Je publie ici une réaction que m'a inspiré une discussion concernant l'article de Mathilde Goanec et Mathilde Mathieu, à propos du "Deal de 4 millions proposé à la CGT", que vous pouvez consulter ici:
http://www.mediapart.fr/journal/economie/230415/espionnage-de-salaries-un-deal-4-millions-deuros-ete-propose-la-cgt
Initialement, il ne s'agissait que d'une réponse à la réponse d'une des auteures, mais il y avait trop de caractères, alors, comme je suis un flemmard et que j'ai horreur de faire un effort pour rien, je le publie sous forme de billet...
Je commence par insérer la réponse faite par Mathilde Mathieu à un abonné, puis on trouve ma réaction...
"23/04/2015, 21:20 | Par Mathilde Mathieu en réponse au commentaire de yvster14 le 23/04/2015 à 19:14
Bonsoir,
Mais nous n'écrivons absolument pas que des syndicalistes auraient accepté une forme de "graissage de patte" !
Comme l'indique le titre en manchette, il ne s'agit pas à nos yeux d'une affaire CGT, mais bien d'une "affaire Orpea".
Une affaire Orpea d'abord et avant tout parce que l'entreprise a pratiqué l'infiltration dans le dos de ses salariés, pour aller chercher des informations relevant pour certaines de la vie privée, d'une fiabilité qui paraît en plus discutable (comme le montrent les "rapports" rédigés par les implants que nous publions afin que chaque lecteur puisse se faire sa propre opinion sur le procédé). D'où la plainte de la CGT. Qui s'ajoute à d'autres plaintes pour espionnage (achat de fiches de police, d'extraits de casiers judiciaires, infiltration, etc) déposées ces dernières années par divers syndicats, par exemple chez Eurodisney ou Ikea. L'infiltration devient malheureusement un marché juteux en France.
Une affaire Orpea, ensuite, parce que l'entreprise s'est risquée à une forme de chantage pour le moins douteuse, pour tenter de circonscrire sinon d'étouffer l'enquête judiciaire ainsi déclenchée. Sur les contours et le contenu de la transaction proposée, nous avons évidemment rassemblé tous les éléments nécessaires avant d'écrire, effectué toutes les vérifications. La liste des concessions auxquelles le groupe Orpea se disait prêt ne souffre aucun doute.
A l'arrivée, nous précisons bien que la fédération CGT a refusé la transaction qui lui était proposée, à l'unanimité des voix dans les instances consultées.
Pour respecter la diversité des points de vue, nous donnons cependant la parole à un cadre de la confédération qui n'était pas contre une signature, au vu des bénéfices potentiellement accordés aux salariés. Fallait-il signer ou non? Aux lecteurs d'en débattre librement, bien sûr."
"Bonjour,
Avant tout, je précise que je suis militant CGT "de base", et que je suis conscient que cette confédération est un outil imparfait, du fait de certains dysfonctionnements, mais qu'en ces temps de reflux social et politique, je ne vois pas d'organisation présentant plus de potentialités pour fédérer les résistances, et reconstruire un mouvement progressiste et démocratique offensif.
Vous écrivez "Comme l'indique le titre en manchette, il ne s'agit pas à nos yeux d'une affaire CGT, mais bien d'une "affaire Orpea"." Je trouve que cette justification est un peu courte, si on regarde le contenu intégral de la manchette.
Ca commence par un titre (qui figure dans la colonne de droite, quel que soit l'article qu'on lit sur Mediapart, donc parfaitement formaté pour notre "temps de cerveau disponible", autrement dit notre "inconscient" comme dirait un psy) qui ne mentionne pas ORPEA, ce qui est bizarre pour un article à charge contre ORPEA... Il contient donc la référence explicite à la CGT, associé au mot "deal" à 4 millions d'euros. Avouez que ça fait mauvais effet, et que ça peut chagriner des gens qui sont adhérents de cette organisation qui "deale"...
