Lecture/Théâtre. «Patrice Chéreau, figurer le réel» de Anne-Françoise Benhamou
Si Patrice Chéreau voulait avant tout figurer le réel et raconter des histoires, c’était à la condition qu’elles soient, à la sauce Platon, par le manque* dans un absolu présent. Sa création était désir de théâtre : La Dispute, Dans la solitude des champs de coton, entre autres. De cinéma : L’Homme blessé, Ceux qui m’aiment prendront le train etc., et même d’opéra Ring, de Wagner.
C’est toujours dans les lignes d’ombre que Chéreau cherchait la lumière de l’art théâtral. En une phrase, il dévoilait le sens caché de ce qui se révélait par le conflit :
« Je crois à ce qui est conflictuel et contradictoire, à ce qui éveille l'imagination et empêcherait aussi de jouir d'une image » disait-il.
Mais doit-on jouir d’une image ? Cette croyance n’a pas toujours été sienne. Chéreau prendra de la distance avec la théâtralité brechtienne pour mieux trouver le secret de ce qui se cache en lui-même, connaître sa façon d’être au monde pour s’y heurter par l’imaginaire et figurer réel. Chéreau de fait tournera le dos au passé et avancera résolument dans le présent, ingrédient premier du théâtre. Cette voie le guidera dans l’acte toujours recommencé, loin des artifices théâtraux. Peu à peu son théâtre ira vers un art de l’allégorie :
Je pense de plus en plus à définir pour mon usage une catégorie esthétique qui serait l’allégorie, au sens où l’entendaient certains peintres du XVIè siècle où certains auteurs ( Lope de Vega, quand il met en scène l’hérésie et l’Espagne).
Ce qui fera dire à certains détracteurs de son temps, que Chéreau « ne montre pas l’Histoire, mais Chéreau lui-même regardant l’Histoire ». Pourtant l’enjeu de l’homme de théâtre était bien la question de la place des images dans la représentation. Je peux témoigner, in fine, que son théâtre s'est consumé au présent sans jamais s’éteindre dans la mémoire du spectateur que je fus.
Ce livre est un essai sur l’homme de théâtre qu’a été Patrice Chéreau (1944-2013). De ses débuts dans les années 1960, jusqu’à ses dernières créations. Anne-Françoise Benhamou analyse comment Chéreau a vécu son désir d’art, avec précision et limpidité.
Anne-Françoise Benhamou est dramaturge et professeure en études théâtrales à l’École normale supérieure.
*On ne désire que ce dont on manque
Patrice Chéreau-Figurer le réel
D’Anne-Françoise Benhamou
Solitaires Intempestifs (Editions)
1 rue Gay Lussac
25000 Besançon
France
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F +33 (0)3 81 83 32 15
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http://www.solitairesintempestifs.com
ISBN : 978-2-84681-446-1
Date de parution : 14-04-2015
Nombre de pages : 192 pages
Collection : Du Désavantage du vent