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Billet de blog 12 septembre 2014

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Théâtre. Jean-Paul Wenzel de la théâtralité au politique

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Agenda/Rencontre - Avec Jean-Paul Wenzel à propos de «  Les Égarés du Chaco » adapté du roman  La Lagune H3, d’Adolfo Costa du Rels qui se jouera à partir du 25 septembre jusqu’au au 19 octobre 2014 au Théâtre de l’Épée de bois

©Mendez-Pena

(…) Adolfo Costa du Rels nous ouvre un monde fantastique, peuplé d’ombres mouvantes, de lueurs dans les fourrés, habité de présences diaboliques ou féeriques, un univers qui nourrit la peur et l’angoisse des hommes comme leur capacité de rêve, leur imaginaire, leur puissance de survie. Arlette Namiand

Jean-Paul Wenzel de la théâtralité au politique

DASHIELL DONELLO : De quoi parle la pièce  ?

JEAN-PAUL WENZEL : En pleine guerre du Chaco entre la Bolivie et le Paraguay (1932-1935), une poignée de soldats boliviens se perd dans une nature hostile et aride, à la recherche d’une hypothétique lagune. Pour tenir malgré la soif, la fatigue et les terreurs, chacun a ses recours : l’illusion, Dieu, les superstitions. Pour l’un d’eux, ce sera l’acte de création, un geste imprévisible, considérable, qui transcendera à lui seul la peur de la mort et sera son unique salut.

DASHIELL DONELLO : Pouvez-vous nous parler d’Adolfo Costa du Rels.

JEAN-PAUL WENZEL : Adolfo Costa du Rels est un auteur bolivien de mère bolivienne et de père corse. Il est né en Bolivie (Sucre) et ses parents l'ont emmené en France, à l'âge de 8 ans. Il a écrit une grande partie de son oeuvre en Français… 

DASHIELL DONELLO : Il était bilingue donc.

JEAN-PAUL WENZEL : même plus que ça ! Il parlait une des  langues indiennes de Bolivie le Quechua, et  le français donc, l’espagnol et le corse. Il a fait des études à Paris. Jeune homme vers 16, 17 ans, il voulait approcher la Comédie Française pour faire de la figuration, mais son tuteur Bolivien (une fois ses parents morts) l’a rapatrié en Bolivie, car il n’était pas question qu’il fasse du théâtre.  Plus tard, il a occupé divers postes politiques dans son pays : Ministre du logement (1928), Délégué bolivien auprès de la Société des Nations (1931)… (C'est là qu'il participe aux débats à propos de la guerre du Chaco et recueille des témoignages qui lui seront précieux pour écrire en 1937 son récit Lagune H3), Ministre plénipotentiaire en Suisse et auprès du Vatican (1937-1943), Ambassadeur en Argentine (1943-1944).. Il a même été joué comme auteur en 1956 au théâtre du Vieux Colombier, « Les Étendards du roi », mise en scène Marcelle Tassencourt…. Je suis assez fier de ce projet, car je sais qu’il va y avoir un prix Costa du Rels en Bolivie et que l’école a été reconnue d’utilité publique par l’État. 

DASHIELL DONELLO : Le titre en espagnol est La Brùjula del Chaco : la boussole du Chaco. Pourquoi avoir changé le titre ?

JEAN-PAUL WENZEL : Parce que, je voulais trouver un titre en Français. On a beaucoup discuté… Je voulais aussi Les égarés du Chaco en espagnol. Après une grande discussion avec les acteurs, ils m’ont dit que ce mot (les égarés) ne marchait pas  en espagnol. Qu’ils étaient pour la Boussole du Chaco, donc j’ai cédé pour ce titre en Bolivie. De retour en France, la Boussole du Chaco ne sonnait pas bien et il y avait une autre raison, je ne voulais pas trop dévoiler avec ce mot, une partie importante de l’histoire. Pour cette raison, je trouvais plus intéressant Les égarés du Chaco.

DASHIELL DONELLO : Est-ce que je me trompe, si je dis que tout est parti d’un projet pédagogique théâtral en Bolivie ?

JEAN-PAUL WENZEL : C’est plus complexe que ça… Puisque l’école de théâtre existait déjà, depuis 6 ans, lorsque je suis arrivé en 2010. C’est Matthias Langhoff, présent au début de l’école, qui a proposé à  Marcos Malavia,  le directeur de cette première École Nationale de Théâtre de Bolivie, de me contacter pour venir travailler avec les étudiants.

