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Billet de blog 18 novembre 2013

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Débat M Lequenne / C Delarue sur la petite-bourgeoisie.

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Débat Michel LEQUENNE / Christian DELARUE

sur la petite-bourgeoisie.

XX

QUATRE TEXTES A SUIVRE

 XXX

De Christian Delarue

1)   Les trois types de « petite-bourgeoisie » - Médiapart

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/150911/les-trois-types-de-petite-bourgeoisie?

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1835

Il s’agit de donner la trame d’une conception hétérodoxe d’inspiration marxiste et altermondialiste à la question des classes sociales.

Reprenons (1) la notion de "petite bourgeoisie". La tendance contemporaine tient à évoquer des couches moyennes et des couches modestes ou "populaires" comme composantes du peuple-classe. Le peuple-classe est le peuple résident moins la bourgeoisie.

Le terme de "petite-bourgeoisie" a longtemps fonctionné comme notion stigmatisante, à savoir une accusation portée sur un groupe social qui dans son mode de vie tendait beaucoup à copier le mode de vie "bourgeois". Ce n’est vrai que pour parti. Surtout cela empêche d’aller plus loin dans la réflexion. D’autant, qu’il existe de nos jours une fraction de la petite-bourgeoisie - grosso modo, celle proche des couches modestes - qui est nettement "progressiste" et qui lutte activement pour l’émancipation sous diverses formes.

Des distinctions sont donc à opérer. Dés lors, commençons par le début et entreprenons de donner à la "petite-bourgeoisie" une définition sérieuse. Quitte à constater ensuite que le pluriel est nécessaire.

La tentative de définition vaut pour la France de 2010 et les pays à développement économique et social similaire. Ailleurs des adaptations seraient nécessaires.

1) Localisation générale de la petite-bourgoisie.

La petite-bourgeoisie est une fraction du peuple-classe.

La petite-bourgeoisie est au-dessus des prolétaires.

La petite-bourgeoisie est sous la classe dominante, sous la bourgeoisie.

Mais il importe de ne pas s’en tenir à une conception stratificationniste ou "par étage" et d’aller plus loin avec quelques distinctions supplémentaires. Il s’agira alors de croiser une conception verticale et une horizontale.

La première conception dite verticale distingue trois "petites bourgeoisies" en fonction de leur position par rapport au travail salarié mais vient ensuite immédiatement une seconde conception stratificationniste (dite horizontale) qui s’y ajoute. Cette dernière distingue les prolétaires (moins de 3000 euros net) des couches aisées juste au-dessus (plus de 3000 euros net par mois) . Elles sont aisées mais pas riches car loin de la richesse de la classe dominante.

2) Contenu : Trois petites-bourgeoisies.

Le petit capital Les propriétaires du petit capital sont dominés par le capital financier ou "la finance" : la taille des entreprises concernées est de plus en plus grosse.

Les travailleurs indépendants (ni prolétaires ni bourgeois) : les professions libérales aisées mais pas riches sont membres de la petite-bourgeoisie.

Les travailleurs salariés aisés (ni prolétaire ni "salariés" bourgeois) du public ou du privé. Ce sont des travailleurs qualifiés disposant d’un bon salaire supérieur à 3000 euros net par mois. Ce sont aussi très souvent des cadres intermédiaires.

On notera qu’il existe :

un petit patronat prolétarisé : moins de 3000 euros net mensuel

des travailleurs indépendants prolétarisés (même raison)

3) Aspects subjectifs : Distinction politique.

La petite-bourgeoisie non salariée : Le petit capital comme les travailleurs indépendants se disent majoritairement "de droite".

Ils sont en général contre la RTT, l’augmentation des salaires, les grèves et les manifestations des travailleurs salariés. Mais ces catégories sociales néanmoins dominées pourraient aujourd’hui se retrouver plus massivement en accord avec les travailleurs du rang pour revendiquer des TTF, une réglementation des banques et de la finance, une éradication des paradis fiscaux comme tous les "membres" du peuple-classe.

La petite-bourgeoisie salariée : Les travailleurs salariés aisés sont des dominés en position d’être des dominants pour l’encadrement.

De cette ambivalence on remarque qu’ils sont pour partie un groupe social solidaire des prolétaires mais aussi pour une autre fraction les relais de l’exploitation et de la domination de la bourgeoisie.

Certains défendent les couches, pauvres, modestes et moyennes y compris moyennes supérieures parfois mais contestent la classe dominante. C’est le cas de la fraction aisée des enseignants de l’Education nationale. A distinguer comme le fait JC Milner de la bourgeoisie d’Etat qui "pantoufle" dans le privé et réclame des privatisations, des mécanismes de gestion issus du privé, des dispositifs de "marchandisation", etc... Et qui veulent surtout plus de traitement alors qu’ils sont déjà "pétés de thunes" pour le dire enfin comme je l’entends très souvent !

Une vision dynamique et non statique amène à remarquer aussi que les travailleurs qualifiés qui sortent du prolétariat en fin de carrière peuvent aisément se montrer solidaire de leurs semblables ’plus modestes". Remarque à moduler car le souci de conserver les acquis a eu pour résultat paradoxal de voir d’autres aller vers le FN pour empêcher la montée des couches inférieures dangereuses françaises ou non.

