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Billet de blog 7 décembre 2009

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Le travail d’expulsion des étrangers doit être bien fait

La théorie officielle est qu’un étranger qui ne parvient pas à pérenniser son séjour en France « a vocation » à repartir, quelles que soient les circonstances. Le devoir des autorités est de l’y aider de toute leur puissance, en respectant des normes du travail bien fait : productivité et économie.

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La théorie officielle est qu’un étranger qui ne parvient pas à pérenniser son séjour en France « a vocation » à repartir, quelles que soient les circonstances. Le devoir des autorités est de l’y aider de toute leur puissance, en respectant des normes du travail bien fait : productivité et économie.

Message sur la liste de discussion du Réseau Educations Sans Frontières (RESF) : "Ils sont arrivés de Turquie en mars 2001 avec leur petite fille de 2 ans ½. Ils étaient dans l'impossibilité matérielle de venir avec tous leurs enfants et ont donc laissé leurs deux fils aînés à la grand-mère. Aujourd'hui, le fils aîné est majeur et indépendant, par contre le second, Mustafa 16 ans, ne pouvait plus rester au pays car la grand-mère âgée et gravement malade n'est plus en mesure de l'assumer. Entre temps, Fatma a grandi, elle est maintenant en 6ème au collège, et un petit frère est né en France il y a 5 ans, Umit, qui est en grande section maternelle.

[Après des refus répétés à leurs tentatives de régularisation,] dès que la papa a eu l'autorisation de travailler, il a trouvé un emploi : les fiches de paie sont là, les déclarations d'impôt, le CDI dans une entreprise du bâtiment. La famille C. s'est bien installée, a mis sa fierté à s'assumer elle même, à ne pas dépendre des aides sociales, achetant leurs propres meubles, faisant un crédit-voiture.

Bref, ayant reçu la carte de séjour d'un an, tout allait bien et ils ont fait venir leur fils cadet en France en demandant le regroupement familial [procédure officielle assez longue, ndlr]. Arrivé à la fin de l'été, Mustafa, 16 ans a reçu de la part de la préfecture toutes les consignes nécessaires à sa bonne intégration : session d'information à la vie civique, apprentissage de la langue française, carte de circulation. Très bon élève en Turquie, il « rêve » de devenir professeur de langues ou avocat !

Tout allait bien jusqu'au coup de massue : le renouvellement de la carte de séjour s'est transformé en Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) avant un mois !

[Bien sûr, ce monsieur a requis le Tribunal Administratif d’annuler la décision du préfet. On attend l'audience.]

Mais les choses ne vont pas en s'arrangeant et les enfants vont mal : en effet, trois élus ont écrit à la préfecture pour demander une entrevue. Après plus d'un mois, une fin de non recevoir est arrivée ... la famille doit partir..."

Cette histoire renvoie-t-elle à la politique du chiffre, contestée par des policiers lors de leurs manifestations du 3 décembre 2009 ? La fin de l’année arrive, et le préfet n’a peut-être pas rempli son quota d’expulsions ? Il veut bien faire, et éviter de se faire recadrer par son ministre, comme certains le furent en septembre 2007?

Les ministres de l’immigration passent, mais le souci du travail bien fait reste, comme en témoignent ces extraits des déclarations du ministre actuel le 1er juillet 2009. Le ministre était auditionné par la Commission des Finances du Sénat, à la suite d’un rapport de la Cour de Comptes sur la gestion des centres et locaux de rétention administrative, rédigé à la demande de la commission.

Le ministre décrit l’organisation du système des « reconduites à la frontières », en donnant des exemples d’amélioration en cours ou prévues. "Je voudrais maintenant apporter des réponses détaillées à quelques grandes questions, pointées par le rapport de la Cour et le Rapporteur de la commission.(...)"

"Tous les CRA [Centres de rétention Administrative, où sont enfermés les étrangers en instance d’expulsion, ndlr] disposent d'un règlement intérieur harmonisé au niveau national (…). Des améliorations sont en cours. (…) A l'avenir, le matériel d'écriture sera vraisemblablement permis dans l'ensemble des centres de rétention. Il a, d'ores et déjà, été mis fin aux retraits systématiques qui étaient opérés, dans certains locaux, au nom d'une exigence de protection de la personne qui paraissait exagérée et qui pouvait apparaître comme attentatoire à la dignité humaine (retrait des lunettes et des sous-vêtements féminins).(...)"

" Le taux d'occupation [dans les CRA] baisse (…). Les préfectures essaient également, de plus en plus, d'éviter le passage en CRA avant la reconduite de familles." Car qui dit passage en CRA dit recours au Juge des Libertés et de la détention (JLD), et possibilité pour la Justice d’entraver la procédure d’expulsion.

"(...) S'agissant des causes de non-exécution [des mesures d’éloignement], j'en retiens deux qui sont essentielles : l'annulation des procédures par décision de justice (pratiquement 34% en 2008) et la non-obtention des laisser-passer consulaires (quasiment 22% en 2008).

Dans les décisions judiciaires, la part des tribunaux administratifs reste tout à fait modeste, avec moins de 3,5%.Ce sont donc les décisions des juges des libertés et de la détention qui contribuent prioritairement à faire échec aux reconduites. (…) Le souci du détail peut varier d'un juge à l'autre. Et j'ai entendu dire que nombre de services de préfectures cherchaient à éviter l'usage de certains CRA bénéficiant de JLD particulièrement sourcilleux.

S'agissant des laissez-passer consulaires, un travail actif est engagé et sera amplifié pour mieux motiver les consulats étrangers et les gouvernements concernés, dans le cadre notamment des accords de gestion concertée des flux migratoires."

Et le ministre conclut : "Au-delà des chiffres, nous devons nous poser une question politique sur la portée réelle d'un tel indicateur. Quand bien même nous aboutirions à un chiffre jugé élevé du coût d'une reconduite à la frontière, qu'en tirerions-nous comme conclusions ? Faudrait-il pour autant renoncer à éloigner des étrangers en situation irrégulière ? Faudrait-il même chercher à calculer le coût d'un non-éloignement, à comparer coût d'éloignement et coût de non-éloignement ? Ne faut-il pas mettre au bénéfice des reconduites un coût positif en termes de dissuasion de l'immigration clandestine ?"

Martine et Jean-Claude Vernier

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