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Billet de blog 24 octobre 2011

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Réflexions sur l'extrême-droite

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Des amis du MRAP de Menton m'ont adressé un long texte sur l'extrême-droite. Je leur ai fait part de mes remarques, mais je pense que d'autres personnes pourront y apporter leur contribution.

Ce texte est également publié sur Différences La revue et sur le blog Mrap pluriel

L’EXTRÊME DROITE

OU

LES EXTRÊMES DROITES ?

…UN DANGER TOUJOURS PRESENT

Les événements sanglants d’Oslo ont rappelé de façon abrupte, à coté d’une extrême droite qui tente de se faire un visage plus présentable, l’existence de groupes néo-nazis, fondamentalistes chrétiens, suprématistes, tous activistes et se revendiquant comme tels.

Ils sonnent comme un rappel pour tous ceux qui veulent s’illusionner. La relative discrétion de ces groupes ou bien plutôt le fait que leurs activités plus ou moins souterraines aient été sous estimées ne doit plus amener les autorités à négliger le danger potentiel que ces groupes constituent : ce n’est pas en ignorant un danger qu’on lui ôte toute existence !

En France, depuis les attentats d’Oslo, les échanges sur Internet, les tentatives de justifier ces actes sont révélateurs du degré de confusion mentale et de réactions pulsionnelles qui travaillent en profondeur des pans entiers de la société.

Déjà encouragée par les déclarations du gouvernement et de responsables politiques de premier plan, la libération de la parole raciste à laquelle ces attentats ont donné lieu pose question et montre à quel point l’écho de ces attentats que certains persistent à qualifier d’œuvre d’un déséquilibré a de quoi inquiéter. Même si Internet peut faire fonction de soupape en permettant l’évacuation de pulsions criminelles qui évitent un possible passage à l’acte, ne pas prendre en compte l’état de ces réactions et agir en conséquence constituerait de la part des autorités une faute grave et impardonnable.

UN DEVELOPPEMENT DANS TOUTE L’EUROPE

Si ces attentats doivent en premier lieu être l’occasion de réorienter les politiques de lutte contre le terrorisme qui ont ciblé presque exclusivement les activités des groupes islamistes, ils doivent également, en prenant la mesure des effets d’Oslo, être l’occasion de revenir sur l’extrême droite, voire de renouveler les approches concernant ce courant idéologique.

Se manifestant de façon sporadique, surtout en Allemagne et dans les pays d’Europe du Nord, en Suède particulièrement, l’extrême droite qualifiée de néo-nazie ne recule pas devant l’usage de la violence qui est justifiée pour favoriser une prise de conscience, précipiter les événements et permettre l’avènement d’un nouveau système. En cela, ce qui s’est passé à Oslo peut tenir lieu de préfiguration.

Se trouvent communément rattachés à cette « famille » les partis d’extrême droite héritiers des anciennes dictatures fascistes, ou des mouvements qui n’ont toujours pas rejeté la violence comme le Bloc Identitaire 1 qui développe des revendications régionalistes ou d’autres qui ne développent pas de projet politique bien précis, mais dont les références idéologiques confuses de leurs membres les rattachent à l’extrême droite, les hooligans2 ou les ‘boneheads »par exemple.3

L’extrême droite populiste, quant à elle, privilégie davantage l’accès au pouvoir par la voie électorale, et ses succès, partout en Europe, s’expliquent surtout par le rejet du système économique en place, la dénonciation des élites politiques (tous pourris !). Si la filiation avec le fascisme historique ou traditionnel est encore présente, il n’en représente plus vraiment l’ossature idéologique.

Présents dans les pays de l’Europe centrale et orientale, anciennement pays du bloc soviétique, ces mouvements d’extrême droite s’affirment et se développent plutôt sur fond de nationalisme de type « années 30 », avec, pour certains d’entre eux, des revendications irrédentistes (grand-serbe, grand-roumain, grand-hongrois). L’anticommunisme viscéral, jusqu’à rendre hommage à d’anciens collaborateurs nazis comme en Lettonie, est une autre caractéristique de ces partis ou mouvements qui rassemblent, après la faillite économique des méthodes libérales appliquées dans ces pays, nombre de déçus du post-communisme.

Les Ligues qui font partie du paysage politique surtout en Italie, peuvent également, par bien des aspects, être classées dans la mouvance de l’« extrême droite ».

