traduction par mes soins d'un billet de Erri de Luca : Domande sur le blog de sa fondation, daté du 26 mai 2015
Je connais la différence entre interview et interrogatoire. Les questions d'un interview, même celles hostiles, veulent connaître. Elles visent à connaître un point de vue, une histoire, une idée.
Les questions d'un interrogatoire ne sont pas posées pour savoir, mais pour obtenir confirmation de ce qu'il est déjà prétendu savoir au préalable. Ce sont des perquisitions.
J'ai déjà fait l'expérience de chacune des deux formes de questionnement.
Le vingt mai dernier dans une salle d'audience débordante de visages amis s'est déroulé une variante inattendue, ni interrogatoire, ni interview.
C'est un débat linguistique autour de l’intéressant verbe « sabotare » qui a eu lieu.
Comment l'entends le vocabulaire et moi de même, comment le prétends de manière erronée l'accusation.
Dans ce lieu tout à fait inapproprié qu'est une salle d'audience a été débattue l'interprétation d'un verbe. L'enjeu n'en était pas une modification de la définition, mais une condamnation pénale.
En soutien de la thèses accusatoire il est fait référence à mon affirmation :
"A questo servivano le cesoie". (A cela servaient les cisailles)
Cisailles : gros ciseaux en vente dans les quincailleries,
appropriées au jardinage et travaux mécaniques.
Sur ce substantif il n'y a pas de différence d'interprétation entre les parties.
Les cisailles sont-elles un instrument de sabotage ? Le futur TMA, Train à Modeste Accélération, entre Lyon et Turin, peut-il être saboté par des cisailles ?
En pleine possession de mes facultés de compréhension et de contestation, je dis : évidemment non.
Des cisailles qui endommagent une clôture du chantier en question accomplissent un acte symbolique qui en rien ne peut saboter les travaux.
Dans le reste de mes phrases incriminées il n'y a pas d'autre arsenal ou article de quincaillerie.
Ce vingt mai deux-mille-quinze étaient présents aux frais de la collectivité : deux procureurs de la République avec l'escorte appropriée, le juge avec le personnel adéquat pour la transcription des débats et les carabiniers.
J'ai tenté en vain d'évaluer le niveau de la dépense des deniers publics dans ce lieu et dans ce moment. Manquait au total l'évaluation du gaspillage de temps et des ressources détournées d'autres causes plus importantes et urgentes.
J'ai reconnu être la cause et le prétexte de la dépense.
Je me suis confirmé à moi-même qu'en cas de condamnation je ne
contribuerais pas avec un recours en appel à un tel gaspillage.
On ne le dirait pas en première lecture,
mais cette page je l'ai écrite avec un solide sentiment de tristesse