Les décrets qui viennent de paraître sur « les emplois d’avenir professeurs » ont pour finalité d’ouvrir les carrières de l’enseignement à des jeunes issus de familles populaires alors que la mastérisation va mécaniquement dans l’autre sens.
L’un des décrets stipule que « pour bénéficier de la priorité de recrutement, les étudiants doivent avoir résidé au moins deux ans dans l'une des zones mentionnées (zones sensibles) ou avoir effectué au moins deux années d'études secondaires dans un établissement situé dans l'une de ces zones ou dans un établissement relevant de l'éducation prioritaire ».
François Jarraud, sur le site du ‘’Café Pédagogique’’, juge que « le nouveau dispositif va ‘’populariser’’ le métier enseignant. La mastérisation était accusée, par exemple dans le rapport de la sénatrice B. Gonthier-Maurin, d’avoir ‘’embourgeoisé’’ la fonction enseignante, du fait de l’allongement de la durée des études. L’arrivée massive de jeunes issus des quartiers aura-t-elle aussi un effet pédagogique positif ? La longue fréquentation des futurs enseignants et des élèves durant les années d’EAP, leur origine sociale pourrait faciliter l’entrée dans le métier. Le regard porté sur l’Ecole pourrait aussi s’améliorer dans les quartiers puisque celle-ci redeviendrait l'ascenseur social qu'elle était au 20ème siècle ».
On retrouve une analyse et des accents voisins sur cette question très importante dans un ouvrage qui vient de paraître aux éditions L’Harmattan, celui de Jean-Michel Wavelet intitulé « Libérons l’avenir de l’école ». L’auteur identifie dix obstacles et fait dix propositions qui valent le détour et qu’on lise le livre. Mais il fait aussi et surtout un sort tout à fait particulier à la question du « profil » des enseignants. Quelques extraits suggestifs.
« L’élévation du niveau de recrutement écarte les candidats d’origine modeste […] Naguère fille ou fils de petits paysans, d’ouvriers ou d’employés, les professeurs sont aujourd’hui enfants de cadres et en ont les manières d’être et de vivre des classes plus aisées. L’univers des loisirs, le langage, les valeurs dont ils sont porteurs les rendent étrangers à une fraction importante de leur public. De nombreux jeunes enseignants ignorent tout des métiers les plus modestes et des formations professionnelles vers lesquelles ils orientent pourtant certains de leurs élèves qui, comme par un heureux hasard, sont issus des milieux les plus méconnus de leurs professeurs. Ils ne savent pas grand chose des quelques cinq cents CAP qui régissent le monde des métiers de faible qualification. Mais ils ont une certaine idée de ce qui est noble pour les meilleurs et plus ‘’ignoble’’ pour ceux qui décrochent. Ce n’est pas l’habileté manuelle ou le goût de la fabrication qui déterminent le parcours de chacun, c’est le degré de maîtrise du français ou des mathématiques . Le défaut conceptuel et langagier conditionne fort curieusement l’orientation en lycée professionnel » ( p. 110 ).
Et Jean-Michel Wavelet de conclure dans son livre « Libérons l’avenir de l’Ecole » : « Recruter les enseignants très précocement parmi les couches sociales les plus diversifiées est devenue une absolue nécessité. La piste des ‘’emplois d’avenir professeur’’ est pour le moins judicieuse. Mais le mode de recrutement doit pouvoir garantir cette richesse en introduisant des épreuves au concours qui privilégient les compétences sociales, le sens de l’intérêt général et de la solidarité. Quant à leur formation, elle doit être conçue avec le souci d'enrichir leurs expériences sociales et la connaissance pratique des publics. On imagine assez bien l’influence décisive que peut avoir un stage organisé dans le cadre de l’humanitaire social ou dans un service charge du suivi des familles en difficulté. La connaissance des conditions d’apprentissage est essentielle à celui qui prétend instruire les autres » ( p. 112).
Billet de blog 25 janvier 2013
Vers un nouveau profil d'enseignant?
Les décrets qui viennent de paraître sur « les emplois d’avenir professeurs » ont pour finalité d’ouvrir les carrières de l’enseignement à des jeunes issus de familles populaires alors que la mastérisation va mécaniquement dans l’autre sens.
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