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Billet de blog 14 janvier 2010

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Expulsions d’étrangers : surtout, ne pas relâcher l’effort

Après avoir dépassé les objectifs de "reconduites à la frontière" pour 2009, le ministère de l’immigration continue de perfectionner méthodes et productivité : familles entières surprises au saut du lit, enfants arrachés au sommeil, embarqués, trimballés de commissariat en centre de rétention, puis expulsés immédiatement par tous les moyens, sans considération du sort qui leur est promis à l’arrivée.

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Après avoir dépassé les objectifs de "reconduites à la frontière" pour 2009, le ministère de l’immigration continue de perfectionner méthodes et productivité : familles entières surprises au saut du lit, enfants arrachés au sommeil, embarqués, trimballés de commissariat en centre de rétention, puis expulsés immédiatement par tous les moyens, sans considération du sort qui leur est promis à l’arrivée.

Arrestation sur le lieu de travail, dans un centre d’hébergement, dans les transports en commun, tout est bon. Le Réseau Education Sans Frontières (RESF) donne un échantillon d’un peu plus de 24 heures d’activité du ministère.

Strasbourg

"Quatre familles de Roms, représentant au total 16 personnes dont 8 enfants âgés de 4 à 16 ans, ont été arrêtées, mardi matin 12 janvier à l'Elsau, et placées en rétention dans les centres de Nîmes, Lille et Metz afin d'être reconduites à la frontière hongroise dès le lendemain.

Mardi soir, place Broglie, non loin de l'hôtel du préfet, 50 personnes sont réunies, à l'initiative de RESF Bas-Rhin, pour « dire leur dégoût et leur colère » face « à ces expulsions qui déshonorent notre pays et lui coûtent cher », lance Christophe Zander, membre du comité Romeurope - de 8 000 à 21 000 euros selon les estimations. « Ces arrestations sont d'autant plus choquantes que quatre autres familles, venues d'un village voisin et donc confrontées aux mêmes persécutions, sont elles, dans l'attente d'une réponse de l'OFPRA. Pourquoi une telle différence de traitement ? », s'interroge Alban Damery, membre de Casas.

« J'ai mis mon écharpe d'élu, mais vu ce qui s'est passé ce matin, je ne suis vraiment pas fier, ce soir, d'être un élu de la République. Nous glissons vers le pire sans qu'on sache où le pire s'arrêtera », conclut Alain Jund, adjoint (Verts) au maire de Strasbourg - accompagné hier de Jacques Fernique, tête de liste Europe Ecologie pour les régionales et Eric Schultz, conseiller municipal strasbourgeois (Verts) ."

Ain

"Cueillis mardi 12 janvier dès six heures du matin chez Emmaüs, emmenés à Bourg peu après, puis au centre de rétention, les B. ne seront pas restés longtemps au CRA de Lyon Saint-Exupéry. Ce matin mercredi ils ont prévenu qu’un véhicule venait les emmener. Plus de nouvelles à partir de neuf heures (plus de portable). A midi et demie, nouveau contact, ils sont en Italie, et ils arriveront à Pristina à 14 h 10. M. B., stupéfait, explique que c’est un petit avion particulier qui les a emmenés, escortés par six policiers. « Je ne suis pas un criminel », répète-t-il.

Voilà les méthodes expéditives employées par la France, comme si l’enlèvement et l’expulsion d’une petite famille, d’une femme enceinte malade et de deux enfants de cinq et sept ans était une priorité nationale, une urgence absolue !

Qu’on ne vienne pas nous dire que tout cela s’est fait sans violence et dans le respect du droit. Un courrier de la préfecture ayant été mal acheminé, les B. n’ont pas pu déposer à temps les recours auxquels ils pouvaient prétendre. Un passage express au CRA n’en est pas moins traumatisant, et il évite l’examen du dossier par un juge des libertés et de la détention. Le vol privé au départ de l’aéroport de Lyon-Bron empêchait toute mobilisation (et toute scène d’adieux). Et mardi matin, malgré la courtoisie des gendarmes, l’enlèvement de la famille ne s’est pas fait dans une atmosphère apaisée. Madame B. hurlait, cette scène dramatique a beaucoup marqué les compagnons présents, et toute la communauté qui prenait soin d’eux. Les B. connaissent les dangers réels qui les menacent au Kosovo, où ils ne sont attendus par personne. Livrés à eux-mêmes dans un aéroport, sans ressources, que font-ils à l’heure qu’il est ? Bien entendu, les autorités françaises l’ignorent et s’en lavent les mains."

Seine Saint Denis

"Monsieur L., d’origine albanaise a été arrêté dans les transports en commun le 12 janvier. Il est actuellement au centre de rétention du Mesnil-Amelot.

Monsieur L. vit en France depuis 2004, il est marié et a deux enfants. Le frère de Monsieur L. vit en France en situation régulière, sa femme est française. Monsieur L. a une promesse d’embauche dans la restauration. Sa vie est en France où est né son deuxième enfant et où toute sa famille est installée. La communauté éducative de l’école de sa fille est très préoccupée par cette arrestation et se mobilise pour soutenir cette famille. C'est la deuxième fois en six mois que ce père de famille est arrêté et placé en rétention. Cette situation est extrêmement dure à vivre pour sa femme et ses deux enfants."

Seine et Marne

"Interpellation sur son lieu de travail (un restaurant asiatique) le 13 janvier d’un travailleur sans-papiers, père de famille, Monsieur K. Les policiers sont passés au domicile pour s’emparer du passeport. Son enfant de 3 ans, né en France en 2006, est scolarisé à l’école maternelle. Sa femme dispose d’un titre de séjour « vie privée et familiale » pour raison médicale, valable jusqu’en juin. Monsieur K. est en France depuis 2000-2001. Il a travaillé comme cuisinier à la Défense, mais a dû interrompre suite à une demande de la médecine du travail. Il a suivi une formation professionnelle en informatique. Sa demande de titre de séjour a débouché sur un refus cet été, confirmé par le tribunal administratif."

Les sansfrontiéristes (néologisme ministériel) et autres intellectuels tordus sont invités à contacter les autorités pour défendre la cause de monsieur K. : "Nous (RESF, Turbulences, Collectif des sans papiers de Melun, LDH) avons rencontré ce matin jeudi la secrétaire générale de la préfecture du 77 et la directrice de la réglementation. Nous avons évoqué le cas de monsieur K., la secrétaire générale a pris acte, sous-entendant qu’elle avait reçu « beaucoup » de courrier le concernant."

Le ministre de l’Immigration avait choisi, pour illustrer sa carte de vœux pour 2010, la reproduction d'un tableau de Monet représentant la rue Montorgueil, à Paris, lors de la fête du 30 juin 1878. Ce jour avait été choisi par Mac Mahon pour célébrer "la paix et le travail" dans une République encore chancelante...

Mais, dans ces mêmes heures, on annonce la création d'une association par deux très jeunes afghans, dont une franco-afghane (arrivée en 2002, elle à maintenant la double nationalité, un travail et un bébé), AWARA. Pour l'arrêt des expulsions vers leur pays en guerre, la liberté de circulation et d'installation dans les pays de l'UE, le droit à des conditions de vie stables et décentes. Des don quichotte afghans soutenus par les don quichotte français.


Martine et Jean-Claude Vernier

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