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Billet de blog 5 octobre 2008

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D.D.D., spectacle mis en scène de David Bobee

David Bobee nous avait déjà époustouflés sur les textes de Ronan Cheneau : Res/Persona, Fées et Cannibales l'année dernière. Là, c'est sur un texte de l'Américain Denis Cooper qu'il nous entraîne. Et le voyage qu'il nous propose n'est pas banal.

Nous pénétrons dans l'univers torturé d'un enfant, d'un ado. Les histoires, les mensonges, se succèdent dans la bouche de Fanny Catel-Chanet, la comédienne légère et sensible de ce spectacle, assez musclée pour évoquer le jeune homme, assez féminine pour révéler l'enfant. Le petit micro devant sa bouche fait chanter les mots et sonner les consonnes. Ca glisse, semble fluide, mais ça accroche aussi. Souvent. Les aspérités du texte nous égratignent jusqu'à nous lacérer. Quant la petite mélodie est à nouveau, plus forte, fredonnée, tout tremble. Cette seule mélodie réveille en nous, en elle, en lui, les démons enfouis d'un imaginaire violenté. Une douce mélodie qui oppresse, qui étrangle, qui panique.

« Mmm... Ca va mieux. Où suis-je ? Voyons voir. Pourquoi pas le studio d'un photographe ? Lumières aveuglantes, toiles de fond, déclics métalliques, tout ça. Je ne vois pas le visage de celui qu'on a engagé pour révéler ma perfection, juste un morceau de verre convexe dans lequel je regarde mon reflet déformé. Je n'ai pas l'air très net. Pourtant, cette imprécision me flatte plus que tout. Je peux faire abstraction un moment de cette idée gênante. Ce ne sont que des yeux parmi les millions sur lesquels j'essaie de me concentrer. »

Les jeux conjugués de la lumière et de la musique transforment l'atmosphère de cette petite salle de la Resserre, tout en haut de la Cité, la rendent morbide, horrifiante, et angoissante.

« Je me mets à rêver. Je me retrouve sur scène, épinglé par un projecteur. Je viens de finir un de mes succès. Un homme surgit de la houle confuse des adolescents surexcités. Je crois qu'il veut se ruer sur moi et me serrer dans ses bras, mais lui sort un couteau de sa poche. Avant que j'aie pu l'éviter, il me lacère le visage. Le sang gicle sur sa chemise. »

S'il pouvait y avoir un équivalent, ce serait Le Labyrinthe de Pan, de Guillermo del Toro. L'univers fabuleux cachait mal - que dis-je - montrait mieux la noirceur du monde réel. David, recroquevillé dans son monde du dedans, harcelé par le monde du dehors, donne à voir un monde étrange, fait de mots rougeoyants (les phrases défilant au bas de l'écran pendant la Star Ac'...), d'un podium, cette scène à la mesure de la petite star, et de ce projecteur, éblouissant, enivrant symbole du rêve et des artifices qui l'enrobent. Un monde étrange, oui. Plus encore quand les muscles du jeune héros, son visage sont déformés par un éclairage qui révèle mieux les zones d'ombres. Plus encore quand le beau monde rouge et blanc, d'or et de paillettes devient vert, ce vert mystérieusement effrayant qui prend aux tripes, qui crispe vos lèvres, qui bloque le souffle.

« On ne sait pas dans Closer ce qui se passe réellement avec le père de David. On sait que David sent l'haleine éthylique de son père tous les soirs, sur sa joue, et que cette affection paternelle lui est insupportable. Mais en vrai ? Entre ce qu'il dit, ce qu'il désire, et ce qui lui arrive... On songe au pire sans que cela soit clairement dit par Dennis Cooper. Cet élément familial met brusquement en perspective le monde de paillettes que David s'invente... Imaginer une autre vie, glorieuse, c'est vital pour lui. Mais que fuit sa mythomanie ? Une réalité familiale ? une absence d'avenir ? la violence même de l'imaginaire qu'il essaie quand même de maîtriser en construisant ses récits fantasmatiques ? ces désirs sexuels qui le submergent ? La manière dont tout ça s'empare de lui évoque un viol ou une noyade. » David Bobee

D.D.D.

Dedans Dehors David.

Le petit s'appelle David. David Bobee aussi. Troublant.

D.D.D., d'après le roman Closer de Dennis Cooper, mise en scène et installation de David Bobee,

du 2 au 25 octobre 2008,

au Théâtre de la Cité Internationale,

17 boulevard Jourdan, 75014 PARIS

durée : 1 heure

A VOIR AUSSI : Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue

Texte de Ronan Cheneau, mise en scène de David Bobee,

au Théâtre de Gennevilliers (métro ligne 13), du 24 janvier au 14 février 2009

Un texte qui parle de nous, de l'autre, de la peur. Un texte rythmé, musical, beau.

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