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Billet de blog 4 décembre 2014

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Pour un populisme climatique

Dans 400 jours la France accueillera le 21e sommet sur le changement climatique. L’enjeu : un réchauffement possible de 6°C d’ici 2100, voire davantage au-delà. La température moyenne de la Terre serait alors portée à plus de 21°C, contre 15°C en 1850. Nul ne sait exactement quelles seront les conséquences. La Terre n’a pas connu de telles températures depuis des dizaines de milliers d’années.

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Dans 400 jours la France accueillera le 21e sommet sur le changement climatique. L’enjeu : un réchauffement possible de 6°C d’ici 2100, voire davantage au-delà. La température moyenne de la Terre serait alors portée à plus de 21°C, contre 15°C en 1850. Nul ne sait exactement quelles seront les conséquences. La Terre n’a pas connu de telles températures depuis des dizaines de milliers d’années. 6 à 8°C de moins, par contre, correspond à une situation bien connue : c’est celle de l’époque glaciaire, quand le niveau de la mer était 120 mètres plus bas et que la banquise s’arrêtait à Brest. La France connaissait approximativement le climat que l’on peut aujourd’hui observer en Scandinavie, et le Sahara était verdoyant. A seulement 2,4°C de réchauffement, le climat méditerranéen remonte d’Orange jusqu’à Paris, en quelques décennies seulement.

En signant la Convention-Cadre, en 1992, le monde entier s’est engagé à prendre les mesures nécessaires pour « ne pas déstabiliser le système climatique ». Pourtant les émissions augmentent. Au cœur de la divergence entre États : la justice. Chacun a son critère : les États-Unis mettent en avant leur « efficacité » (quantité de dollars produits par tonne de CO2), la Chine les émissions par habitant, le Brésil la juste part qui revient à chaque habitant terrestre d’un « gâteau climatique » dont nul ne peut se dire propriétaire, l’Inde la nécessité d’un niveau « de survie » d’émissions de gaz à effet de serre, les pays les moins avancés la nécessité de moyens supplémentaires pour disposer de techniques efficaces etc. D’où 22 ans de blocage des négociations, après un démarrage qui était pourtant prometteur. C’est pour cette raison qu’il n’y a rien à attendre de cette 21ème édition.

Que faire ? Plus que jamais le destin des peuples est entre leurs mains. L’enjeu est de créer des situations dans lesquelles le gaz à effet de serre est saisi, montré, représenté, problématisé sur le plan politique, qu’il devienne un problème public au sens de J. Gusfield1 : quelque chose dont on parle au quotidien et que l’on perçoit comme un mal public. Le fil conducteur des actions à entreprendre est donc d’investir l’espace public en s’appropriant la problématique climat. Rien ne bougera tant que le problème restera contenu dans des cercles étroits, militants ou non, car ils seront battus en brèche par les sophistes de toutes sortes qui, tels Pascal Bruckner, s’intéressent moins à la vérité qu’à répercuter à l’infini la doxa suggérée par les intérêts établis, à la manière des courtisans. De tels individus sont nombreux et leur rôle est dans le fond d’accréditer un doute sélectif, profitant à l’ordre établi.

Dans ce contexte la revendication écologiste classique (« -80 % d’ici 2050 ») est moins importante que la capacité à mettre en scène des problèmes et d’ouvrir des possibles, auprès d’un public qui est très fragmenté sur la question. Le gaz à effet de serre ne peut pas représenter la même chose pour une école qui croit ne pas en émettre (puisqu’elle n’héberge pas de moteur) que pour un transporteur routier, ou pour Paris dont 40 % des émissions provient des touristes qui visitent la ville que pour un village très dépendant de l’automobile. Ce manque d’homogénéité des situations explique d’ailleurs l’échec récurrent de l’écotaxe. Compte-tenu de la diversité des situations, les mots d’ordre doivent inévitablement être pluriels.

Le critère d’un bon sommet serait donc celui-ci : que le climat se trouve omniprésent dans les discussions, pendant plusieurs semaines, dans les écoles, les entreprises, les administrations, dans les rues, les cafés etc. et même les stades de foot. Qu’une alphabétisation massive se produise, sur ces questions, puisqu’on ne peut pas compter sur les médias. Que l’on se mette à repérer le gaz à effet de serre aussi bien que le déficit public, qui n’est pas plus perceptible. S’ils ont un peu le sens des responsabilités, tous les medias, leaders d’opinion, représentants etc. dans la fonction totalisatrice qui est la leur doivent se saisir de la question, à leur manière. En résumé, COP21 doit être le lieu d’une sorte de mobilisation générale contre le gaz à effet de serre, mettant à l’honneur les possibles décarbonés et plus généralement écologiques qui s’offrent à nous et que nous peinons tant à saisir, en dépit de leurs promesses (en emplois notamment).

1La culture des problèmes publics, Economica, 1994.

Fabrice Flipo

Maître de conférences en épistémologie et philosophie des sciences et techniques

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