J'ai (retraité, habitant un petit village d'Alsace, blanc) regardé « Ce soir ou jamais » sur le thème « Trop de démocratie tue la démocratie (ou le contraire) ».
Débat intéressant d'un bon niveau réunissant politologue, philosophe, biologiste, architecte, essayiste, rien de choquant ni de particulièrement remarquable dans ce débat de bon ton entre personnes cultivées ce qui donne tout le charme, l'intérêt, et parfois les limites de ce type d'émission. Pas de quoi faire une chronique...
Et puis dernier sujet abordé : les manifestations et l'annulation de la pièce : « Exhibit B ». Et là, la douce torpeur de la soirée s'est mue pour moi en indignation et quelque part en honte. Bams, une artiste française noire (que j'avoue n'avoir jamais vue ni entendue) disait sa blessure profonde, visiblement sincère, par rapport à ce spectacle sensé stigmatiser l'esclavage.
Face à elle tous ces bons « intellectuels » (ici les guillemets me semblent nécessaires) se sont tous drapés dans le rejet inconditionnel de la censure sans qu'aucun n'ai exprimé la moindre compréhension, la moindre empathie face à cette douleur viscérale. Ils n'ont pas davantage exprimé la moindre condamnation (ne serait-ce que pour faire contrepoids à leur rigorisme éthique) de cette abomination absolue et cette honte que furent la colonisation et l'esclavage.
Peu importe de la qualité ou non du spectacle ni de l'intention de l'auteur. Mais qui peut juger, ou plutôt ressentir au plus profond de leur être, de l'impact de cette mise en scène si ce n'est les femmes et les hommes qui ont été humiliés dans leur chair pendant des générations à travers leur ancêtres.
Si ce spectacle était clair dans sa dénonciation ce devrait être les nostalgiques de la colonisation (malheureusement il y en a encore) qui auraient dû manifester.
Les musiciens de Jazz ont inventé une musique pour exprimer leur misère et leur colère. Pourquoi cette musique est géniale et restera : parce qu’elle est profondément sincère.
On ne fait peut-être pas du grand art avec la blessure des autres, par procuration.
Pourquoi, ne pas dire simplement que ce spectacle s'est tout simplement planté, et que dans l'art, la liberté est primordiale mais aussi une certaine éthique.