L'Apprentissage, de Jean-Luc Lagarce
Mise en scène de Sylvain Maurice
Théâtre Les Déchargeurs, Paris Ier
http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/LApprentissage-143/ensavoirplus/
Lagarce, toujours et encore. Les mots se bousculent dans la bouche d'Alain Macé, les mots, changeants ; l'auteur varie les temps, varie les pronoms. On parle de lui à la troisième personne, on crie fort, comme à un imbécile, comme à un vieux. Devenu vieux sans qu'on le sache.
Quand Roland Fichet lui commande en 1993 un « récit de naissance », Jean-Luc Lagarce répond par un « récit de renaissance ». Il raconte à la première personne le retour à la vie après une plongée dans le coma, la redécouverte des sens : l'ouïe, la vue, la parole... jusqu'à sa première sortie de l'hôpital. Le regard de Lagarce sur ce monde qu'il retrouve est plein d'une ironie et d'une méchanceté qui le tiennent en vie et, sous sa plume, l'hôpital devient le lieu d'une féroce comédie humaine.
Sylvain Maurice, note d'intention
Face à nous se trouve un autre drôle de spectateur, qui joue avec son rideau blanc, qui regarde. Il ouvre les yeux, et regarde la pièce, la pièce dans laquelle il se trouve. Ne nous trompons pas : l'ambiguïté est volontaire. Nous sommes les spectateurs d'une pièce ou « celui qui raconte » voit une autre pièce, avec ses yeux, avec son corps, avec ses peurs. Troublé, il joue qu'il voit, il voit qu'ils jouent.
« Je suis vivant, puisque je fais semblant. »
Alain Macé est fascinant, dans ce rôle d'homme redevenu enfant, qui regarde la vie comme s'il ne l'avait jamais vue. Tantôt caustique, tantôt suspicieux, égaré entre ses peurs et ses questionnements, il nous montre l'homme dans toute son étrangeté.
"Il y a plusieurs jours déjà que je suis là - plus tard, on me raconte - il y a plusieurs jours déjà que je suis là lorsque j'ouvre les yeux.
J'ouvre les yeux. Ou plusieurs jours encore que j'ouvre déjà les yeux avant même que je ne le sache, plusieurs jours après que j'ouvre les eux et le premier jour où je m'en aperçois.
J'ouvre les yeux."
L'Apprentissage, de Jean-Luc Lagarce, texte publié aux Solitaires Intempestifs
A côté, dans d'autres pièces, d'autres meurent. Nous nous trouvons, toujours et encore chez Lagarce, entre la naissance et la mort. Nous nous trouvons devant la vie.
voir aussi, à partir du Journal de Jean-Luc Lagarce : Ebauche d'un portrait, mise en scène de François Berreur, à Théâtre-Ouvert, Paris XVIIIè