Joëlle Ceccaldi-Raynaud, députée de Puteaux et Neuilly, vient de déposer le 24 juin dernier, en compagnie de 35 autres députés de la majorité, «une proposition de loi tendant à promouvoir le mérite comme principe fondamental de l’éducation».
Cette proposition de loi comporte un article unique devant figurer dans le Code de l’éducation qui stipulerait désormais que " chaque année, une cérémonie académique de remise de diplômes et de prix est organisée dans les établissements de l’enseignement secondaire et supérieur ". La députée de Neuilly précise sur son site que ces " prix symboliques " devraient être attribués aux " élèves les plus méritants, titulaires d’un diplôme avec mention ".
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, il est affirmé que " l’encouragement du mérite peut légitimement pallier la baisse de motivations des uns et favoriser l’obtention de bons résultats des autres ". Et il est par ailleurs cité – ce qui n’a pas manqué de m’étonner – une indication que j’avais formulée lors d’une interview dans le quotidien " Le Parisien ", le 14 septembre 2008, à savoir que " s’il n’ y a pas des moments ritualisés où l’école dit aux élèves où ils en sont, cela génère de l’angoisse : sans ces rites, l’institution n’institue rien ". Et j’avais alors attiré l’attention sur le fait que ce type de préoccupation était partagé par d’autres. Par exemple, par Philippe Meirieu qui avait déclaré croire en " la nécessité de ritualiser les fonctionnements et d’être ferme sur les rites sans, pour autant, être nostalgique ". " Ce qui fonctionnera , ajoutait-il, ce sont des rites construits et adaptés qui permettront de scander les temps, de marquer les césures, de donner du rythme ".Je suis profondément d’accord avec Philippe Meirieu sur la nécessité de rites scolaires, nouveaux et construits, qui doivent permettre de scander les temps, les césures pour tous les élèves ( pour tous les élèves ). Mais je ne suis pas du tout favorable au retour des remises solennelles de diplômes et de prix aux bons élèves ( à certains élèves donc, dits méritants parce qu’ils ont mieux réussi que les autres, avec mentions ). Lors de cette interview de septembre 2008 partiellement citée dans les attendus de la loi proposée par la députée de Neuilly, j’avais d’ailleurs insisté sur le fait que la décision d’en finir avec les distributions des prix ( et les classements trimestriels qui allaient avec ) avait été impulsé dès avant mai 68. C’est en effet le colloque d’Amiens tenu sous la houlette du ministre très gaullien de l’Education nationale Alain Peyrefitte qui a stigmatisé, dès mars 1968 " les excès de l’individualisme, qui doivent être supprimés en renonçant au principe du classement des élèves " ( et de la remise des prix qui en étaient le corollaire ).
De façon plus générale, se focaliser sur les bons élèves ( comme on le fait depuis des décennies ) aboutit finalement à ce que la France soit assez bien située dans les comparaisons internationales pour ce qui concerne les meilleurs élèves ( comme on le voit, par exemple, dans les tests PISA ), mais mal classée pour les élèves moyens ou médiocres. Compter sur la hausse du plafond pour élever le plancher est clairement démenti par les faits. Il faut arrêter d’y croire et de le promouvoir.