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Billet de blog 5 février 2012

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LE GRAND DOSSIER DE L'ULTRALIBERALISME,III, Le Thatchérisme, première partie

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Le grand tournant néo-libéral ou néo-capitaliste  : Le tatchérisme, première partie


"Ralph Emerson l’avait déjà compris, les gens qui font de la politique ne sont pas là pour s’occuper des choses qui me tiennent à cœur. « Le philosophe, le poète, ou l’homme de religion […] acceptent rarement les personnes que le soi-disant parti populaire choisit pour être ses représentants. […] Ils n’ont pas à cœur les fins qui donnent au nom de démocratie ce qu’il contient d’espoir et de vertu. […] Le monde ne peut attendre d’un parti au pouvoir, quel qu’il soit, aucun bénéfice dans le domaine des sciences, des arts, de l’humain, qui soit proportionné aux ressources de la nation."


extrait de : http://www.ecrans.fr/Effeuillons-la-Margaret,6614.html


Parmi les livres de chevet de Margaret Thatcher, premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990, les ouvrages de Hayek et Friedman tenaient une place prépondérante. Quand Thatcher arrive au pouvoir, c'est que le fruit est mûr. Longtemps marginalisés dans une époque d'obédience majoritairement keynésienne (où l'Etat à dans l'économie un rôle non négligeable), les théoriciens du libéralisme travaillaient d'arrache-pied : Dès 1955 était créée l’IEA, Institute of Economic Affairs, qui oeuvre à la vulgarisation des thèses de Hayek et du monétarisme auprès des milieux d'affaires, qui n'étaient pas gagnés d'emblée à leur cause. Un de ses grands directeurs, Ralph Harris, sera annobli dès l'intronisation de Margaret Thatcher. Cette dernière n'attend d'ailleurs pas ce moment historique pour se faire la main. Ministre des sciences et de l'éducation dans le gouvernement d'Edward Heath, elle laissera l'image d'une "milk snatcher" en privant en 1971 les enfants de sept à onze ans de la gratuité du lait. Thatcher rejoint le Centre for Policy Studies en 1974, fondé par son éminence grise Joseph Sinjohn Keith. En 1977 naîtra l’Adam Smith Institute, et tous ces "think tanks" ont distillé année après année la doctrine ultralibérale. Elle lit sans doute aussi Mancus Olson, qui rend les politiques redistributives responsables de l'accroissement de la pauvreté et pénalisant la croissance.
En 1979, donc, et pour la première fois en Europe, les chantres du néo-libéralisme allaient pouvoir mettre en pratique les enseignements de leurs maîtres, dont les croyances principales sont que :
- l'état doit intervenir le moins possible dans de très nombreux domaines d'activités de la cité ("refouler les frontières de l’État", selon les propres termes de la Dame de Fer, Hayek parlait d"État minimal" : ce principe est déjà dans le libéralisme lui-même, initié par Adam Smith (5 juin 1723 - 17 juillet 1790). Thatcher signe ainsi la mort de l'Etat-Providence (Welfare State), formule popularisée par l’anglais William Beveridge (1879-1963) mais qui aurait été inventée par l'archevêque William Temple.
- les marchés économiques doivent être libérés de toute entrave. Thatcher s'inspire en particulier de
de "l'école des choix publics" ( Public choice school) dont le chef de file est James Buchanan (prix nobel d'économie 1986) mais inspirée aussi des travaux d'Anthony Downs et Gordon Tullock . Pour ce courant libéral, les "choix" du marché sont toujours meilleurs que ceux de l'Etat, qui subit les pressions variées de ses citoyens.
- les inégalités sociales bénéfiques, en particulier pour la mobilité sociale
- le principe de concurrence doit être central dans la société. "La valeur centrale de la doctrine de Thatcher et du néolibéralisme lui-même est la notion de concurrence -- concurrence entre les nations, les régions, les firmes et bien sur entre les individus. La concurrence est un concept central parce qu'elle sépare les moutons des chèvres, les hommes des garçons, les adaptes des non adaptes. Elle est supposée allouer toutes les ressources, qu'elles soient physiques, naturelles, humaines ou financières, avec la meilleure efficacité possible."
extrait de : http://www.france.attac.org/spip.php?article407
- les syndicats sont anti-démocratiques en ce sens qu'ils "ont sapé les bases de l'accumulation privée (de l'investissement) par leurs revendications salariales et par leurs pressions visant à ce que l'Etat accroisse sans cesse des dépenses sociales parasitaires".
idées en substance de Von Hayek, extrait de :
http://www.alencontre.org/EdPage2/p2_neolib_anderson.html
Si la critique anticapitaliste insiste avec raison sur les points énoncés ci-dessus, elle ne parle pas assez des aspects terrifiants de l'idéologie libérale, qui n'imagine pas une seconde que les marchés vont apporter la prospérité à tout un chacun, acceptant à jamais l'idée d'une société inégalitaire, et plus encore, qui ne porte pas dans son coeur la démocratie, pire, qui préfère souvent un régime non-démocratique à une démocratie illimitée et qui a peur des réactions imprévisibles des pauvres, pour lesquels il préconise un revenu minimum "ne serait-ce que dans l’intérêt de ceux qui entendent être protégés contre les réactions de désespoir des nécessiteux" (F. A. Hayek, La constitution de la liberté, Litec, Paris, 1994, p. 285.). Thatcher s'avèrera être une bonne disciple de Hayek :"" C'est notre travail de vanter l'inégalité et de faire en sorte qu'on laisse cours aux talents et aux compétences pour s'exprimer, pour le bénéfice de nous tous". Un des mentors de la Dame de Fer, Keith Joseph, n'affirmait-il pas en 1976 que les dépenses des riches étaient plus utiles à un pays que celles des gens modestes, qui n'apportent que quelque pences de plus dans l'économie ?
Ainsi, au moment même où un philosophe allemand, Hans Jonas, publie "Le principe responsabilité", qui rend compte de l'aberration de la recherche permanente de la croissance économique, le gouvernement Thatcher commence la libéralisation des banques et des marchés financiers, avec fusions, concentrations, investissements et supprime un certain nombre de contrôles sur les salaires, les revenus, les dividendes ou encore les prix.
Nous allons maintenant examiner le bilan de la première expérience grandeur nature d'économie libérale en Europe. Mais nous n'allons pas le faire à la manière de la plupart des sites anticapitalistes, altermondialistes de tout poil. Pourquoi ? Parce que, comme leurs adversaires, ils ne retiennent souvent que les chiffres qui apportent de l'eau à leur moulin et de cette manière, et certains d'entre eux masquent la complexité de l'analyse. Plus intéressant est de comparer les discours, éclairer les chiffres, les données, afin de se fairer une opinion la plus éclairée possible de la réalité qu'ils représentent, et de comprendre, fondamentalement, ce qu'implique concrètement dans la vie des citoyens la mise en oeuvre d'une politique capitaliste ultralibérale.

