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Billet de blog 10 décembre 2013

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Nelson Mandela : Par delà le mythe.

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Nelson Mandela : Par delà le mythe.

     S'il est un phénomène remarquable qu'on ne peut imputer à Nelson Mandela, c'est l'unanimité planétaire qui s'était  faite, déjà de son vivant, autour de la sacralisation de sa personne. Il est donc pour le moins délicat de questionner le seul saint laïc et littéralement œcuménique du monde, alors qu'il n'est pas encore inhumé et que ses thuriféraires et autres hagiographes veillent jalousement sa dépouille. Mais le diable, toujours... le diable est dans les détails !

     Les encyclopédies, dictionnaires  et autres écrits biographiques qui sont consacrés au tombeur de l'apartheid nous font voir, eux aussi unanimement, que la vie de Nelson Mandela s'articule autour des deux versants opposés qui forment ce Kilimandjaro sud-africain nommé aussi Madiba. Opposés parce que le premier, grimpant sous le joug de l'oppresseur, est fait de son édifiante et désormais historique «  longue marche vers la liberté »  et que le second, lui, se déroule, librement, dans la sérénité et la force tranquille qu'offre  le  pouvoir quand il vous est offert.

     Deux versants dont l'adret lumineux nous renseigne, dès 1944 et cinquante ans durant, sur l'escalade inhumaine que Mandela a dû réaliser pour gagner sa liberté et celle de son peuple: un via crucis  à hauteur du martyr qu'il est devenu, un chemin de croix parsemé des hauts faits qui inscrivent dans le marbre cette geste héroïque du reclus de Robben Island. Alors qu'une fois au pouvoir, l'obscur ubac de cette montagne n'offre plus qu'une mer d'huile, un surprenant calme plat où rien ne se passe. Même en tenant compte de la  longueur de l'art et, pour ce versant, de la brièveté du temps : cinq ans!

     On a beau ausculter, prier, espérer autre chose, le constat est là: autant son combat dans l'adversité abonde en actions, autant son action au pouvoir est vierge de tout combat:

     ''Mandela, l'homme qui a dit non à la vengeance'', titre à présent la bien-pensance mondiale, escamotant par là qu'il est aussi l'homme qui a dit non à la justice et à la réparation, via une ''Commission Vérité et Réconciliation'' de triste mémoire. Une pantomime qui placera sur le même plan le bourreau raciste et criminel et les victimes qui auront eu à s'en défendre. Une veulerie que rien ne pourra effacer et  qui tourna sans surprise en eau de boudin.

     Mais c'était sans doute la condition sine qua non de la fin de l'apartheid: laisser les choses en l'état ! C'est-à-dire les blancs à leurs possessions et les noirs à leur désormais libre servage. Ce qui fait cher, très cher payé, par le peuple Sud-Africain noir, le simple droit de s'asseoir dans le même bus que les blancs.

     A titre d'exemple, si l'on tire un fait, un seul, de l'interminable chapelet d’injustices commises par les tyrans de l'apartheid, avec le silence complice de nos nations, non pas un fait marquant, barbare, comme le Massacre de Shapperville, mais un fait routinier, ordinaire,  un fait irréfutable qui dit que «Entre 1960 et 1980, ce sont plus de trois millions et demi de paysans noirs qui sont dépossédés de leurs terres sans aucun dédommagement pour devenir un réservoir de main-d'œuvre bon marché et qui ne sont plus des concurrents pour les fermiers blancs...»

     Quand on expose ce fait et que l'on songe que l'arrivée au pouvoir de Mandela ne s'est même pas traduite par la restitution d'un seul arpent de terre, on réalise alors l’ampleur de la désinformation à l’œuvre et l'urgence qu'il y a, pour nos intellectuels, à se mettre au travail.

     Il faut le dire et le répéter, à l’instar de l'URSS, l’apartheid s'effondra de lui-même. Il mourut de ne pouvoir continuer à sévir dans un rapport de force qui l'aurait balayé au moindre éternuement  - et sans condition ! Et si Mandela fut longtemps travaillé pour devenir l'exécuteur testamentaire de ce régime honni, c'est qu'il était le seul noir, eu égard à son martyr et à son aura,  à pouvoir garantir les dernières volontés du défunt : laisser les choses en l'état ! Et les laisser tout en évitant un bain de sang. 

     Ce qu’il accomplit à la perfection et qui lui vaut aujourd'hui, Mardi 10 Décembre 2013,  l'hommage unanime des blancs reconnaissants,  sous le haut patronage de Barak Obama.

Emilio Alba.       emibaal@gmail.com

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