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Billet de blog 2 avril 2009

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Quand on aide, on ne compte pas

L’article L.622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) a tout prévu : « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France sera puni d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 30 000 euros ». Et pour 2009, l’objectif fixé à la maréchaussée est de 5000 interpellations sur ce motif.

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L’article L.622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) a tout prévu : « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France sera puni d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 30 000 euros ». Et pour 2009, l’objectif fixé à la maréchaussée est de 5000 interpellations sur ce motif.

La première question que pose cet objectif est justement une question de chiffrage : combien d’individus en France sont-ils susceptibles d’aider un sans-papier ou une sans-papière (ce mot, de récente découverte pour nous, nous plait bien) ?

Tentons une estimation.

Il faut déjà se trouver en contact avec une telle personne, donc graviter dans le monde associatif ad hoc, ou travailler dans un service social, ou encore être dans le business des passeurs.

Du côté des travailleurs sociaux se souvient-on qu’en novembre 2007 deux intervenantes sociales travaillant avec France Terre d’Asile dans le cadre d’un dispositif de protection de l’enfance financé par l’Etat, on dû subir une interpellation et une garde à vue musclées pour ‘’générosité mal placée’’. Cela ne fait pas une forte armée.

Qu’en est-il du monde associatif ? Combien de divisions ? comme demandait le camarade Staline.

Prenons l’exemple de la pétition en cours du collectif des Amoureux au ban public, l’un des meilleurs collecteurs de signatures : Aimer un étranger ne doit pas être un délit !. En une semaine, près de 9500 signatures individuelles et 125 signatures d’organisations. Si une telle signature tombe sous le coup de l’article L.622-1, voilà déjà 10 000 personnes de trouvées.

Le Réseau Education Sans Frontières (RESF) a aussi ses pétitions nationales, par exemple celle-ci, qui réagit à la poursuite judiciaire pour « incitation à la rébellion » et « entrave à la circulation d’un aéronef » d’André Barthélemy, de l’ONG Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, lequel s’est opposé aux conditions d’expulsion de deux ressortissants congolais à bord d’un vol Air France en partance pour Brazzaville (Congo), le 16 avril 2008. Le 23 mars 2009, il a été condamné à 1500 € d’amende par le Tribunal correctionnel de Bobigny. La pétition de soutien avait été signée par une cinquantaine d’organisations nationales et internationales, et 5677 personnes.

Si l’on considère l’appartenance à des associations telles que Cimade, Comede, Domasile, Emmaüs France, Fasti, Fédération entraide protestante, Fnars, Gisti, Ligue des droits de l’homme, Médecins du monde, RESF, SAF (Syndicat des avocats de France), Secours catholique, SOS Racisme, et une vingtaine d’autres associations et mouvements appelant à une mobilisation à partir du mercredi 8 avril sur le thème Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit !, cela doit bien faire quelques milliers de personnes, en partie communes entre les différents groupes.

Alors, 5000 interpellations ciblant cette population, cela ferait beaucoup !

Le dernier site mentionné ouvre une autre piste, en donnant la source de ce nombre. C’est le tableau 4.3, page 35 d’un document associé au Projet de Loi de Finance pour 2009. On se trouve dans le contexte de la lutte contre les filières dites d’aidants, en bon français les passeurs. Et on découvre les nombres d’interpellations des années passées : 4365 en 2006, 4504 en 2007, de 4500 à 4800 en 2008. La prévision pour 2009 est 5000 et la cible pour 2011 est > 5500.

Il semble donc exister une sorte de fond de roulement de démantèlement de réseaux de passeurs, qui ‘’ représentent une forme de criminalité humainement, socialement et économiquement dévastatrice. Outre les infractions liées aux règles de l’entrée et du séjour des étrangers ou celles relatives à la fraude documentaire, ces filières alimentent le travail irrégulier et faussent les équilibres concurrentiels entre entreprises. Elles nourrissent également la délinquance et les trafics les plus divers’’ (même source, p. 34).

En vertu de quoi les interpellations touchent des membres d’associations en contact avec des étrangers dans le besoin : le 16 février avec Emmaüs à Marseille, le 18 février avec Terre d’errance dans le Calaisis. Sans compter les poursuites en cours contre trois philosophes pour entrave à la circulation d’un aéronef. Et avant encore, il y a eu en 2006 Michel Guérin, Florimond Guimard, Kadidja, passagère d’un vol Paris-Bamako, François Auguste, quatre membres du RESF et autres mouvements mis en examen pour diffamation envers un maire pour usage du terme de délation

Martine et Jean-Claude Vernier
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