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Billet de blog 17 décembre 2012

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"Pas de compromis avec le néolibéralisme de droite ou de gauche" - Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon

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"Le conseil national de campagne du Front de gauche s’est tenu samedi 8 décembre. A cette occasion, nous avons demandé aux sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot de nous dire à quoi sert, selon eux, ce mouvement". Tribune.

La dynamique du Front de gauche, rassemblant les communistes, d’anciens socialistes en rupture officielle avec leur parti, des écologistes et nombre d’autres militants et sympathisants, a obligé François Hollande à faire des promesses de campagne pour être élu président de la République. Le report des voix a bien fonctionné, plus motivé d’ailleurs par l’antisarkozysme que par la traditionnelle discipline républicaine. Les promesses non tenues n’ont déçu que ceux qui ont oublié que le néolibéralisme, avec la dérégulation des marchés financiers et la construction d’une Europe au profit du capital, a été largement impulsé par les socialistes. Il n’y a donc pas de droitisation nouvelle du Parti socialiste. Il poursuit sa route de la fausse alternative, qui est à peine celle de l’alternance, afin que le système capitaliste puisse continuer son chemin dans cette nouvelle phase où la finance a pris le pas sur le politique. Une évolution qui met en danger la planète : la spéculation fait fi du réchauffement climatique et conduit aux cataclysmes financiers et « naturels », d’autant que les ressources alimentaires et minières sont aujourd’hui sous sa coupe.

La situation est suffisamment grave pour qu’il n’y ait pas de culpabilité à s’opposer de manière claire et constructive à ce qui n’est finalement qu’une manipulation idéologique de plus au service de cette idéologie rétrograde qu’est le néolibéralisme dont l’aboutissement ne saurait être autre que le rétablissement de la loi de la jungle. Rappelons que la base électorale de François Hollande est faible, ce que traduisent les multiples reculs observés ces dernières semaines. Au second tour de l’élection présidentielle de 2012, 2,154 millions et 956 électeurs, soit 5,8 % des votants, ont voté blanc ou nul. Si ce vote de protestation contre une offre politique dans laquelle nombre de citoyens ne se reconnaissent pas avait été comptabilisé dans les suffrages exprimés, François Hollande n’aurait recueilli que 48,6% des bulletins sortis des urnes et il n’aurait pu être élu puisque l’article 7 de la Constitution dispose que « la majorité absolue des suffrages exprimés » est requise. Ce qui aurait confirmé le choix minoritaire des électeurs inscrits qui n’ont été que 22,3% à choisir François Hollande au premier tour. Les députés de la majorité socialiste n’ont pas été élus avec une base plus solide puisque, au second tour des législatives de juin 2012, 44,6% des électeurs inscrits se sont abstenus, ce qui est le taux le plus élevé à ce type d’élection depuis 1958.

Seule la franchise dans l’analyse des rapports de force entre les classes sociales dans une France qui vit sous l’alibi de la « démocratie » et des « droits de l’homme » peut permettre de donner du crédit et de la visibilité aux propositions portées par les partis regroupés dans la dynamique du Front de gauche. Il s’agit de remettre l’humain au centre de l’économie et de faire rendre raison au monde des financiers et des spéculateurs qui n’ont plus d’autre objectif qu’une accumulation insensée et destructrice par ses excès. Devant la gravité des déséquilibres humains face au réchauffement climatique qui n’est en rien freiné par les puissants de ce monde il s’agit de convaincre de la malfaisance cynique, perverse et inhumaine des spéculateurs sans foi ni loi.

Seule la franchise dans le fonctionnement d’une classe politique dont la majorité des membres ont des intérêts personnels à défendre à travers le cumul des mandats et la possibilité de se succéder à soi-même pourra éviter que le mandat électif serve à faire des carrières politiques. L’indifférence à l’abstention qui est massivement le fait des milieux populaires et les petits arrangements entre amis qui sont bien souvent issus des mêmes grandes écoles seront empêchés, voire impossibles en raison de la rotation des élus.

Seule la franchise dans la dénonciation des escroqueries linguistiques, avec la pratique systématique des oxymores, du genre « croissance négative », des manipulations idéologiques de ceux qui avancent sous le masque du « socialisme » pour mieux faire admettre le libéralisme, des inversions du sens des mots où ce sont désormais les ouvriers qui « coûtent » trop cher et les spéculateurs qui « investissent » et « créent » des emplois.

