sur leurs conséquences. Car, le débat au sein du Parti de Gauche tourne aujourd’hui autour de la souveraineté. Que l’on regarde les deux motions qui s’affrontent. Dans la première, qui s’intitule « Tout est possible »[5] et qui qui regroupe la quasi-totalité de la direction actuelle, on lit : « …à ce stade de l’histoire, seul le cadre national immédiatement disponible comme alternative aux institutions supranationales actuelles, peut permettre l’expression de la souveraineté populaire ». Cette motion envisage d’ailleurs, très sérieusement, l’hypothèse d’une sortie de l’Euro. La seconde motion, intitulée « Clarté et courage politique » est encore plus claire : « …si le cadre de l’Union européenne nous place dans l’incapacité d’appliquer notre mandat populaire, il faudra alors sortir de l’Euro et de l’UE. Cette décision sera soumise à référendum car elle nécessite le plus large soutien populaire possible ». Guillaume Liégard[6] soutien que cette seconde motion s’inspire des travaux d’Aurélien Bernier, de Fréderic Lordon et des miens. Mais, on peut en dire, à certains égards, de même de la première motion.

N’étant pas membre du Parti de Gauche, je ne peux que regarder en spectateur, certes concerné et intéressé, ce débat. Je pense que l’idée du référendum est une fausse bonne idée. Mieux vaut être clair et ne pas procéder à un référendum sur la sortie de l’Euro, qui n’aurait pour effet que de créer les conditions d’un chaos financier et économique ouvrant la porte à toutes les manipulations. Une élection est un mandat suffisant en ce qui concerne l’Euro. Par contre, si l’on veut sortir de l’UE, un référendum s’imposera. L’important est d’enregistrer que ces deux motions actent la question de la souveraineté comme la question de l’heure.


L’énigme Mélenchon ?

Voici donc l’énigme Mélenchon. Il fait un livre, certes intéressant, bien écrit et plein de finesse, mais sur un sujet largement rebattu et qui n’apporte au final rien de neuf. Il aurait pu faire un livre actant du moment souverainiste que nous vivons. Car, nul ne peut en douter, la souveraineté est, et sera dans les prochaines années, la question centrale autour de laquelle tourneront tous les débats, et se décideront toutes les alliances. Bien sur, on dira que le thème de la souveraineté irrigue en sous-main son livre actuel. J’en conviens ; ce livre n’aurait pas été écrit avec le style et la vigueur qu’on lui reconnaît si, quelque part, Mélenchon n’avait fait le choix de la souveraineté. Mais, encore fallait-il faire ce choix clairement, indiquer les relations entre souveraineté, légitimité et légalité, préciser aussi la relation qui unit dans la conception française la souveraineté et la laïcité. S’il voulait peser sur le futur, être au centre du débat, c’était ce livre qu’il fallait écrire. Quitte, d’ailleurs, peut-être à décevoir certains. Car, à lire son livre, on sent bien qu’entre souveraineté et fédéralisme européen, tout n’est pas tranché. Mais, qu’importe ; c’était ce débat qu’il fallait ouvrir et non pas revenir sur la question de l’Allemagne, qui n’est certes pas mince, mais qui aujourd’hui ne peut s’aborder qu’à partir de la question de la souveraineté.

L’énigme Mélenchon, c’est comment on peut saisir ce qui est important et se disperser sur ce qui est secondaire. Mais en politique le temps n’attend pas. Le temps se moque des hésitations, des subtils balancements et des crises de conscience. Mélenchon connaît et a pratiqué la formule « l’histoire nous mord la nuque ». C’est ce qui aurait du lui dicter d’intervenir sur la souveraineté. Car d’autres l’ont compris.

Notes

[1] Mélenchon J-L., Le Hareng de Bismarck – Le poison allemand, Plon, Paris, 2015.

[2] Grass G. Les enfants par la tête, traduction de Jean Amsler, Paris, le Seuil, 1983.

[3] Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeux_dangereux

[4] Voir Liégard G., « La Parti de Gauche en quête de direction », posté le 7 mai 2015 sur le site Regards.fr, http://www.regards.fr/…/arti…/le4parti4de4gauche4en4quete4de

[5] Référence à un discours de Marceau Pivert, représentant de l’aile gauche de la SFIO en 1936.

[6] Liégard G., « La Parti de Gauche en quête de direction », op.cit..

Brigitte PASCALL le 10 mai 2015 à 16:19 :

Monsieur SAPIR, je vous lis chaque semaine avec intérêt : surtout vos analyses sur l’expérience SYRIZA en Grèce. Et poste vos billets sur mon mur et autres murs FDG. Très modestement, je défends la seconde motion au congrès du PG rédigée par Guillaume Liégard, appelant à sortir de l’euro. Et qui s’inspire visiblement de vos travaux, ceux de Frédéric LORDON et d’Aurélien Bernier. Tout comme j’ai longuement défendu l’ouvrage de Frédéric LORDON, “La Malfaçon”, au moment de sa publication, en 2013.

Donc, je ne suis pas une”ennemie” de vos idées, bien au contraire… ! Pourtant, permettez-moi de ne pas être d’accord avec votre lecture, au demeurant très soigneuse du dernier livre de JLM, “Le poison allemand”. Non pas que vous n’ayez pas le droit d’émettre des critiques sur ce livre.

Ce qui me pose problème, c’est votre angle de prise de vue : vous faites comme si Mélenchon était votre étudiant de thèse ; ou bien encore un intellectuel de très haut niveau, Directeur du CNRS comme LORDON par exemple. Vous lui faites la critique, -classique, pour qui connait un peu l’université (j’ai été doctorante)..)-, selon laquelle son ouvrage ne produit rien de neuf sur le plan scientifique.

Vous vous trompez sur le rôle de JLM : c’est un “passeur”, un excellent passeur,- “Mon Prince on a les idéologues que l’on peut”, aurait dit BRASSENS !, avec des phrases au rasoir, beaucoup d”humour qui fait mouche, un manuscrit très bien rédigé, comme j’ai pu le constater à la lecture… Le titre est mauvais : j’aurais appelé son livre “L’Europe libérale face à SYRIZA”, ce qui aurait collé davantage à l’actualité.

Ce livre ne s’adresse pas à un cercle de spécialistes : il vise à faire de l’EDUCATION POPULAIRE auprès des gens peu politisés, nuance..! En politique, tout le problème est de convaincre au delà du cercle des militants du PG hyper conscientisés, qui lisent vos livres et ceux de LORDON un mot sur deux un mot sur trois ; qui en savent plus que LORDON lui même… : il suffit de lire les discussions de mes amis sur les murs FDG pour s’en convaincre..!

Pour beaucoup de gens, ce livre va apprendre beaucoup de choses, à commencer par les causes de la dette publique grecque :comment MERKEL a réussi, avec le plan de sauvetage de 2010, à refiler le bébé de la dette grecque, jusque là détenue par des banquiers allemands, aux institutions publiques européennes. Je pense que l’expérience SYRIZA est suivie avec beaucoup d’espoir par des gens peu politisés : que ce livre leur donne des clés d’explication de la situation grecque, et exprime sa solidarité profonde avec les excellents TSIPRAS et VAROUFAKIS. Rien que pour cela, il fallait faire ce livre, totalement en phase, selon moi, avec l’actualité…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.