Ce 10 octobre, la Journée mondiale de la santé mentale est placée sous le signe de la dignité. Patients entravés, isolés du monde ou tout simplement abandonnés par un système de soins qui ne place pas la santé mentale dans ses priorités, le constat est amer pour la santé mentale.
Pas assez de personnel qualifié, des structures inadaptées, vieillissantes, surchargées voire inexistantes, une société qui bannit la maladie psychiatrique au point de retomber dans des travers sécuritaires et asilaires dont nous pensions sortis. Le cocktail détonnant auquel font face les personnes touchées par la maladie mentale les stigmatise toujours plus, les isole et empêche leur insertion dans une société de la performance qui ne tolère aucun écart –surtout lorsqu’il est d’ordre psychique.
Dans les pays les plus pauvres, l’obstacle majeur reste évidemment le manque d’investissement dans la santé mentale. Mais aussi la mise à l’écart de ces patients particuliers. « Peu de pays ont un cadre juridique protégeant suffisamment les droits des personnes souffrant de troubles mentaux », signale l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Des malades stigmatisés et marginalisés
Mais dans les pays riches, l’obstacle n’est pas moins grand : « La stigmatisation des personnes souffrant de ces troubles et la violation de leurs droits aggravent la situation, indique l’OMS, parce qu’elles augmentent la vulnérabilité de ces personnes, accélèrent et accentuent leur paupérisation, et empêchent les soins et la réhabilitation. » C'est l'exclusion qui guette les malades psychiques.
Face à ce constat plutôt alarmant, ce 10 octobre, la Journée mondiale de la santé mentale met l’accent sur la dignité nécessaire dans le soin et la prise en charge de ces pathologies qui effraient. Souvent stigmatisés, les malades psychiques se marginalisent et entrent dans un cercle vicieux qui chronicise leur pathologie et leur situation socio-économique.
La maladie mentale affecte une personne sur trois dans le monde au cours de sa vie, elle est la deuxième cause de perte de qualité de vie (après les affections cardiovasculaires) et l’OMS estime qu’elle sera la première cause mondiale de handicap d’ici 2020. Pourtant, elle n’est toujours pas une priorité dans les budgets consacrés à la santé, regrette l’Organisation qui définit la santé comme étant « un état de complet bien-être physique, mental et social ».
Accès au soin difficile, entraves abusives
Les soins primaires ne sont pas investis par la santé mentale. Les hôpitaux et soins psychiatriques, concentrés dans les grandes villes et leurs banlieues, isolent leurs patients du reste du monde et rendent l’accès au soin difficile. En prime, ils présentent le défaut majeur de coûter plus cher qu’une psychiatrie qui s’exercerait au sein des soins primaires, à proximité de chacun. Mais la peur et le repli sécuritaire conduisent à ces dérives.
Et à d’autres encore. Le débat sur l’usage abusif des contentions et autres entraves fait rage en France. A juste titre. Car si la vision du soin en psychiatrie laisse de la place à la dignité personnelle chez certains soignants, la culture –encore récente à l’échelle de l’humanité– de l’enfermement et de l’usage massif de méthodes faisant taire la « folie », au lieu de l’écouter, reste ancrée.
La psychiatrie déshumanise encore beaucoup ses patients. Elle a encore recours à la surmédication pour les tenir en rangs. Elle les prive d’intimité. Elle les infantilise et ne les associe pas aux décisions les concernant, les privant même du droit de refuser un traitement. Les protocoles rigides retirent tout effet personnel, habillent encore souvent les patients en pyjama, proposent des dortoirs de trois à cinq lits dans certains établissements en mêlant les pathologies pas toujours faciles à vivre. Sans parler des sanitaires communes et... mixtes.
Contrainte sans dignité
L’institution ne différencie pas les droits de ceux présents de leur plein gré (en « hospitalisation libre ») et de ceux placés sans consentement. Ces derniers sont d’ailleurs nombreux, puisque l’on recensait, en 2011, 78.000 hospitalisations en psychiatrie sous contrainte (à la demande d’un tiers ou en hospitalisation d’office) contre environ 54.500 en 2006.
Une hausse impressionnante et qui inquiète. Elle entretient l’idée populaire selon laquelle le soin psychiatrique ne peut être consenti, et doit donc rester marginalisé. Mais elle abime aussi le lien de confiance, qui s’instaurera difficilement entre une personne enfermée contre sa volonté et un soignant qui se sera trouvé en position de donner ou non des libertés à l’intérieur d’un établissement déjà très fermé.
Tandis que l’on isole la psychiatrie et l’entoure de murs en plus de la faire surveiller par des vigiles, les malades voient leurs chances de réinsertion s’amenuiser et leur dignité se faire grignoter à l’intérieur comme à l’extérieur des structures. L’OMS souligne : « L’un des obstacles majeurs est probablement le manque d’initiatives de santé publique efficaces en faveur de la santé mentale dans la plupart des pays. »
- A lire : Santé mentale et dignité, de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)