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Billet de blog 8 décembre 2014

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L’« apolitique » d’un regard sur la Chine : métamorphose d’un papillon en oiseau

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Illustration 1
© UGC Vidéo

Sortie DVD de Le Promeneur d’oiseau, de Philippe Muyl

Chong Yi et Ren Quan Ying forment un jeune couple très actif à Pékin, lui en tant qu’architecte de la ville moderne et elle voyageant à travers le monde pour affaires. Leur fille est à la fois prise en charge par le confort technologique et le regard d’une domestique à tout faire. Lorsque celle-ci doit partir quelques jours, c’est le désarroi. La mère décide de confier la garde de sa fille au grand-père paternel de celle-ci. Or, grand-père et père ne sont pas parlé depuis plusieurs années. La fillette, gâtée et aux mœurs ultracitadines, se voit donc contrainte de cohabiter avec son grand-père qui a décidé de retourner dans son village natal pour libérer son oiseau de compagnie.

Si la politique des liens et échanges économiques entre la France et la Chine ne sont guère évidents à décrypter, le film chinois Le Promeneur d’oiseau du réalisateur français Philippe Muyl tente de démontrer sur la place publique la possibilité d’une collaboration fructueuse entre les deux pays. Tout commence avec la découverte d’un intérêt du public chinois pour son film Le Papillon (2002). Progressivement, et compte tenu des intérêts économiques entre les deux pays, cette découverte se transforme en l’idée de raconter à nouveau cette histoire mais en s’adressant tout d’abord au public chinois. Plusieurs éléments du scénario sont changés, le tournage se déroulera à Pékin et dans la campagne du sud de la Chine avec une production majoritairement chinoise. Philippe Muyl conserve bien l’esprit de son Papillon mais en tenant compte de quelque codes culturels chinois. En cela, il a le mérite d’être cohérent et fidèle à son œuvre. De la même manière qu’il a pu mette en valeur les beautés de la campagne française, il fait de même avec la campagne chinoise. Il recentre en outre son sujet sur l’extrême fracture générationnelle entre un grand-père et sa petite fille. S’oppose ainsi deux mondes antithétiques : Pékin, ville du futur, représentée par une circulation automobile accélérée et la paradisiaque campagne conservant des habitats anciens typiques où la solidarité est aussi naturelle que l’herbe qui pousse. Dans la quête frénétique du progrès et du confort occidental, la Chine ne doit surtout pas oublier ses origines : tel est l’un des messages déversé à gros sabots tout au long du film. Ce message humaniste qui tend à mettre en avant le devenir des hommes avant le devenir du progrès industriel est en soi irréprochable, surtout lorsqu’il prône en outre la réconciliation entre les membres désunis d’une même famille. Mais tout porte à croire que cette morale sentencieuse est de façade. Ainsi, le message du film apparaît plus important que les réalités humaines qu’il enregistre : tout a un aspect touristique dans les prises de vue, comme si le film était aussi une publicité pour aller découvrir les merveilles méconnues de la campagne chinoise. La modernité décriée du monde urbain a en ce sens l’atout de séduire le public européen qui ne sera pas surpris, en début de film, de se sentir en terrain connu, avant d’aller jouir d’un peu d’exotisme en Chine du Sud. Le film est gentillet et ne dépasse jamais ce stade : difficile de développer différentes lectures des images qui ne servent qu’à la morale du film. On sent là une réelle complaisance à l’égard de l’ordre du monde humain filmé, qui est quelque peu dérangeant compte tenu de la réalité politique actuelle en Chine. Car en se voulant apolitique, le cinéaste soumet entièrement sa vision au producteur majoritaire du film. Le cinéma naissant dans un espace social pour se diffuser ensuite dans un autre espace social que peut être la salle de cinéma, le cinéma ne peut pas être apolitique, puisqu’il déverse bien une vision de l’ordre du monde. La générosité apparente de l’histoire souffre dès lors de ce mensonge originel. Il n’est pas étonnant au final que l’histoire se termine avec peu de changement dans la vie des personnages, car aucune contestation n’est possible : l’ordre du monde décrié au début du film peut bien se poursuivre, car il aura suffi d’une simple ballade touristique hors de la ville, pour cesser de culpabiliser sur cette désunion et incommunicabilité familiale, pourtant symptomatique d’un problème de choix de société.

Illustration 2

Le Promeneur d’oiseau

Ye Ying - Le Promeneur d’oiseau

de Philippe Muyl

Avec : Li Bao Tian (Zhu Zhi Gen, le grand-père), Yang Xin Yi (Ren Xing, la fillette), Xiao Ran Li (Ren Quan Ying, la mère), Hao Qin (Chong Yi, le père)

Chine - France, 2013.

Durée : 96 min

Sortie en salles (France) : 7 mai 2014

Sortie France du DVD : 5 novembre 2014

Format : 1,85 – Couleur

Langue : mandarin. Sous-titres : français.

Éditeur : UGC Vidéo

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