Commençons par faire l'avocat du diable. Quand Thatcher arrive au pouvoir, la situation économique est catastrophique, apprend-on dans les manuels. Les difficultés sont manifestes depuis 1960 mais, à la suite du choc pétrolier de 1973, tout se détériore : - Entre 1973 et 1979, la croissance est inférieure à 1,5 %, et même négative en 1974-1975. - Le chômage augmente pour atteindre 1,5 million de personnes début 1979. - Inflation galopante (jusqu'à 25% en 1975) - 5e rang de l'OCDE en 1951, la Grande-Bretagne passe au 15e rang en 1971. - De 20 % de production industrielle mondiale, on passe en dessous de 10% en 1976. - Des grèves monstres, suscitées par le malheur et la détresse de millions de gens, dans un pays où les salariés sont très syndiqués : 15 millions de journées en 1974, 10 millions en 1977-78, 30 millions pendant le fameux Winter of Discontent (Hiver de la grogne) qui finit d'abattre le gouvernement Callaghan (1976-1979). Pour toutes ces raisons, le Royaume-Uni était appelé "l'homme malade de l'Europe" et avait besoin d'un sauveur. Ce sera une femme. Margaret Hilda Roberts, qui épousera Denis Thatcher, et qui sera faite baronne Thatcher de Kesteven en 1992 par l'entremise de John Major, qui poursuivra cette politique ainsi que, peu ou prou, Tony Blair. Si la thérapie de choc de la Dame de Fer fait entrer le pays dans une forte récession de 1979 à 1982, la croissance revient en 1983 et, à part les années 1989-1990, elle ne se démentira pas jusqu'à ce jour. En 1990, la Bourse de Londres, la City, devient la 3e place financière du monde après Wall Street et Tokyo. A cette date, le chômage est de 5,8% comparé aux 11% de l'année 1983. Dès 1986, il passait déjà de 3.000.000 à 1.500.000 personnes. En 1989, toujours, la Dame de Fer peut se targuer d'avoir assaini les finances publiques : le budget de cette année dégage un excédent de 24 milliards de livres qui permet au Premier Ministre d'entamer un désendettement en profondeur de l'Etat. Sans compter qu'elle fait entrer le pays dans la modernité en faisant que deux tiers des emplois appartiennent aux services et plus à l'industrie. Et n'allez pas croire, comme le disent les mauvaises langues, que la baronne de Kesteven a détruit l'Etat providence (Welfare State). C'est un fait avéré que les dépenses sociales n'ont pas diminué pendant la mandature de Thatcher, qu"il s'agisse par exemple de la sécurité sociale ( + 33 %) ou du service national de santé (National Health Service, NHS), + 34 %.