Parler vrai permettra aux millions de Français qui sont sidérés, tétanisés par la force de la charge de la classe dominante, d’arriver simplement à penser qu’ils sont les plus nombreux et que ce sont eux qui détiennent les clés du fonctionnement de l’économie réelle de notre pays. Seule une gauche radicale décomplexée et assurée de ses idées peut permettre d’être dans la coordination des différentes formes de contestation, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat avec les élus du Front de gauche, que ce soit avec les élus locaux, les syndicats et les associations qui tissent une véritable toile d’araignée de la réflexion et de l’action au service de tous ceux qui sont sous le rouleau compresseur du système oligarchique. Les initiatives doivent se cumuler et non s’opposer les unes aux autres pour des raisons d’intérêt institutionnel ou personnel et s’efforcer d’être visibles à l’heure où les télévisions privées et publiques ne cessent de manipuler les cerveaux afin de mieux étouffer toute pensée critique.

SOURCE ICI

Je profite de cette occasion pour vous rappeler le petit ouvrage publié récemment :

Michel Pinçon   Monique Pinçon-Charlot   L’Argent sans foi ni loi
Textuel - Conversations pour demain 2012 /  12 €

[....Loin du langage abscons de l’économie financière, les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon exposent clairement à Régis Meyran la manière dont l’argent a été perverti afin de modifier «un ensemble de constructions sociales et de rapports de force entre les différents groupes» jusqu’à devenir une arme de domination. L’approche sociologique, en mettant au premier plan les intervenants (financiers, spéculateurs, politiques, banquiers, termes du discours économiques, etc.), «évite de réifier l’argent et d’en faire un acteur autonome de la vie sociale».

La virtualité de l’argent ne va cesser de croître au XXe siècle : après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les accords de Bretton Woods (1945) permettent aux Etats-Unis d’imposer le dollar comme monnaie d’échange du commerce mondial et unique devise convertible en or. Puis, appauvris par la guerre du Viet-Nam et confrontés au déséquilibre entre les réserves d’or de la banque fédérale américaine et le volume de dollars en circulation, les Etats-Unis abandonnent la convertibilité du dollar sur l’or (Nixon, 1971). Ainsi libéré, le «dollar roi» devient «une arme que les Etats-Unis utilisent pour dominer le monde» mais aussi une monnaie de singe qui donne aux Etats la possibilité de vivre au-dessus de leurs moyens. La virtualité de l’argent se poursuit par la mise en place des chéquiers, prélèvements, banalisation des crédits, cartes bancaires, et en 1984, la France privatise ses dernières banques publiques ou mutualistes. Les financiers possèdent le pouvoir.

Le cheval de Troie du néolibéralisme s’introduit au sein même des Etats. Les collusions financier-politique, tant de gauche que de droite, sont nombreuses ; en la matière, la médaille revient à Petros Christodoulou, trader de Goldman Sachs en charge de… la dette grecque. Une génération de «patrons voyous» pille le savoir-faire des entreprises françaises et enrichit les fonds de pension américains au détriment des salaires de milliers de travailleurs car face à eux il n’y a que la déliquescence de l’Etat, lequel entérine les dispositions libérales du traité de Lisbonne malgré l’opposition du peuple et n’impose ni embargo ni aucune autre sanction aux paradis fiscaux. Les actionnaires ne connaissent plus de limites dans leurs profits et l’argent perverti devient une arme dans les rapports sociaux de domination, qui permet d’abaisser le coût du travail des salariés européens au niveau des pays les plus pauvres.

Cette distorsion, jamais atteinte entre les valeurs de la République et ce capitalisme financiarisé dérégulé, est niée par la presse people : à travers la saga des têtes couronnées et multimillionnaires avec leurs paradis fiscaux, cette presse entretient l’idée d’une «société consensuelle» dans l’imaginaire collectif.

Comment échapper au principe de fonctionnement du libéralisme aveugle, à l’injonction de s’enrichir personnellement ? Comment redonner à l’argent «le rôle d’humble serviteur irriguant le corps social» au lieu d’être l’instrument de domination entre les classes et les peuples ?  Les auteurs, en rappelant «qu’ils choisissent leurs vies plutôt que leurs profits», proposent d’autres alternatives loin d’être utopiques. Pédagogues et clairs dans leur approche historique de cette dérive, leur «petit» livre est précieux et s’adresse à un large public.

Aux formules vides de sens des discours politico-économiques qu’ils n’ont pas manqué de repérer, ils préfèrent citer cet extrait : «Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent sa monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront sans maison et sans toit sur la terre que leurs parents ont conquise» - 1802 -Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis.....]
Marie-Claude Bernard
Mis en ligne le 27/11/2012 ici !

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