On se souvient de l’issue calamiteuse du passage de Claude Allègre au poste de ministre de l’Education nationale, et l’on connaît par ailleurs sa «façon de penser» (notamment en raison de ses prises de positions très controversées sur le réchauffement de la planète). On ne s’étonnera donc pas qu’il fasse encore une fois la leçon, à sa «façon».
Claude Allègre vient en effet de lancer dans " Le Point " un " appel pour sortir l’école de la spirale de l’échec ". On n’évoquera pas ici tous les " remèdes " du bon docteur pour se concentrer sur l’une de ses propositions qui fait précisément ( et ce n’est pas un hasard ) l’objet de débats feutrés mais vifs ( notamment à droite ), à savoir celle du rétablissement d’un examen d’entrée en sixième ( cf, en particulier, mes billets précédents du 25 octobre 2010 et du 17 janvier 2011 ).
Après avoir soutenu que " la véritable égalité, c’est la diversité ; c’est admettre qu’il n’y a pas de disciplines nobles par rapport à des disciplines prétendument secondaires ( sciences naturelles, histoire, musique…) " Claude Allègre ( dans une ‘’continuité’’ de pensée dont il a le secret ) soutient ( toujours dans ce même article ) que " c’est le contrôle rigoureux qui détermine la nature de l’enseignement et son niveau ( voyez les concours des grandes écoles ou de médecine !) ; il faut donc rétablir un examen d’entrée en sixième pour la lecture et le calcul. Du même coup, on va modifier l’esprit de l’enseignement primaire, qui se polarisera sur ces objectifs devenus prioritaires, et on va libérer d'un grand poids l'enseignement du collège".
Quid, si cette " polarisation sur la lecture et le calcul " se faisait ( au moins durant toute la durée du primaire, avec ses conséquences collatérales probables ultérieures ) de la cohérence avec le principe de " diversité " et l’importance des " disciplines prétendument secondaires " préalablement évoqués par Claude Allègre lui-même ? Par ailleurs, les exemples de contrôles rigoureux invoqués par Claude Allègre se situent à l’entrée ( des grandes écoles ou de médecine ) et ne déterminent pas la nature des études (ultérieures ) de médecine ou des grandes écoles ( alors que, selon toujours Claude Allègre, l’examen d’entrée en sixième – ou plutôt de fin du primaire – devrait déterminer, lui, " l’esprit de l’enseignement primaire et libérer d'un grand poids l'enseignement du collège ". Bref, on est là ( comme il n’arrive que trop souvent dans la rhétorique d’Allègre ) au mieux dans l’à peu près et l’embrouillamini, et sans doute dans la sophistique pure et simple.
Sur le fond du problème, il n’est sans doute pas inutile de confronter le ‘’remède’’ d’Allègre avec le projet actuel de ses ( anciens ? ) amis politique. Le projet du PS ( avalisé en décembre dernier dans la " convention nationale sur l’égalité réelle " ) indique que l’école primaire doit être " une priorité absolue " : " Alors que 40% des élèves sortent de l’école primaire avec de graves lacunes, l’école primaire est nettement sous dotée [ On sait que le coût de l’élève du primaire français est de 15% inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, alors que c’est l’inverse pour celui des lycées ]. C’est pourtant là qu’il faut intervenir pour combattre l’échec scolaire, là que les inégalités se créent et peuvent être résorbées. C’est donc là qu’il faut concentrer les moyens, en particulier sur le premier cycle des apprentissages. L’accent sera mis sur les moyens accordés, en enseignants formés et en expérimentations pédagogiques, pour améliorer l’acquisition des compétences fondamentales : lecture, écriture et calcul […]. Cela nécessite un engagement particulier : refonte des programmes et de leurs évaluations, classes à effectifs restreints là où cela est nécessaire, renfort éventuel d’un deuxième professeur dans certaines classes pour personnaliser l’enseignement ".
Il est par ailleurs précisé que " le collège – oublié des politiques éducatives, creuset des inégalités et du dérochage - est le dernier lieu éducatif traversé par l’ensemble d’une classe d’âge ; il doit évoluer en s’inscrivant dans une plus grande continuité avec l’école primaire " et il est donc proposé " la participation d’enseignants du primaire au collège et réciproquement dans le cadre de projets communs, avec du temps dégagé pour le travail d’équipe, une formation initiale et continue partiellement commune, et un travail collectif sur les contenus et procédures d’évaluation ".