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Billet de blog 30 mai 2015

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« Le voisin est un animal nuisible assez proche de l’homme », disait le regretté (et trop tôt disparu) Pierre DESPROGES. Ce ne sont pas les lecteurs d’Achille TALON de 7 à 77 ans qui me contrediront, surtout au vu du nom dont l’auteur avait affublé le voisin attitré : LEFUNESTE. Ça ne s’invente pas… Ou justement si, ça a été inventé, à la fin du XXe siècle, pour notre plus grand plaisir.  Si l’on sourit aux blagues féroces et tours pendables qu’Achille TALON fait subir à son voisin, lequel lui rend coup pour coup, quoique (toujours) moins intelligent, la réalité du XXIe siècle est nettement moins drôle.

Le lien social dont le voisinage – le « bon » voisinage – est un élément constitutif essentiel, se délite. Pour ne pas dire qu’il se dégrade, quand il n’est pas devenu inexistant sur le terrain, réservant sa présence aux pages du Code Civil et encore plus souvent du Code Pénal. C’est à la rubrique « troubles du voisinage » qu’on le trouve le plus souvent.  On a même inventé un mot pour cela, après le célèbre « sauvageon » d’un ministre de l’Intérieur revenu d’un coma profond, c’est le mot « incivilité ». Ce mot - là, nos politiciens de droite ou de gauche, dès qu’ils ont un mandat en mains, ils le mettent à toutes les sauces. Tant il est bénin et pratique. On s’en sert en particulier pour masquer toutes les infractions pénales dites « de proximité ». La proximité étant un autre terme de communicant pour qualifier le voisinage. Il n’est guère que pour les crimes et quelques gros délits que le vocabulaire exact soit respecté. Cela fait mieux vendre les journaux. Pour le reste, les contraventions aux règles de la vie en société sont toutes ou presque devenues des « incivilités ».  

Car on aimerait tant préserver le voisinage.  Inconsciemment, car notre société moderne voudrait l’oublier, nous nous souvenons parfois que le voisinage est la base même de la vie en société. L’homme originel, seul dans la nature, était condamné à une disparition très rapide dans un univers hostile. Il a d’abord trouvé une femme pour fonder une famille (cela aussi certains veulent l’oublier) puis ces familles se sont regroupées pour s’allier et se défendre face aux périls du monde. Mais déjà dans l’antiquité existaient les disputes, avec des blessures parfois mortelles, pour un bout de terrain, un droit d’arrosage, un commentaire grossier ou un regard mal placé. Rien de neuf sous le soleil. Nier ces disputes sans s’attacher à les régler n’est pas digne de nos politiques. C’est une très grave erreur.

L’Église Catholique l’avait compris en instaurant patiemment une notion d’autorité et de patronage divin. La procession annuelle vint bien souvent dans les villages remplacer la fête des moissons issue du paganisme, et après la ferveur religieuse (réelle ou supposée) de la journée venait la fête du soir, son bar et son bal, qui bien organisés allaient rapporter un petit trésor pour l’année suivante, et nombre de rencontres entre les hommes et femmes de tous les villages voisins d’un jour de marche à pied, agrandissant du même coup le cercle des relations (sans jeu de mots, SVP) et celui des familles.

De nos jours, nous avons « la fête des voisins ». Mince ersatz, mais action majeure soutenue pour tenter de redonner vie à ce lien social. Avec du budget et un véritable investissement personnel, cela peut sembler réellement  une fête. Mais ce n’est pas avec un bol de chips et un gobelet de soda que l’on peut arriver, en l’espace d’un soir, à restaurer des liens ancestraux. Ce n’est qu’un rappel, et la preuve que nous avons besoin de plus : de savoir nous parler, de savoir nous solidariser. Ce n’est pas « l’esprit du 11 janvier », c’est l’Histoire de notre pays  qui doit nous l’enseigner ;  au quotidien, dans des ZUS et ZSP où arrivent tant « d’étrangers », peut-être plus que partout ailleurs. Ce n’est pas « rentable », c’est juste indispensable, face aux communautarismes et à l’extrémisme.

Didier CODANI

La version originale illustrée de ce billet figure là: http://www.codani.info/Fil_des_mois.html

La version PDF est accessible là: http://www.mediapart.fr/files/Voisins.pdf

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