Le cercle s’est refermé. Les voies de sortie sont barrées. Toujours plus de civils syriens restent pris au piège dans leur pays, sans pouvoir se mettre à l’abri.
Jusqu’au mois de juin 2013, il y avait encore plusieurs options de fuite possibles. La Turquie, la Jordanie et l’Irak avaient déjà mis en pratique de fortes restrictions à l’arrivée des Syriens, mais le Liban et l’Egypte maintenaient leurs frontières ouvertes.
Puis en juillet, tout de suite après la prise de pouvoir de l’armée égyptienne, le Caire a commencé à limiter l’accès des Syriens (voir l’article). Enfin en août, le Liban a également abandonné sa politique d’entrée libre. Au cours des dernières semaines, beaucoup de Syriens ont été repoussés de manière arbitraire. En particulier, l’accès pour les Palestiniens syriens est devenu quasi-impossible et des centaines de familles n’ont pas pu passer la frontière. Après les attentats des dernières semaines à Beyrouth et à Tripoli, indéniablement liés au conflit syrien, il est difficile d’imaginer que le gouvernement libanais rouvre complètement sa frontière.
La Syrie est en train de devenir une énorme cocotte-minute. Plus l’intensité du conflit et les difficultés économiques augmentent, plus la température s’accroît, et plus la population tente de s’échapper. Mais les voies de sortie sont toujours plus réduites. Et dès qu’une valve de décompression, dès qu’une opportunité de fuite, s’ouvre, de nouvelles masses de réfugiés se précipitent pour en profiter.
La frontière avec le Kurdistan irakien était fermée depuis le mois d’avril (voir l’article). Les semaines passées, après avoir construit un pont sur le fleuve Tigre, les autorités locales ont rouvert la frontière, probablement dans l’optique d’une conférence régionale kurde prévue pour septembre à Erbil. Des milliers de Syriens se sont entassés pour la franchir. En une semaine seulement, plus de 40,000 nouveaux réfugiés sont arrivés au Kurdistan irakien, mettant à dure épreuve la capacité d’accueil du gouvernement régional et des agences humanitaires. Il s’agit de la fuite de masse la plus intense et rapide de la crise syrienne. On ne sait pas combien de temps cette frontière restera ouverte. Peut-être est-ce justement pour cela que les gens se dépêchent de fuir maintenant, avant que le passage ne se referme.
En parallèle, un nombre réduit de réfugiés dans les différents pays d’accueil, fatigués de leurs conditions de vie difficiles et des rapports tendus avec la population locale, décide de rentrer en Syrie. Certains d’entre eux ont encore une maison et la sécurité dans leur zone est encore assez bonne. Un étrange équilibre se crée ainsi : les Syriens calculent les différents facteurs : le risque lié à la guerre en Syrie, la misère de leur vie de réfugiés, le coût de la vie chez eux ou à l’étranger… et choisissent de rester ou de partir. Beaucoup sont restés en Syrie, malgré la peur des violences, parce que la vie de réfugiés, en plus d’être dure, est trop chère.
La communauté internationale a le devoir d’assurer à la population syrienne le droit au refuge dans des conditions dignes et sûres. Dans beaucoup de rapports des Nations Unies, les efforts de pays comme la Turquie et la Jordanie pour assister les réfugiés sont loués, bien que ces Etats, qui permettent le passage d’armes et de combattants de l’opposition syrienne et sont donc directement impliqués dans le conflit, aient été les premiers à restreindre l’accès aux civils en fuite. La communauté internationale devrait exercer des pressions diplomatiques accompagnées d’incitations financières sur les pays voisins pour assurer le libre passage des réfugiés. Les frontières doivent rester ouvertes. Et les aides humanitaires maintenues à leur niveau actuel voire augmentées. Chaque personne obligée de risquer sa vie en Syrie à cause du blocage des frontières ou du manque d’aides est une tâche sur la conscience du monde entier.
D'autres histoires sur la crise syrienne sont à découvrir sur le site www.focusonsyria.org/fr