Puis on arrive à la partie de la manchette qui annonce le contenu de l'article lui-même: 57 mots au total, avec une lecture de la trame narrative conditionnée par le titre, il ne faut pas rêver... Donc concernant la question qui nous titille tous (Est-ce que la CGT a accepté le "deal secret"?), le 57e mot offre le verdict, OUF! La CGT a refusé la corruption! On a eu chaud...
Mais tout de même, ce "refusé" semble bien mystérieux, alors que pour le reste de l'affaire, tout est à peu près bien résumé. Vous faites bien, dans votre réponse, de préciser que c'est la fédération concernée, la seule qui ait une quelconque légitimité syndicale et démocratique pour le faire, qui l'a fait après des votes à l'unanimité.C'est selon ce processus démocratique que se prennent les décisions au sein de la CGT (en tout cas en principe...).
Cela ne vous a pas empêché pas de trouver un "cadre confédéral" (Avec quel mandat s'exprimait-il? Quelle connaissance a-t-il vraiment de ce dossier?) pour discuter la décision de façon crapoteuse, qui a marqué l'un des lecteurs qui a réagi à ce propos.
Un "cadre" de la CGT, ça n'existe pas, si c'est un "délégué confédéral", c'est qu'il est déchargé à plein temps pour exécuter des mandats confédéraux. Si ce n'est pas dans le cadre de ses mandats syndicaux que vous le rencontrez, son avis sur la question est aussi légitime que celui de votre médecin de famille, votre voisin de palier ou votre cousin Raoul (avis personnels parfaitement légitimes, mais en rien l'avis de l'ordre des médecins, de l'association des copropriétaires ou du club de bridge du cousin Raoul...).
Revenons à la manchette... Pourquoi s'acharner sur ce petit morceau de votre travail? Je vais essayer d'apporter une réponse.
Avant de m'abonner à Mediapart, j'ai longtemps consulté le site, pour y lire les contributions du club, et pour le tavail de la rédaction de Mediapart je devais donc me contenter de lire les "manchettes", ce que je fais également pour les articles qui ne m'intéressent pas plus que ça.
Donc, pour tous ceux qui consultent Mediapart sans être abonnés, ou que le sujet n'intéresse pas, tout ce qui restera de cet article sera cette manchette (et le titre que chacun pourra encore apprécier quelques jours dans le bandeau de droite...).
Je pense que ce qui va marquer la majorité des personnes qui consultent Mediapart n'est pas le contenu exhaustif de l'article, sous prétexte que Mediapart serait un journal pas comme les autres. Car on peut aussi faire comme si Mediapart était un journal en ligne, qu'on lit donc comme un contenu en ligne, c'est à dire pas du tout comme un journal papier.
Par exemple, alors que je suis capable d'une lecture patiente et réfléchie, voire acharnée pour les textes difficiles, quand je lis un livre, un journal ou un magazine, j'avoue être beaucoup plus consommateur avec la lecture en ligne, même s'il m'arrive parfois de me faire violence pour aller au fond des choses. J'ai donc tendance à penser qu'on est nombreux à pratiquer des types de lecture très différents selon les supports.
Résultat des courses, une fois que j'ai consulté les manchettes des articles du jour, j'ai le sentiment réconfortant et trompeur que j'en sais un peu plus que le commun des mortels sur plein de sujets, alors que bon... Je suppose que ça fait de moi le coeur de cible pour Mediapart, dans une certaine mesure! J'ai la faiblesse de penser que je ne suis pas le seul à fonctionner ainsi...
Donc, pour résumer les reproches que je fais à votre travail, sur ce cas en particulier:
- Dénigrement subliminal de la CGT
- Méconnaissance ou mépris pour les règles démocratiques de fonctionnement théorique de cette confédération.
Il y a bien des choses qu'on peut reprocher au fonctionnement de la CGT, il n'y a qu'à faire un réel travail d'investigation sur ce sujet, mais je trouve que cet article et son "packaging" utilisent des méthodes publicitaires (que n'aurait pas renié Edward Bernays...) pour dégrader l'image de marque de cette confédération.