Quand au téléphone Michel Butel me dit, il y a quinze jours, que «le bouclage se passe incroyablement bien -dans un climat calme, serein comme je n'en ai jamais connu!», je ne le crois pas. Je ne l’associe pas spontanément à la zenitude, et les quelques bouclages de l’Autre journal que j’ai vus étaient plutôt du type force 8.
Mais ça a dû être ça. L’image sur Facebook affiche, « sans espoir tout devient possible ». L’Impossible ne devrait pas être là, avec ce gamin en couverture qui bondit au ciel ( et en regardant bien, il crie). L’Impossible est en dehors des lois sur le bon financement des projets. A vrai dire, il n’est pas financé du tout, sauf par des gens qui avaient envie que ça existe, ce journal aux noms d’abord variables, sauf par d'indéfectibles amis .
Il réunit plus d’écrivains, d’artistes que de journalistes, d’où des réunions de rédaction parfois assez méditatives, chacun y réfléchissant « après ». Des périodes de latence, des moments où l’on se dit que ça ne va pas marcher, ce coup-ci. Mais : « Le messager est parfois un âne inspiré qui va son propre chemin ».
Un monde qui a changé, depuis l’Autre journal, où pour beaucoup, l’argent est devenu dur à gagner, quand encore on en gagne, où le gris est mis, l’insouciance coupable dès 13 ans, les indignations si vives qu’elles s’entretuent, la contemplation une faute, et tout ça.
Alors, un journal qui ne poursuivra sa vie qu’avec le désir de ses lecteurs, et celui de ceux qui y contribueront… Comme ce coup de talon qui ramène en surface, l’air devient choc, numéro un.
« Il y a du beau linge », dit quelqu’un sur Facebook, mais ce n’est pas ça. Bien sûr, ça fait plaisir de lire ici Jean-Christophe Bailly, John Berger, de découvrir la belle existence de Diego Masson, de partager vingt « impossibilités » avec Valérie Mrejen,c’est important. Mais on peut aussi retrouver la lecture ouverte, à l’inspiration, qui fut celle de l’Autre journal, Asmaa, cette jeune femme de Gaza, qui dit tant (Selim Nassib), une cruauté rapide dans une gare (Beatrice Leca), une lettre à un frère déserteur de famille (Vincent Guedon), une magnifique saison dehors avec Yves Berger, et d’autres. C’est ensuite, souvent, qu’on regarde la signature.
Me manque un qui ne reviendra pas, assassiné au cours d’une pseudo tentative d’évasion, qui écrivit dans l’Autre Journal jusqu’à sa mort : Bruno Sulak. « Je fais un pari, le jour où la culture intellectuelle, physique, l'éducation véritable, les sentiments, la musique auront cours en prison, je suis disposé à y retourner, à y rester. Mais en attendant, assez d'hypocrisie. La vérité, c'est que l'individu en prison est brisé, déséquilibré, rendu hargneux, haineux et violent... »
Comme le monde a changé, Bruno Sulak vous le trouverez sur internet en rubrique « gentleman-cambrioleur », ou en chapitre 15 de la série « ennemi public no 1 »… Ces catégories à re-casser. Me manque encore une voix à faire tomber le mur. Alors je regarde le printemps en Tunisie de Gilles Coulon, immobile et respirant.
Et voilà donc, L'Impossible est le 14 mars dans les kiosques. Un 14 mars est né Maurice-Merleau Ponty, dont la veuve, Suzanne est évoquée par deux fois dans ce numéro. Naissait aussi Sylvia Beach, grande passeuse de Shakespeare and co, première éditrice de Joyce. Naissait Diane Arbus, photographe, qui voyait si bien la violence de l’ordinaire. Pas un mauvais jour, le 14 mars.
Dans les kiosques, puis dans les librairies à partir du 22 mars, pas un mauvais jour non plus. Michel Butel sera au Salon du livre le 17 mars à 16 h, au stand des éditions Sabine Wiespieser.
Ajoût: le diffuseur Presstalis ayant loupé le train, L'Impossible ne sera en kiosques que le 15. Plus jamais je ne me moque de Drupal.
Ni publicité, ni campagne, ni rien, juste vous. Faites passer.
Le site L'Impossible (pas des plus vivaces, mais infos pour s'abonner, soutenir, ect)
La page facebook de l'Impossible (là, ça bouge)
Une première video, réalisée par Nicolas Romeas, Valérie de Saint-do et montée par Samuel Wahl, l'intégralité de l'entretien avec Michel Butel étant diffusée dans le prochain numéro de Cassandre/horschamp (avril)
Enfin, le 27 mars à 20h au centre Madeleine Rebérioux de Créteil, Un numéro exceptionnel de Mardi ça fait désordre : « La Politique trop vieille pour les jeunes?», avec Stéphane Hessel, Michel Butel (L’Impossible, l’Autre journal), Mohamed Mechmache d’AC le feu, le conteur Hamed Bouzzine,les équipes de Reporter Citoyen et les jeunes de Créteil.