Mais ce qui a été un élément important pour moi, c’est d’avoir monté avec eux, mes six pièces courtes, Six tragédies miniaturesen 2010, où la rencontre avec les élèves a été fabuleuse. Ils sont très portés sur le théâtre politique. Ils connaissent parfaitement Eugenio Barba et Augusto Boal. Et quand je les ai vu jouer du théâtre politique dans la rue, (un théâtre d'agit-prop), je leur ai parlé de l’écart poétique nécessaire que l’on doit donner quand on fait du théâtre politique : le théâtre d'agit-prop ne satisfait que les convaincus et fait fuir les autres. Donc, j’ai utilisé ce mot d’écart poétique avec le questionnement de qu’est-ce qu’on met sous cette expression etc. Ils ont ouvert les yeux grands comme ça, en m’écoutant… Du coup, j’ai eu envie de revenir, en faisant un atelier d’écriture avec Arlette Namiand.  Pour des raisons très diverses, nous n’avons pas pu amener à bien une écriture qui arriverait à un résultat théâtral final. Et on est tombé, un peu par hasard, avec Marcos Malavia le directeur de l’école, sur Costa du Rels, qui avait écrit en français « La Lagune H3 » édité en 1938 dans  la revue La petite illustration. 

La Lagune H3 était extraordinaire, alors on a commencé à travailler sur cette nouvelle. On a fait un aller-retour, et on s’est aperçus qu’un bouquin avait été publié en espagnol en 1967… Ce bouquin complétait bien la nouvelle : il y avait tout ce que je racontais sur l’écart poétique, comment raconter une histoire, la complexité des êtres, des situations, etc. Il y avait une matière absolument riche dans ce livre ; alors Arlette Namiand a fait une adaptation du livre et je suis arrivé avec en Bolivie, il y a un an, au mois d’août 2013 pour la travailler avec eux. Cela a été une rencontre avec le texte, les acteurs que je connaissais depuis 3 ans, et cela a soudé entre nous une amitié très forte.

DASHIELL DONELLO : La pièce n’est-elle pas une métaphore du drame de l’humanité : l’homme ?

JEAN-PAUL WENZEL : Oui, c’est un sujet universel. Il y a ces soldats perdus, dans ce Chaco désertique, dans cette guerre terrible entre la Bolivie, le Paraguay dont l'enjeu est ce Chaco Boréal, une lande  inhospitalière de forêt inextricable où il fait 50 degrés… c’est des épineux,  un climat terrible. Durant cette guerre, il y a eu quand même 100.000 morts (soit un quart des soldats boliviens et paraguayens) et 100.000 disparus des deux côtés. Costa du Rels parle d'un de ces bataillons disparus, à la recherche de l’eau, qui, pour éviter un encerclement, s’enfoncent dans la forêt et s’y perdent… cette errance, est une chose assez belle… c’est une métaphore assez incroyable du monde, ce groupe d’hommes dans la forêt, conduit par un capitaine qui use de l'illusion pour les conduire.

DASHIELL DONELLO : Comment expliquez-vous ce fort engagement du théâtre politique en Bolivie ? 

JEAN-PAUL WENZEL : après, il y a théâtre politique et théâtre politique. J’essaie dans cet écart  poétique-là de raconter la complexité…  de démonter quelques mécanismes, poétiquement et pas d’une façon univoque… C’est presque une pièce shakespearienne, car on a autant le caractère des cinq hommes perdus dans la forêt que le drame de la situation… dans le roman ils sont bien plus nombreux que cinq à être perdus dans cette recherche de la lagune H3. On a choisi ces cinq figures-là qui vont créer une petite communauté où chacun va essayer de s’en sortir. Il faut trouver cette lagune, il faut trouver de l’eau ! les réserves diminuent à vue d’oeil. D’ailleurs, il n’y aura pas beaucoup de survivants dans cette histoire. 

DASHIELL DONELLO : Est-ce un drame ? Comment avez-vous qualifié la pièce ? 

JEAN-PAUL WENZEL : . Chez Shakespeare, il y a des drames, mais en même temps il y a un bouffon qui vient faire rire… il y a un peu un équivalent dans ce drame humain du Chaco; il y a des rires quand un personnage se met à rêver à la femme qu’il a eue et à la raconter aux autres.  C’est plus tellement à l’ordre du jour de mettre des qualificatifs. Je préfère dire, on fait du théâtre.

Les Égarés du Chaco

D’Adolfo Costa du Rels 

Adaptation Arlette Namiand

Création lumières et régie générale Thomas Cottereau

Avec la troupe AMASSUNU

Javier Amblo Hurtado, Susy Arduz Rojas, Mariana Bénénice Bredow Vargas, Andrés Leonardo Escobar Juàrez, Lorenzo Ariel Munoz, Antonio Peredo Gonzales, René Marcelo Sosa Santos

Théâtre de l’ÉPÉE DE BOIS

Cartoucherie de Vincennes 

75012 Paris

http://www.epeedebois.com

Métro Château de Vincennes

Du 25 septembre au 19 octobre 2014

Production : Dorénav
ant Compagnie

Co-production : La Escuela Nacional de Teatro (Santa Cruz, Bolivie), Le Ministère des Cultures de Bolivie, La Fondation Repsol, la Compagnie BoA, et avec l’aide à la création du Centre National des Lettres

Spectacle en espagnol, surtitré en français

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