La culpabilisation des victimes
La stigmatisation des pauvres est une pratique courante. Autrement dit, s'ils sont pauvres, c'est de leur faute, c'est qu'ils le veulent bien. Ils ne font pas d'efforts pour s'en sortir, ils ne veulent pas vraiment travailler et ils profitent sans vergogne des aides que leur accorde la collectivité. Quand ils ne fraudent pas pour se voir attribuer des prestations indues. D'ailleurs, on le sait, grâce à l'assistanat, la plupart de ces parasites ne vivent pas si mal... La vérité est très éloignée de ces clichés, de ces idées reçues, de ces préjugés coriaces.
Les pauvres ne veulent pas travailler
L'arbre ne doit pas cacher la forêt. Les exceptions ne sont pas la règle. Il n'est pas vrai, comme on l'entend dire, que les pauvres ne souhaitent pas travailler. Le rapport de l'Onpes « Penser l'assistance », démontre que c'est une idée préconçue : plus des deux-tiers des personnes en situation de pauvreté occupent un emploi ou sont à la recherche d'un emploi.
Les chômeurs trouveraient un emploi s'ils le voulaient, prétendent certains. C'est méconnaître la rude réalité du marché du travail : officiellement trois millions de demandeurs d'emplois en France en 2012, mais bien davantage, en vérité, puisque près de 20 % des chômeurs ne sont pas inscrits à Pôle Emploi. « Quand on les interroge, précise l'Onpes dans son rapport, les personnes en situation de pauvreté espèrent majoritairement trouver un emploi et améliorer leur niveau de vie, tout en devenant autonomes. Toutefois, beaucoup d'entre elles rencontrent des obstacles pour y parvenir : formation insuffisante, problèmes de santé ou de mobilité, d'enfants à charge, enfin – et surtout – absence d'emplois accessibles localement. »
Les pauvres abusent de l'assistanat
C'est encore un jugement dépréciatif, une accusation culpabilisante qu'il convient de dénoncer. Bien au contraire, beaucoup de pauvres ne font pas valoir leurs droits, ne sollicitent pas les aides qu'ils pourraient obtenir. C'est ce que démontrent amplement les études de l'Odenore (Observatoire des non-recours aux droits et services), dont les conclusions, édifiantes, sont ci-dessous reprises par ATD Quart Monde :
" Pour différentes raisons (volonté de ne pas dépendre de l'aide publique, complexité des démarches, manque d'information, souhait de ne pas être contrôlé...), une partie des personnes éligibles à différentes aides n'en font pas la demande. C'est ce que l'on appelle le non-recours. Les taux de non-recours sont les suivants : 50 % en moyenne pour le RSA (68 % pour le RSA activité, 35 % pour le RSA socle), 29 % pour la CMU complémentaire, 68 % pour le tarif première nécessité d'EDF, 50 à 70 % pour les tarifs sociaux dans les transports urbains ".
(ATD Quart Monde, En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté, 2013)
Les pauvres sont des fraudeurs
Sans dénier la réalité de la fraude aux prestations sociales, il faut la ramener à ses justes proportions, relativement négligeables. Surtout si on la compare à la fraude fiscale ! Par exemple, s'agissant du RSA, une prestation qui concerne indéniablement les plus démunis, 60 millions d'euros de fraude, selon la Cnaf, ont été détectés en 2009 pour environ deux millions de bénéficiaires. Or, cette somme ne représente en moyenne que 30 euros par personne et par an. Comme en jugeait le Conseil d'Etat en février 2001 : « La fraude des pauvres est une pauvre fraude. »
Les pauvres ne vivent pas si mal !
Encore une contrevérité. Dans son rapport « Ressources, crise et pauvreté » de 2009, le Secours catholique a décortiqué la situation budgétaire de 1163 personnes ou familles rencontrées. Il a constaté que le solde de chacune d'elles était négatif en fin de mois, après avoir déduit les dépenses indispensables. Il en a conclu que d'autres dépenses ne pouvaient être financées que par un endettement : frais de santé non-remboursés, entretien du logement et d'un véhicule, loisirs, culture, vacances, ainsi que les imprévus (pannes, déplacements en urgence, sorties scolaires...).
Certaines bonnes âmes reprochent aux pauvres de posséder des écrans plats et des téléphones portables. Dans « Le prix de l'inégalité », Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d'économie, remarque : « Avec les téléviseurs chinois bon marché, les pauvres peuvent s'offrir la télévision – et, en général, les habitants des villages déshérités d'Inde et de Chine l'ont aussi. Dans le monde actuel, ce n'est pas un signe de richesse. » D'ailleurs, à ceux qui estimeraient préférable de financer d'autres dépenses, il répond : « vendre le téléviseur ne mènera pas bien loin un ménage pour financer des dépenses comme l'alimentation, les soins médicaux, le logement ou l'accès aux bonnes écoles. »