Les élections européennes du 7 juin 2009 permettent de tirer un certain nombre d’informations :

  • les relativement bons résultats de l’extrême droite ne peuvent masquer des divisions d’ordre idéologique parfois profondes.

  • l’extrême droite néofasciste devient très

    Ainsi donc, l’extrême droite ne représente pas un bloc monolithique. Si les divers courants ou partis qui la composent partagent dans une très large mesure le même corpus idéologique, le même système de « valeurs », la même aversion pour les valeurs démocratiques, le même type de relation au pouvoir et à la façon de l’exercer, l’histoire, des références idéologiques qui peuvent varier, de même que des stratégies divergentes pour la conquête du pouvoir amènent à établir des distinctions dans l’ensemble que constitue l’extrême droite.

    Même si aujourd’hui l’un des principaux ciments unificateurs de tous ces mouvements est sans conteste une islamophobie déclarée (racisme partagé par ailleurs par des organisations comme « Riposte laïque » qui n’a pas craint de participer, en décembre dernier, à Paris aux «Assises contre l’islamisation de l’Europe » qui réunissait le gratin de l’extrême droite la plus virulente), il n’en reste pas moins qu’il serait sans doute plus judicieux de parler des extrêmes droites, en y incluant par certains côtés la droite extrême, plutôt que de parler d’extrême droite de façon générique….Et c’est pour une grande part cette islamophobie maladive, qui peut expliquer, ici, en France, des glissements et des porosités avec l’extrême droite jusque là maîtrisés.

    CONNAITRE SON ADVERSAIRE POUR MIEUX LE COMBATTRE

    Alors que les élections vont bientôt se dérouler en France, il n’est pas inutile de revenir sur l’essor électoral de l’extrême droite désignée fréquemment sous les termes de nationaliste-populiste et qui, à l’inverse des mouvements de type néo-nazi, représente dans de nombreux pays européens un courant qui a su s’adapter, se « moderniser » et qui privilégie la voie électorale. En France, le Front National semble s’inscrire de plus en plus dans cette démarche.

    Le discours de cette extrême droite s’articule autour de quelques axes principaux découlant souvent les uns des autres :

    • Au niveau premier :

    • Un anti-communisme virulent mais moins affiché depuis la disparition de l’Union Soviétique,

    • la xénophobie, avec pour ennemi désigné le multiculturalisme,

    • l’islamophobie qui a même touché la Suisse et qui fonctionne suivant les mêmes principes que l’antisémitisme dont il a souvent pris la place,

    • la préférence nationale, avec pour corollaire le renvoi des immigrés, forme plus « radicale » que les concepts d’immigration zéro ou d’immigration choisie défendus par le gouvernement Sarkozy mais qui sont de même nature,

    • une fixation sur l’identité nationale pouvant aller jusqu’à la revendication de la pureté de la race.

     

    Ce corpus n’est pas nouveau4. Aujourd’hui, la place donnée à ces questions par le président Sarkozy a de quoi inquiéter et montre la convergence trouble entre les idées de l’extrême droite et la politique menée par l’actuel gouvernement français, ce qui fait dire à certains observateurs que l’on est entré dans une période de « fascisme mou ».

    • Au niveau des institutions politiques :

    • une dénonciation des partis traditionnels (la bande des 4 fustigée par J.M Le Pen),

    • une utilisation plus étendue du référendum prenant le pas sur le fonctionnement de l’actuelle démocratie représentative qui est une autre version de l’anti-parlementarisme des anciennes ligues d’extrême droite,

    • une présidentialisation accrue du pouvoir.

    • au niveau économique :

    • la mise en place d’une politique économique ultra libérale a cédé le pas, en tout cas en France, à une politique économique plus favorable à des mesures devant répondre aux revendications sociales d’une base électorale qui est devenue plus populaire,

    • la remise en cause traditionnelle de l’intervention de l’Etat et de sa fonction redistributive a été également revue, l’Etat devenant garant d’une politique économique plus protectrice des travailleurs français,

    • une opposition à la mondialisation, doublée en France par un protectionnisme économique et social, qui conduit le Front National à revendiquer la préférence nationale,

    • une dénonciation de l’intégration européenne, point de vue qui n’est pas partagé par l’ensemble de ces partis en Europe.