A partir de là, on serait tenté de se réjouir, et c'est ce que ne manquent pas de faire les admirateurs de la baronne. Arrêtons-nous un instant sur deux regards attendrissants portés sur le thatchérisme, John Blundell, auteur de Margaret Thatcher : A Portrait of the Iron Lady et Jean-Louis Thiériot, premier biographe en français de Thatcher, dont l'ouvrage s'intitule Margaret Thatcher : de l'épicerie à la Chambre des Lords, éditions Fallois, 2007. On ne s'étonnera guère à la lecture de savoir que le premier a été directeur général de l’IEA (dont il a été question plus haut) entre 1993 et 2009. Le second est historien et avocat, chef d’entreprise et maire de Beauvoir (77390). Il appartient au think tank ultralibéral CroissancePlus, dont fait partie par exemple Laurence Parisot, présidente du Medef. Comme tout laboratoire à idées ultralibérales cette association milite pour réduire le contrat de travail à la portion congrue, en particulier pour une flexibilité accrue des salariés. Par bonheur, le chapitre 26 de l'ouvrage de Blundell a été traduit. Il commence par le résumé du travail fantastique accomplie par son héroïne du 10 Downing Street : " - Elle a tenu tête au mouvement syndical en entier, l’a ramené sous le régime de la primauté du droit * et l’a redonné à ses membres;


- Elle a transformé la perspective du pays quant aux avantages d’une économie de marché;
- Elle a privatisé des industries clés au sein de l’économie, ce qui a amélioré radicalement leur sort et a provoqué un mouvement d’imitation à l’échelle mondiale;
- Elle nous a appris la nécessité de faire preuve de prudence sur le plan monétaire afin de maintenir l’inflation à un faible niveau;
- Elle a permis à des millions de personnes de devenir indépendantes des administrations locales en leur donnant un droit d’achat de leur logement social;
- Elle a permis aux Britanniques de garder la tête haute en adoptant une approche de principe, ferme et robuste en matière de relations internationales;
- Elle a amorcé le processus qui a mené à la paix en Irlande du Nord;
- Elle a aidé Ronald Reagan à démanteler le rideau de fer sans un coup de feu et à détruire l’« empire du mal »;
- Elle a fait en sorte que tous les gouvernements britanniques à l’avenir devraient être bien plus favorables au capitalisme qu’ils ne l’avaient été avant 1979."
extrait de : http://www.iedm.org/uploaded/pdf/hors-serie0310_fr.pdf * c'est moi qui souligne
S'agissant maintenant de Thiériot, laissons parler un maître de conférences à propos de l'ouvrage en question, tout en précisant au préalable que ce savant, Mathieu Laine, est "avocat d’affaires et co-fondeur de la société de conseil AlterMind", mais aussi "l’auteur de La Grande Nurserie (JC Lattès, 2006) et de La France est foutue, dans la collection "Idées fausses, vraies réponses" qu’il dirige chez Lattès (JC Lattès, 2007). Mathieu Laine est également maître de conférences à Sciences-Po, où il enseigne le droit et anime, avec Yorick de Mombynes, un séminaire d’introduction à la pensée libérale."


