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Billet de blog 12 avril 2011

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Des socialistes 5 : Des primaires à gauche, vite !

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Martine Aubry et Ségolène Royal, le 26 novembre 2008, à Paris. | REUTERS

La gauche est gagnante aux régionales. Pour la majorité des militants socialistes, pour les écologistes, pour le Front de gauche, pour toute l’opposition, pour la majorité elle-même qui a essentiellement porté ses coups contre elle pendant toute la campagne, l’artisane de cette victoire s’appelle Martine Aubry. Elle a rassemblé et le PS et la gauche, elle a combattu au premier rang dans les médias et les meetings contre la politique de Sarkozy, contre les attaques de l'UMP. Quand il le fallait, c’est-à-dire dans l’affaire Frêche, elle a su trancher et parler vrai quels qu’en fussent les risques. Qui douterait qu’elle ne s’est acquis ainsi une stature de prétendante à la fonction suprême ? Alors, inévitablement, la question se pose, toute simple : pourquoi organiser des primaires à gauche si le principal parti a déjà un chef tout désigné pour le grand et prochain combat ?

Renoncer aux primaires paraît presque d’abord une solution de bon sens. La procédure déjà discutée en commission et qu’Arnaud Montebourg présentera bientôt ne peut être que lourde. Incontestablement elle ne manquera pas, pendant toute sa durée, d’aviver les clivages et de les multiplier par les ambitions. L’énergie que le PS devrait mettre pour s’opposer aux réformes du gouvernement sur les retraites, sur l’éducation nationale etc. pour formuler des contre-propositions pertinentes et justes pourrait paraître gaspillée dans des joutes internes. Ces régionales n’ont-elles pas investi le PS d’une nouvelle mission nationale qui commence aujourd’hui et qui ne doit pas connaître d’interruption jusqu’à la campagne de 2012 ? Et cette mission, encore une fois, Martine Aubry n’est-elle pas là pour la mener, la faire aboutir et la transformer au scrutin présidentiel ?

Cette stratégie de laisser-faire avait bien avant les régionales déjà ses partisans. J’évoquais dans « Les primaires sabotées » le pacte révélé par Fabius entre lui, Aubry et Strauss-Kahn pour ne laisser que l’un d’entre eux se présenter à d’éventuelles primaires. Interrogé alors sur qui déciderait du meilleur, Fabius avait eu cette réponse : « les sondages ! ». Il était facile de voir dans les primaires à la Fabius une entreprise faussée au départ par ce pacte peu démocratique. De là à y voir une entreprise inutile, il n’y avait qu’un pas que le même Fabius invitait à franchir en parlant un peu plus tard de « primaires de confirmation ». Sans doute une espèce de cérémonial au parfum de plébiscite qu’on viendrait plaquer à moins d’un an des élections pour donner à Strauss-Kahn ou Aubry avant qu’ils partent en campagne le blanc- seing des socialistes.

Evidemment si les primaires devaient avoir cette allure-là, autant qu’elles n’aient pas lieu. Mais alors quoi ? Les primaires instituées en 2003 et dont personne au fond ne conteste sérieusement qu’elles furent la procédure la plus démocratique de désignation d’un candidat seraient purement et simplement oubliées ? La réforme du processus sur laquelle travaille depuis un an une commission présidée par Arnaud Montebourg –Montebourg qui défendait à la télévision ces primaires dimanche soir encore- serait mise au panier ? Et pourquoi non, si elle était inutilement coûteuse en fonds, en énergie et en temps ?

° ° °

Je ne suis pas sûr qu’en voulant éviter une apparence de mal on ne multiplie pas les maux. La légitimité d’Aubry n’est que de fraîche date et n’a pas un fondement sûr. Royal l’a bien compris qui bousculait dimanche soir l’ordre protocolaire et , forte des 60% obtenus dans son fief pour sa réélection, faisait solennellement un discours de souveraine, félicitait avant Martine Aubry tous les présidents de région socialistes, proclamait que sa victoire était celle de tous les Français. Au moment où j’écris ces mots se répand la nouvelle que Royal n’ira pas avec les autres présidents socialistes à la réunion à laquelle Martine Aubry les invite. La guerre entre les deux femmes qui semblait s’être calmée cet été ne va-t-elle pas repartir de plus belle, alimenter les chroniques, réveiller les passions des fans de la Poitevine, les rumeurs sur l’élection à l’arraché de la première secrétaire ? Aux fans de Royal vont s’ajouter les fans de Frèche qui mène, lui, ouvertement sa fronde depuis que Martine Aubry a su avec courage le remettre à sa place de chef populiste parlant la langue du Front National.