    Si ces partis ont dans une très large mesure coupé les liens avec la violence et l’activisme – même si la culture de certains de leurs cadres s’oppose à cette « évolution » - c’est bien parce qu’ils ont pris conscience des difficultés à conquérir seuls le pouvoir et qu’ils ont défini une autre stratégie d’accès aux affaires devant leur permettre, avec la formation de coalitions de gouvernement, d’appliquer tout ou partie de leur programme.

    A cet égard, en Autriche, le parcours de Jorg Haïder est significatif. Premier ministre de 2000 à 2002, il a gouverné avec le concours des conservateurs chrétiens, grâce à une coalition dirigée par son parti le FPÖ (Freiheitliche Parteï Österreichs) issu du VdU qui dans l’immédiate après-guerre avait recyclé d’anciens nazis.

    Il serait cependant dangereux de croire que ces partis vont tous s’insérer sans arrière-pensées dans un jeu démocratique que parfois ils continuent à dénoncer et connaître la même mutation que l’« Alliance Nationale » que Gianfranco Fini, dès 1994, en Italie, a totalement transformée : anciennement MSI, parti directement héritier du fascisme italien, l’« Alliance Nationale » s’est muée en parti de type présidentialiste et conservateur, proche des milieux atlantistes, réalisation la plus achevée d’une pseudo-évolution qui n’est autre que le résultat d’un opportunisme sans limites du président de l’« Alliance Nationale ».

    EN FRANCE, LE CAS DU FRONT NATIONAL

    Compter sur une transformation de l’extrême droite relève bien d’une dangereuse illusion qu’il est urgent de dissiper, le noyau dur de l’idéologie n’étant pas toujours remis en question.

    En France, pareille illusion est parfois entretenue sur le Front National, surtout depuis la transmission familiale du pouvoir. Les infléchissements du discours de ce parti, certains d’ordre purement tactique, doivent être pris en compte. La mise à l’écart d’anciens cadres liés à l’extrême droite traditionnelle mérite d’être analysée. Issus de la collaboration, des milieux poujadistes, nostalgiques de l’Algérie française, chrétiens traditionalistes, anciens militants des mouvements « Occident », « Ordre nouveau » ou du GUD, négationnistes…, leur influence est moindre, même si leurs idées continuent à structurer l’esprit des militants du FN. L’arrivée d’une nouvelle génération ne rend pas moins dangereuse cette extrême droite qui ne craint plus, à l’instar de Marine Le Pen, de porter un intérêt accru aux questions de société et qui n’hésite plus à parler des valeurs de la République, du droit des femmes ou de laïcité et d’écologie, toutes choses impensables il y a quelques années.

    Résultat d’un processus auquel il n’a pas été toujours porté attention, cette « mutation » doit nous amener à renouveler nos analyses, sous peine de ne pas saisir les transformations que connaît le Front National.

    Même s’il faut aller à contre-courant de certaines idées reçues le concernant, il est nécessaire, pour mieux le combattre, de prendre conscience qu’un certain nombre de cartes ont été rebattues : ainsi en est-il par exemple de l’antisémitisme traditionnel de l’extrême droite qui dans de nombreux cas s’est transformé –islamophobie oblige- en soutien à la politique agressive de l’Etat d’Israël, voire en justification du sionisme.

    Il en va de même avec l’évolution dans le domaine économique où le FN doit satisfaire les attentes de son électorat populaire.

    Il est également nécessaire de tenir compte des changements sociologiques de l’électorat du FN qu’on estime plus jeune, plus populaire et plus féminin qu’auparavant.

    Aujourd’hui, il s’agit, pour les antiracistes, de renouveler leur approche du racisme véhiculé par le Front National, dans lequel la colonisation ou la guerre d’Algérie cèdent le pas à des arguments plus culturels de type guerre des civilisations. Le racisme biologique perd également du terrain devant les démentis de la Science, même si des résistances tentent de mettre en doute les acquis scientifiques. Ce racisme de type culturaliste est tout aussi dangereux et condamnable et mérite une réponse plus franche et mieux ciblée.

