Maurice Szafran, journaliste à Marianne, est un homme bien. Contrairement à de nombreux intervenants médiatiques, ce journaliste éminent ne s’en laisse pas compter par la « communication de guerre » israélienne. Il le dit clairement dans son éditorial paru dans le Marianne N° 611, en évoquant le poids des calculs électoraux de la classe politique israélienne dans le processus de déclenchement de la dernière offensive en territoire occupé. Et c’est salutaire.Pourtant Maurice Szafran se trompe. A la dénonciation d’une classe politique israélienne sclérosée et tétanisée par 60 ans de guerres, il joint dans le même éditorial la dénonciation d’un Hamas soupçonné de pratiquer les mêmes calculs politiques que ses adversaires en vue de la conquête totale du pouvoir palestinien. Ce faisant Maurice Szafran laisse entendre qu’Israéliens et Palestiniens se situent sur un pied d’égalité et sont mus par les mêmes motivations.Or les faits étant presque aussi têtus que la propagande (fut-elle involontaire), on ne peut décidément pas mettre sur la même ligne un pays occupant et un pays occupé, pas plus qu’on ne peut confondre l’armée surarmée du pays occupant et le mouvement d’opposition, voire de résistance, né de l’occupation.C’est une question de principe et de justice.Or, nul doute que Maurice Szafran est un bon journaliste. Il l’a mainte fois prouvé par la qualité de ses articles. Mais nul doute aussi que c’est avec ce type d’arguments produits par des gens aussi en vue que lui, que l’on contribue à prolonger durablement un conflit qui aurait dû cesser avec l’avènement d’Israël en tant que puissance régionale majeure du proche orient, capable d’assurer elle-même sa sécurité. Et tant que des références médiatiques comme lui ne taperont pas du poing sur la table pour lever toutes les impostures du conflit israélo-palestinien, rien ne permettra de stopper le massacre permanent qui se déroule dans les territoires occupés de Cisjordanie et de GazaBien entendu, il n’est pas question de profiter de cette réflexion pour asséner un point de vue qui se voudrait éclairé sur la légitimité historique de l’un ou de l’autre. Après tout la vérité est un concept à géométrie variable. On peut considérer que la bible vaut acte de propriété et que les sionistes sont chez eux partout en Palestine. A l’inverse, on peut considérer la Bible comme un simple livre religieux et que ce sont les Palestiniens qui sont propriétaires des murs. Mais en tant qu’occidentaux on ne peut, en revanche, renier le droit produit par nos institutions (en l’occurrence l’ONU) et qui délimite très clairement la frontière entre Israéliens et Palestiniens selon des tracés connus de tous. Or au jeu de la légalité, Israël est dans le rouge vif. Qu’il s’agisse des frontières modifiées arbitrairement au cours de l’ensemble des conflits précédents ou de l’implantation continuelle de nouvelles colonies en Palestine, l’Etat Hébreu ne cesse d’enfreindre le droit international et de violer l’intégrité de ses voisins.
Tant que cette volonté colonisatrice et guerrière ne sera pas condamnée comme il se doit, c'est-à-dire fermement avec demande de sanctions à l’appui, par les élites les plus en vue de nos sociétés occidentales, et tant que le principe du retour aux frontières de 67 ne sera pas scandé comme un préalable à toute négociation, il n’y a pas de raison pour que les Palestiniens envisagent la simple ébauche de processus de paix.
En tant que petit fils de résistant je le déplore mais je le comprends