Christian DELARUE

XX

2 : De Michel Lequenne .

Portrait de Michel Lequenne 
par Monique Bantman

Réponse marxiste au texte “néo-marxiste” sur les « trois petites-bourgeoisies ».

- Une conception bourgeoise de la petite bourgeoisie.

Les conceptions bourgeoises de la petite bourgeoisie, ou “classes moyennes”, envisage des niveaux, fluctuants, de montant des revenus, et non pas de l’origine de ces revenus. Cela a abouti au mot accusateur de “bobo” (bourgeois-bohèmes) qui atteint des travailleurs qualifiés et intellectuels ou techniciens, qui ni bourgeois (dont le revenu est constitué d’actions ou d’un petit capital) ni bohèmes parce que travailleurs de plus en plus surexploités, soumis à de horaires supérieurs à la loi, et jusqu’au stress qui peut les conduire au suicide).

De plus en plus de travailleurs à plus ou moins hauts salaires comprennent leur statut de “prolétaires”, il est vrai d’aristocratie ouvrière, mais étant de plus en plus (à la différence de l’aristocratie ouvrière du passé), comme ceux d’en bas mis en concurrence les uns avec les autres, sans ménagement et souvent sans possibilité de retrouver du travail.

- Pour Marx, la petite bourgeoisie n’était pas une classe, mais une masse fluctuante, allant des classes anciennes, de la noblesse à la petite paysannerie et des petits commerçants ou artisans à petit capital aux professions libérales...), tous groupe oscillant entre les classes fondamentales : bourgeoisie (vivant du revenu de capital) et prolétariat( dont le revenu est celui de la vente de leur force de travail, que celui-ci soit manuel ou intellectuel, aujourd’hui de plus en plus manuel-intellectuel – voir Le Capital, fragments du Livre III.

Aujourd’hui, les petits fonctionnaires, et en particulier les enseignants, que Marx plaçait dans la petite bourgeoisie, sont tombés dans le prolétariat. Inversement, des “cadres” et techniciens, de haut niveau, dont le revenu est en partie constitué par des actions ou d’autres types de miettes de revenu du capital, tombent dans la petite bourgeoisie.

- Cette quasi classe petite bourgeoise oscille au gré de leurs intérêt dans le chaos de la lutte de classe. Trotsky a particulièrement étudié, dans les processus révolutionnaires, ces oscillations, que nous voyons clairement nous mêmes aujourd’hui, par exemple dans la crise bretonne.

Cette réalité de la petite bourgeoisie n’apparaît évidemment pas dans la sociologie bourgeoise, colportée par les merdias, à des fins politiques fort claires : diviser le monde du travail !

Michel Lequenne.

XX

 3 : Réponse de Christian Delarue à Michel Lequenne .

Le dernier décile d’en-haut ou la petite-bourgeoisie aisée et celle riche.

Niveau et origine des revenus. Il ne s’agit pas de choisir entre « montant des revenus » et « origine de ces revenus » mais de lier ces deux éléments de la réalité économique et sociale qui concernent le volet production (l’exploitation, le travaillisme) et celui de la circulation marchande (pouvoir d’achat) dans une analyse des classes et couches sociales. Ce n’est pas toujours ce qu’a fait le marxisme orthodoxe qui s’est focalisé sur la production en posant le rapport social entre exploités et exploitants, entre travailleurs salariés et patrons ou capitalistes. Ce faisant il a « oublié » le rapport social de solvabilité face au marché des biens et services, ie face à la richesse marchande (prix) ou non marchande (tarifs). La question de l’accès aux biens et service n’est pas sans intérêt même si elle n’est pas première.

Ce niveau élevé des revenus n’est pas sans intérêt pour comprendre les travailleurs du décile supérieur, les 9% sous le 1% oligarchique. C’est ici que l’on trouve l’essentiel de la couche d’appui du capital (pas qu’eux) car ces travailleurs salariés ou indépendants sont aussi des propriétaires de capital (à hauteur moyenne de 20% dit Picketty).

Je suis d’accord avec Michel Lequenne lorsqu’il écrit : « De plus en plus de travailleurs à plus ou moins hauts salaires comprennent leur statut de “prolétaires” », mais il ne présente ici qu’un aspect de la réalité. Les travailleurs « cadre » sont certes des travailleurs salariés donc dominés et exploités mais ils sont aussi du fait de leur position sociale dans la hiérarchie des dominants. Ils le sont à deux titres comme autorité d’encadrement (cadres intermédiaires) ou de commandement (cadres supérieurs) et comme titulaires de hauts salaires. Lorsque l’on perçoit plus de 3000 euros net et plus encore plus de 4000 euros net il est quand même sain et juste de saisir que l’on est plus dans la même situation que celles et ceux qui perçoivent moins de 4000 ou 3000 euros. Il n’y a quasiment plus de problèmes de fin de mois. Il y a corrélativement forte possibilité d’épargne et donc de constitution d’un patrimoine.