A la fronde des fréchistes que leur chef entend utiliser au-delà de sa région pour préparer les présidentielles, aux critiques incessantes des royalistes que Royal continuera sans doute d’aviver en sous-main, la direction du PS présentera-t-elle toujours un front uni ? Entre Martine Aubry et Benoît Hamon une divergence s’est laissé pressentir à propos de Frêche. D’autres divergences, celles-là touchant au programme du PS ou aux critiques à faire à la politique gouvernementale, apparaissent de façon plus ou moins ouverte. Les mêmes Aubry et Hamon n’ont pas enterré tout à fait leur désaccord sur les retraites par exemple.

Ces désaccords, ces divergences légitimes ne peuvent pas se trancher sans débat. L‘élaboration d’un programme pour 2012 en mérite un profond. Si les primaires n’ont pas lieu, n’est-il pas à craindre que ce débat, mené de façon anarchique, se complique et s’échauffe avec des ambitions mal étouffées. Dimanche soir, sur la deux, François Hollande, candidat déclaré aux primaires, parlait sur le ton de quelqu’un fermement décidé à défendre sa conception du socialisme. Manuel Valls doit sortir incessamment un livre où il argumentera pour son programme de candidat également à la candidature. Benoit Hamon, l’actuel porte-parole et qui représente au sein de la direction la ligne la plus résolue d’ancrage à gauche, n’aurait-il pas avantage à défendre cette ligne à la tribune d’une primaire ?

Débattre, trancher, légitimer : voilà, en trois mots, ce que permettraient des primaires mises en place, sans précipitation certes, mais dans les meilleurs délais. Le temps de ces primaires ne sera surtout pas du temps perdu. Elles seules peuvent permettre le débat approfondi et organisé qui est nécessaire pour s’opposer pertinemment à la politique de Sarkozy, proposer un programme qui ait de la perspective, du souffle, concilier davantage les Français avec la gauche et peut-être les réconcilier avec la politique. Et en même temps légitimer son meilleur défenseur.

L’idée que se font certains de primaires mises en place après un débat interne à huis clos et qui définirait le programme présidentiel du PS a quelque chose de ridicule. Les primaires ne seraient plus qu’un concours d’apparence et d’éloquence où l’on choisirait le candidat le plus présentable pour bien parler d’un programme qu’on lui aurait remis comme on remet un argumentaire. Bien sûr le candidat désigné par des primaires très proches sera celui de tout le PS et peut-être aussi des écologistes, voire des militants du front de gauche si jamais les uns et les autres acceptaient l’élargissement de la procédure. Mais l’axe de son programme, forcément unificateur, ce sera d’abord le sien propre, celui pour lequel il se sera battu et qu’il aura fini par faire prévaloir.

De ces primaires ainsi mises en place dès que possible et sur une base rigoureusement démocratique, Martine Aubry peut bien sortir victorieuse. Mais quelqu’un d’autre qu’elle peut en sortir tout aussi bien légitimé et surtout avec le temps nécessaire pour s’imposer aux yeux des Français comme LE candidat socialiste aux présidentielles. Martine Aubry saura alors, soyons en sûr, se cantonner dans son rôle si elle entend toujours le conserver. Le candidat désigné saura sans doute ne pas outrepasser le sien. Evidemment tout cela à condition que le débat ait lieu dans sa totalité, que tous ceux qui ont l’ambition de constituer le meilleur espoir de la gauche pour les présidentielles se présentent résolument à ces primaires.

Allez, François Hollande ! Allez, Ségolène Royal ! Allez, Manuel Valls ! Allez, Benoit Hamon ! Allez, Pierre Moscovici ! Allez, Martine Aubry ! Allez Laurent Fabius !....

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