Au nom d’une prétendue directive européenne, le gouvernement français vient de faire adopter par le Parlement, dans un texte de loi destiné en principe à lutter contre les discriminations, un article qui permet d’organiser «des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe».
Le contexte parlementaire dans lequel cela s’est fait vaut déjà de s’y arrêter. Alors qu’aucune des directives européennes qui étaient à transposer dans ce texte de loi ne touchait au champ de l’enseignement (qui reste une compétence foncièrement nationale), le gouvernement a prétendu que cet article était une exigence de la Commission européenne et qu’on ne pouvait donc s’y soustraire. L’artifice ayant été éventé, tous les groupes parlementaires du Sénat ainsi que la délégation aux droits des femmes furent d’accord pour supprimer cette disposition du projet de loi. Mais contre toute attente, lors de la discussion du texte en séance publique, le gouvernement maintint sa position et exigea de sa majorité de s’y plier. Ce qui fut fait, séance tenante…
Le contexte général, récurrent, est encore plus préoccupant. Cela débute il y a quelques années, par la décision d’un président – George Bush – qui fascine le nôtre – Nicolas Sarkozy. En mai 2002, le président des Etats-Unis lève l’obligation de mixité dans l’enseignement public qui avait été établie par la loi en 1972 ( dans la foulée et la mouvance des luttes contre la ségrégation raciale ). Les districts peuvent désormais ouvrir des écoles non mixtes ( les ‘’same sex schools’’ ), et les écoles publiques ont la faculté de définir pour leurs élèves des programmes non mixtes. Plus de trois millions d’euros, dans un gouvernement limitant pourtant les dépenses publiques dévolues à l’éducation, sont débloqués pour ce programme ‘’expérimental’’ qui apparaît dès lors comme une véritable politique scolaire délibérée.
Au printemps 2003, le secrétaire général de l’enseignement catholique de l’époque - Paul Malartre - s’interroge publiquement sur l’intérêt et les aménagements possibles de la mixité. Et, à la rentrée de l’année scolaire 2003-2004, les mises en cause du bien-fondé de la mixité par le sociologue Michel Fize dans son ouvrage sur " Les pièges de la mixité scolaire " sont relayées par une partie de la presse, dont de grands médias audio-visuels tels que ‘’France Info’’ ou ‘’France II’’ dans la seule semaine de septembre. Cela se calme finalement.
Mais bis repetita en ce mois de mai 2008, à la suite du vote de l’article de loi permettant d’organiser " des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe " (sans autres précisions ou délimitations) ; et Michel Fize réapparaît dans un imposant dossier de " L’Express " : " La mixité à l’école divise à nouveau ".
Le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos peut bien faire valoir que de fait, cela existe déjà pour partie en éducation physique ou en éducation sexuelle ; il n’en reste pas moins qu’un article de loi ( qui plus est dans une loi édictant des principes contre les discriminations ) est un fait nouveau, qui relance un débat que l’on croyait tranché, et avec une détermination gouvernementale on ne peut plus évidente et préoccupante.