extrait de : http://www.nonfiction.fr/fiche-perso-186-mathieu_laine.htm

"Même Tony Blair, qui appartient au camp adverse, a reconnu publiquement, à plusieurs reprises, le mérite des années Thatcher et a rendu hommage à celle qui, en un peu plus de dix ans, a mis les anglais sur la route de la croissance et du recul durable de la pauvreté*. (...) Dans une Angleterre dévastée depuis 1945 par un socialisme plus ou moins avoué, une mollesse politique quasi institutionnalisée, la tyrannie syndicale et le culte du Welfare State, elle fait partie du petit nombre qui, nourri intellectuellement par des think tanks prestigieux comme l’Institute of Economic Affairs d’Antony Fischer, piloté par Arthur Seldon et Ralph Harris, croit aux vertus de la liberté individuelle, de la responsabilité personnelle et des droits de propriété. Ce sont ces valeurs, ce triptyque gagnant, qui animent Margaret Thatcher et la propulsent au sommet d’une Angleterre en ruine. La foi méthodiste de son enfance lui enseigne qu’au cœur de la vie est la "parabole des talents", l’obligation morale pour chacun d’entre nous de donner le meilleur de lui-même. Elle lit, bien sûr, Friedrich Von Hayek, médite Karl Popper, écoute Milton Friedman. Thiériot montre ainsi comment le politique peut être façonné par le monde des idées et combien cette double filiation religieuse et intellectuelle construit profondément la vision révolutionnaire de Margaret Thatcher. Le premier mandat sera celui des réformes de structure : baisse des dépenses publiques, restructuration des entreprises nationalisées, réduction radicale de la pression fiscale et libre convertibilité de la Livre. À situation calamiteuse, purge amère. Les difficultés sociales suivent. Le nombre de chômeurs bondit d’un à trois millions. La plupart des vieilles industries manufacturières ferment. Les géants du charbon ou de l’acier sont mis à la diète. L’impopularité de Maggy est au plus fort. Mais cela ne dure qu’un temps, finalement assez court, et les réformes audacieuses finissent rapidement par payer. Le retour de la croissance, les premières embellies sur le front du chômage et surtout le renouveau de la ferveur nationale à l’occasion de la campagne des Malouines, lui assurent une réélection de maréchal.


Le second mandat sera le plus brillant. En réalité, elle a fait le plus dur, non sans courage, et avec, chevillée au corps, la conviction profonde que sa politique de libéralisation permettrait de sortir le pays du marasme et d’améliorer, rapidement, le quotidien de tous, y compris des plus fragiles. Et ça marche ! Les fondamentaux sont restaurés et le budget de l’Etat est ramené à l’équilibre. Il lui reste un dernier obstacle pour mettre en œuvre sa grande politique de l’offre : remettre à leur place les syndicats pour assurer la flexibilité du marché du travail. (...) Lorsqu’en 1984, le NUM, le syndicat des mineurs, s’efforce de bloquer le pays pour empêcher la fermeture pourtant inéluctable des puits, elle s’est préparée depuis des mois à l’affrontement. (...) Un an plus tard, la grève fut longue, très longue, mais le gouvernement n’a rien cédé et les syndicats d’extrême gauche sont déconsidérés. Margaret Thatcher peut ensuite, sereinement, achever ses réformes : privatisation, développement d’un véritable capitalisme populaire, libération des prix et des services, avec pour conséquence le "big bang" de la City qui redevient un fleuron de l’économie mondiale et attire les jeunes talents des pays étrangers. (...) Reste le bilan. A ce sujet, l’auteur n’oublie pas les souffrances dans les périodes de transition. Il évoque également ce contraste grandissant entre le nord du pays et l’Écosse, toujours à la traîne, et le sud, toujours plus florissant. Mais il y a aussi – et surtout – la face lumineuse, la fin du déficit budgétaire, le retour impressionnant de la croissance (qui fait de la politique de Thatcher un véritable modèle, copié dans plusieurs pays à travers le monde), le dynamisme retrouvé de Londres, première place financière et artistique d’Europe, la baisse massive du chômage, la création de millions d’entreprises et le recul de la pauvreté partout où elle s’était installée. (...) Il y a également, on l’oublie trop souvent, la révolution sociale : le développement de la méritocratie a sonné le glas d’une certaine caste venue de la gentry, éduquée à Eton ou Rugby, passée par Oxbridge, "born to command" comme on dit là-bas. Le Yuppie a remplacé le Grandee. Ce n’est pas là le moindre des paradoxes de l’ère Thatcher. Celle qu’on présente comme l’avocate des privilégiés fut un extraordinaire promoteur de l’ascension sociale par le talent et l’effort. On est loin, bien loin, des caricatures véhiculées en France…"


extrait de : http://www.nonfiction.fr/article-403-qui_est_vraiment_margaret_thatcher_.htm

