Théâtre/Critique. Les fausses confidences, mise en scène Luc Bondy au théâtre de l’Odéon
Louis Garrel (Dorante) et Isabelle Huppert (Araminte). © Pascal Victor
Le théâtre, on le sait, se sert d’un bon nombre de termes venus de la marine. Est-ce la raison pour laquelle dans certaines mises en scène de Luc Bondy, une avancée à angle droit pénètre, telle une proue de navire, la première vague de velours rouge, des fauteuils de théâtre ? L’espace, libre et ouvert du scénographe Johannes Schütz, concorde avec les gestes tai-Chi d’Isabelle Huppert qui nous prépare hic et nunc, par la voie spirituelle, à une « amoureuse croisière » où l’amour, comme dans toutes les pièces de Marivaux (1688-1763), a le rôle principal.
Les Fausses Confidences, sont le type même des comédies italiennes qu’affectionnait le grand dramaturge français. Dans cette oeuvre de 1737, Marivaux titille, une fois de plus, l’amour par les manigances et les fausses confidences de ses personnages : « L’amour et moi feront le reste » nous dit Dubois, en bon maître d’intrigues.
La pièce nous conte l’histoire de l’amour inavouée de Dorante, noble sans fortune, pour Araminte ravissante et riche veuve. Mais sa mère, Madame Argante, a des rêves de noblesse. Elle désire que sa fille épouse le comte Dorimont afin d’anoblir sa progéniture. Dubois ancien valet de Dorante, est entré au service de la jeune héritière pour aider Dorante à conquérir le coeur d’Araminte. Il fait passer notre « amoureux transi » comme nouvel intendant de Monsieur Rémy, procureur et oncle de Dorante. L’idée est de mettre Dorante en contact avec la jolie veuve, sans éveiller le moindre soupçon. Il faut évidemment pour cela donner dans les fausses confidences.
Le langage de Marivaux dévoile par le mensonge, les sentiments enfouis des personnages. L’écriture de cet auteur à la beauté étonnamment contemporaine, s’allie à l’intelligence subtile des lumières. Dans la mise en scène de Luc Bondy point de « marivaudage », mais une psychologie raffinée des héros par le masque de l’idiome marivaudien. Ainsi, in fine, les préjugés sociaux tombent et la vérité de l’amour triomphe. Les deux amoureux sous la voute étoilée se pâment dans le désir de l’autre et l’incertitude de l’amour. Une grande réussite que ces fausses confidences ; menées de bout en bout, avec brio, par la lumineuse, prodigieuse et amusante folie d’Isabelle Huppert, le talent de Jean-Damien Barbin, l’étrangeté de Louis Garrel, l’émotion de Manon Combes, et de l’habile entremetteur Yves Jacques, font le reste. Une excellente reprise théâtrale à ne pas manquer.
LES FAUSSES CONFIDENCES (Reprise)
De Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux
Mise en scène Luc Bondy
Conseiller artistique Geoffrey Layton
Conseiller dramaturgique Jean Jourdheuil
Assistant à la mise en scène Jean-Romain Vesperini
Souffleuse Nikolitsa Angelakopoulou
Décor Johannes Schütz
Costumes Moidele Bickel
Lumières Dominique Bruguière
Musique originale Martin Schütz
Maquillages et coiffures Cécile Kretschmar
Avec Isabelle Huppert, Jean-Damien Barbin, Manon Combes, Louis Garrel, Yves Jacques, Sylvain Levitte, Jean-Pierre Malo, Bulle Ogier, Bernard Verley et Georges Fatna, Arnaud Mattlinger
Odéon-Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon – 75006 Paris
Jusqu'au 27 juin 2015
Réservations 01 44 85 40 40
http://www.theatre-odeon.eu/fr
Métro Odéon (lignes 4 et 10) - RER B Luxembourg