Je suis encore d’accord avec Michel Lequenne lorsqu’il écrit que « pour Marx, la petite bourgeoisie n’était pas une classe, mais une masse fluctuante ». Je le suis encore largement mais pas totalement lorsqu’il précise « allant des classes anciennes, de la noblesse à la petite paysannerie et des petits commerçants ou artisans à petit capital aux professions libérales...), tous groupe oscillant entre les classes fondamentales : bourgeoisie (vivant du revenu de capital) et prolétariat( dont le revenu est celui de la vente de leur force de travail, que celui-ci soit manuel ou intellectuel, aujourd’hui de plus en plus manuel-intellectuel – voir Le Capital, fragments du Livre III. » Mon apport, à la suite d’Alain Bihr (quoique de façon différente) est de saisir la position particulière des prolétaires-cadres qui objectivement et subjectivement peuvent se rattacher à la petite-bourgeoisie.

Je remarque d’ailleurs qu’il est d’accord avec mon analyse puisqu’il écrit : « Aujourd’hui, les petits fonctionnaires, et en particulier les enseignants, que Marx plaçait dans la petite bourgeoisie, sont tombés dans le prolétariat. Inversement, des “cadres” et techniciens, de haut niveau, dont le revenu est en partie constitué par des actions ou d’autres types de miettes de revenu du capital, tombent dans la petite bourgeoisie. » Dont acte.

Il ajoute, et je suis encore d’accord : « Cette quasi classe petite bourgeoise oscille au gré de leurs intérêt dans le chaos de la lutte de classe. Trotsky a particulièrement étudié, dans les processus révolutionnaires, ces oscillations, que nous voyons clairement nous mêmes aujourd’hui, par exemple dans la crise bretonne. »

Entre le travailleur pauvre, touchant moins que le smic, voire moins que le RMI et le cadre supérieur à 10 000 euros par mois on ne peut que voir le monde du travail comme divisé, il ne s'agit pas de s'en accomoder mais de travailler aux convergences.

Christian Delarue

 XX

Dernière réponse de Michel Lequenne.

Texte 4

 La réponse que tu fais, camarade,à ma réponse est implicitement dans ce que j'ai écrit.  La différence de classe entre "cadres" et techniciens à hauts
salaires passe en travers de cette couche  unifiée socialement par les titres et même les fonctions dans l'idéologie bourgeoise. Tous ne sont pas
des cadres de commandement, loin de là. L'immense majorité de ces ³cadres"sont des producteurs de richesses (je le sais d'autant mieux que j'ai été un de ces cadres, et même de commandement technique, organisateur du travail et y participant, dans mes sept ans de chef du service de lecture-correction de l'Encyclopædia Universalis - et mon équipe de correcteurs a  de quoi se souvenir quel ³cadre" de lutte de clases j'ai été, "dirigeant" aussi deux grandes grèves, l'une d'un mois et l'autre de cinq semaines) .

Les cadres de commandement pur appartiennent à la petite bourgeoisie, même quand leurs salaires sont moindres  que ceux de techniciens et autres cadres producteurs. Seuls ces cadres qui ne produisent pas mais commandent et/ou organisent l'exploitation, participent de celle-ci. Aujourd'hui la complexification des technique multiplie le nombre de "prolétaires"intellectuels et manuels-intellectuels. Ce sont eux dont le travail ne cesse d'augmenter le niveau de productivité, et à tel point que même avec de hauts salaires, ils sont, sans s'en apercevoir, les plus exploités de tous les
travailleurs, du point de vue du taux de plus value extrait de leur travail. (ce qui est d'ailleurs la preuve de la possibilité d'une société communiste).

Dans une étude titrée "Chômage zéro", j'avais, il y a environ quinze ans, montré que le but, conscient ou instinctif du capitalisme, était d'opposer cette couche à haut salaire, capable de ce fait de consommer leurs propres produits techniques, y compris ceux que j'appelais "gadgets", de haut profit, à la couche que j'appelais "la plèbe" de la masse immense des travailleurs mal payés réduits pour vivre à la consommation des produits
misérables en qualité de la production de masse. Ainsi pensaient-ils entraver la lutte de classes. Depuis cela avait assez bien marché. Mais la prise de conscience commence. 1968 n'avait été qu'un îlot. La lutte contre le Traité européen a été un tournant. J'avais pu constater dans mon comité qu'il n'y avait quasi pas d'ouvriers, mais en majorité de ces techniciens et enseignants. Telle est aussi la composition actuelle des partis de gauche de la gauche (celle du PS étant de bourgeois et petits bourgeois) et du Front de gauche. Plus la crise s'accentue, plus le Capital doit augmenter l'exploitation de ces "prolétaires" d'aristocratie ouvrière (et même de la production de la petite bourgeoisie).

La grande unité de tout l'arc de l'exploitation doit être l'objectif de la lutte aujourd'hui. Du côté du bas de l'arc, pourquoi les ouvriers manuels et employés (les grévistes de 1936) ne dépassent -ils guère le syndicalisme (et encore...). C'est une autre histoire que je ne peux traiter ici et aujourd'hui.

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