* c'est moi qui souligne
Une chose me frappe immédiatement à la lecture de ces apologies du thatchérisme. On sait que la Dame de Fer était arrivée au pouvoir à un moment où le désespoir d'une grande population s'est manifesté en particulier dans des grèves massives.On s'attend donc, quand on nous vante son fantastique bilan, à ce que que ses concitoyens se portent beaucoup mieux et de quoi parlent nos deux têtes pensantes ? De la part de Blundell : le droit des syndicats, des avantages de l'économie de marché, du sort florissant des industries, de la prudence monétaire, l'indépendance (devenir propriétaire) ou la fierté des gens, la destruction du mal communiste en Allemagne de l'Est. Le paysage thatchérien s'éclaircit avec Thiériot qui, selon Laine, affirme sans rougir avec Tony Blair que la pauvreté a reculé durablement, que la libéralisation a amélioré le quotidien de tous, les plus démunis y compris, que des millions d'entreprises ont été créées, que le chômage a baissé massivement, que la croissance a fait un retour fracassant, tout ceci autour de trois points d'ancrage importants : la liberté, la responsabilité et la propriété individuels. Ce type d'économie, où une grande fraction de pauvres s'appauvrit et une petite fraction de riches s'enrichit permet à un discours libéral d'affirmer sans erreur que la moyenne générale des revenus a augmenté de 36% et aux politiciens conservateurs de l'époque d'avoir fait trois cartons électoraux successifs. En 1994, on pouvait lire dans The Economist que "grâce aux réformes thatchériennes, les Britanniques appartiennent aujourd'hui à la classe moyenne ou dorment dans des cartons à la belle étoile." Différentes études le montrent, à l'avènement de Thatcher, les Britanniques pauvres (on sous-entend alors que leur revenu est inférieur de moitié au revenu moyen) étaient 5 millions, et à son départ, en 1991, ils étaient 13 millions, soit plus d'un Britannique sur cinq. Par ailleurs, "une étude publiée par le Social Services Committee en mai 1991 évalue à 12,2 millions le nombre d’individus dont les revenus en 1987 étaient inférieurs ou égaux au montant des minima sociaux. Il est généralement admis qu’en 1979, 9,4 millions d’individus étaient dans une situation similaire."


extrait de : http://erea.revues.org/345


Entre 1980 et 1990, les revenus des 10 % les plus pauvres baissaient d'environ 10 % pendant que ceux des 10% les plus riches augmentaient de 60% (mais seulement +4% pour le deuxième décile). Des quartiers entiers de grandes villes se sont paupérisés (inner cities) et ont subi de violentes émeutes en 1981, 1985 et 1990. De1980 à 1993, le nombre de bénéficiaires de l’allocation monoparentale est passé de 470 000 en 1981-82 à 895 000 en 1992-93. En 1989, autour de 65% des mères de familles monoparentales vivent en-dessous du seuil de pauvreté (90% de ces parents seuls sont des femmes, pour une grande part divorcées). Le Child Poverty Action Group (CPAG) a mené moult études sur le sujet qui démontrent "que les politiques conservatrices se soldent par une augmentation de la pauvreté, le désengagement de l’État, à la fois garant et instrument de la solidarité sociale, aboutissant à un accroissement de la pauvreté, mais aussi que même lorsque l’on juge ces politiques à l’aune des objectifs qu’elles se sont fixés, il faut se rendre à l’évidence qu’elles ont échoué ; on en voudra pour preuve le coût de la transformation en un système résiduel, qui provoque une augmentation des besoins, une aggravation de la dépendance et donc une augmentation du coût de la protection sociale." De manière plus fine encore, les études du CPAG "rendent compte d’une aggravation de la polarisation en termes économiques (le fossé se creuse entre les deux extrémités de l’échelle des revenus) ; elles soulignent l’aggravation d’une "


extrait de : http://erea.revues.org/345


De savoir, en plus des autres points d'apparence positive cités plus hauts, que Thatcher aura permis à 50% des pauvres de posséder un magnétoscope ou une voiture, à 75 % d'entre eux d'avoir le téléphone et à ses concitoyens de devenir actionnaires en masse (de 7% à 23 %), ne gomment en aucun cas le fait qu'à la fin de son mandat un Anglais sur cinq est pauvre et que la grande partie de la richesse produite l'est au bénéfice des nantis et n'est pas distribuée de manière équitable. Dire à partir de ces deux réalités incontournables que le Thatchérisme est un exemple à suivre pour la France, pour l'Europe, est donc clairement un choix idéologique. Il implique pour celui qui le vante et le promeut (l'idéologue ultralibéral au premier chef) une philosophie de vie où le partage des richesses n'a pas de valeur, une économie "darwinienne" où les forts mangent les faibles. Thatcher a donc été un bon élève à l'école ultralibérale : réduire la pauvreté n'est tellement pas un objectif que d'améliorer le sort de millions de gens et d'enrichir une partie non négligeable d'entre eux permet d'accepter d'appauvrir plus d'une dizaine de millions d'autres.


source image TINA :

http://us.123rf.com/400wm/400/400/pixelsaway/pixelsaway1101/pixelsaway110100114/8659952-tina-il-n-y-a-pas-d-alternative-- phrase-attribu-e--margaret-thatcher--blanc-craie-handwrting-et-coul.jpg

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