Au cours de cet été 2010 nous avons eu droit à un déferlement -un de plus - de propositions sécuritaires dont : (re) suppression des allocations familiales et emprisonnement des parents d'enfants délinquants, déchéance de la nationalité pour les délinquants "d'origine étrangère", et plus récemment sanctions pénales contre les maires qui ne sont pas suffisamment efficaces contre la délinquance. Rien de moins.
Et dans les banlieues le pouvoir envoie des policiers aisément repérables aux journaux télévisés (GIGN, RAID), pour faire croire que remplir les cages d'escaliers d'uniformes va permettre de freiner l'escalade de la violence dans les cités. Mais quand on sait que la quasi totalité des personnes interpellées sont relâchées sans être poursuivies pour quoi que ce soit on comprend que l'objectif n'est pas tant de solutionner des affaires que de faire croire à l'opinion publique que l'on sait comment s'y prendre face à la délinquance. Peu importe les résultats, l'apparence doit être sauve.
Tout cela pourrait n'apparaître que comme la nouvelle version d'une vieille chanson trop souvent entendue : le gouvernement est au plus bas dans les sondages, la popularité du président de la République est au fond du gouffre, donc, par une sorte de réflexe pavlovien, on nous ressort l'éternel couplet sur la délinquance et on nous promet rien de moins que la "guerre" contre les délinquants. La ficelle est tellement grosse que (presque) plus personne n'est dupe. Même certains parlementaires de droite reconnaissent que ces diversions ne sont pas forcément du meilleur effet.
Mais quand on y regarde d'un peu plus près, les raisons d'être profondément inquiets sont nombreuses. Car c'est de l'avenir de notre société qu'il est question.
Depuis de nombreux mois, le but du gouvernement et de certains parlementaires de droite est de braquer l'opinion publique contre des groupes désignés comme nuisibles : les arabes, les noirs, les jeunes des cités (ces détritus qu'il faut nettoyer au karsher), les Roms, les français d'origine étrangère. A ceux-ci s'ajoutent aujourd'hui les maires, et demain pourquoi pas les membres des conseils municipaux ou les responsables politiques des régions. Sans compter que le tour viendra bientôt des enseignants laxistes qui encouragent les déviances des élèves perturbés, des travailleurs sociaux qui soutiennent des familles aux comportements aberrants, des membres des associations humanitaires qui encouragent le vice et l'oisiveté etc... La liste va sans doute s'allonger à l'approche de l'élection présidentielle.
Ces jours-ci, le terme de "guerre" a même été plusieurs fois prononcé. Cela signifie, clairement, que le projet politique mis sur la table consiste à s'équiper de plus en plus afin de pouvoir organiser une guérilla d'une partie de la population (a contrario les blancs, des centres villes et des banlieues résidentielles, et qui sont du milieu socio-économique moyen/supérieur), contre les autres, les mauvais, les nuisibles.
Bref, ce que l'on nous propose, c'est de faire de la haine de l'autre le nouveau socle de notre future société.
Il faut bien admettre que raisonner ainsi présente de réels avantages.
Puisque que les groupes désignés sont seuls responsables de tous les dysfonctionnements de la société, cela veut dire (et c'est ce que l'on veut nous faire comprendre) que les élus et les gouvernants ne sont responsables de rien. C'est la règle permanente du "c'est pas nous c'est les autres". Comme dans la cour de l'école primaire.
Ainsi, du jour au lendemain, il n'y a plus aucun problème de retard des apprentissages à l'école, de trop grand nombre d'élèves dans les classes, ni de réduction dramatique des budgets alloués aux services d'aide aux enfants en grandes difficulté à l'écoles. Laisser l'éducation nationale s'enfoncer un peu plus dans le désarroi n'a pas d'importance puisque les seuls responsables si les enfants apprennent mal ce sont les parents. D'ailleurs, ne devrait-on pas en profiter pour sanctionner pénalement tous les parents d'enfants qui ratent le baccalauréat ?
Disparues les inquiétudes autour de le ghettoïsation des banlieues, de la discrimination raciale à l'embauche, de la fin de la mixité sociale, de la perte de l'estime de soi à cause d'un environnement dégradé et ressenti comme humiliant. Laisser les banlieues à l'abandon n'a plus d'importance puisque ce sont les parents, et maintenant les maires, qui sont exclusivement responsables de tout ce qui ne va pas.
Inutile de gaspiller de l'argent à repenser l'urbanisme, à investir dans le social, à soutenir le tissu associatif puisque les enfants et leurs parents qui pouvaient si aisément vivre tout à fait normalement ont délibérément recherché les difficultés rien que pour embêter le monde.
Tout ceci nous conduit vers quoi : une déconstruction systématique - largement entamée - de toutes les formes de solidarité.
Le président de la République, relayé à grand bruit par des ministres sans doute inquiets d'une éventuelle éviction lors d'un prochain remaniement, nous propose un projet politique simple et clair : d'un côté les bons, et de l'autre les mauvais. Et entre les deux un mur infranchissable.
Le mur de la haine, le mur du rejet, le mur de l'égoïsme, le mur du racisme, le mur de la ségrégation, le mur de l'incompréhension, le mur de l'ignorance, le mur de la peur de l'autre.
Le mur de la honte.