    D’autre part, alors que le Front National est en train d’abandonner, de façon réelle ou tactique, ses références les plus condamnables à la violence, au nazisme et à l’antisémitisme qui en faisaient un épouvantail facile à dénoncer, le développement et la radicalisation de groupes d’extrême droite qui ne se reconnaissent plus dans son discours et qui peuvent être tentés par un passage à l’acte violent ou au terrorisme est un danger qu’il ne faut pas sous-estimer.

    En relation plus directe avec les événements d’Oslo, il nous faut également trouver les solutions les plus efficaces pour lutter contre la propagande des groupes néo-nazis sur Internet et leurs discours violemment islamophobes, sans pour autant mettre en péril l’existence même de cet outil d’expression démocratique.5

    RECOMPOSITION POLITIQUE DE L’EXTREME DROITE EN FRANCE

    Si le Front National voit son poids électoral grandir jusqu’à faire peser une hypothèque sérieuse sur les prochaines élections, réduire l’extrême droite à la seule existence de ce parti est une erreur à éviter. Il existe une nébuleuse extrême droite composée d’anciens partis ou mouvements - PFN, 6 FANE 7, Occident …- qui n’ont cessé de scissionner, de se restructurer en partis ou groupuscules qui, s’ils restent souvent confidentiels, n’en existent pas moins. Ils forment en quelque sorte le noyau dur de l’extrême droite et essaient d’exister en marge ou en opposition au Front National.

    Ainsi, le PdF (Parti de France) de Carl Lang, la Nouvelle Droite Populaire (NDP) de Roland Hélie et Robert Spieler, et le MNR (Mouvement National Républicain) de Bruno Mégret s’opposent-ils à la candidature de Marine Le Pen qu’ils considèrent comme n’appartenant plus à la Droite Nationale, d’où leur projet de monter une confédération (Comité de liaison de la résistance nationale), structure politique pour être présents à la Présidentielle et aux Législatives de 2012.8

    Jacques Bompard, qui a participé à la création du Front National, ancien maire d’Orange, actuel président de la Ligue du Sud, et qui en 2010 avait fait alliance avec le Bloc Identitaire lors des Régionales, pourrait rejoindre cette confédération à laquelle participe l’Oeuvre Française de Pierre Sidos et le journal « Rivarol »

    Outre l’ambition personnelle de certains responsables de ces formations dont certains ont été directement liés au FN et qui ont du mal à accepter ses nouvelles orientations, se dessine les contours d’une extrême droite toujours prête à se manifester. Sans exagérer son importance, cette extrême droite est encore loin de faire son aggiornamento.

    DES CONVERGENCES CONTRE NATURE...

    Le fait que l’extrême droite ait pu attirer à elle, jusqu’à en faire ses candidats lors des dernières élections cantonales, un responsable syndical CGT, secrétaire des communaux de Nilvange dans le département de la Moselle, ancien militant de Lutte Ouvrière et du NPA et une déléguée régionale de FO montre que le Front National entend se développer dans les classes populaires et le monde du travail.

    Même si les directions syndicales ont fermement réagi, la CGT déclarant que « les idées du FN n’ont pas leur place à la CGT », ces affaires sont significatives de cette période de malaise et de confusion dont le Front National entend tirer profit ; même si ce ne sont que des faits isolés, ils ont valeur de symbole et doivent interpeller une gauche incapable de répondre aux aspirations populaires.

    L’opposition à la mondialisation que l’extrême droite traduit par un nationalisme étroit et xénophobe, la priorité pour les travailleurs français et une islamophobie qui s’exprime sous couvert de laïcité sont des éléments de nature à faciliter des rapprochements entre l’extrême droite et des travailleurs qui ont perdu confiance en des responsables politiques en charge des affaires et qui continueraient à se laisser dicter la loi par la spéculation et les marchés. A ce stade, la crise s’accentuant, et même si cela reste impensable, un espace politique serait donné à une alliance de type « rouge-brun ». C’est une éventualité que l’on ne peut balayer d’un revers de main.

    Tout aussi dangereux et nocifs apparaissent les dérapages de certains élus de gauche. Les déclarations scandaleuses de Georges Frêche traitant les harkis de « sous-hommes » ou de Manuel Valls qui demandait qu’on rajoute « quelques blancs, quelques white, quelques blancos » aux participants à une brocante à Evry, ville dont il est maire, celles plus soft de certains responsables d’une gauche qui aspire au pouvoir, ne font que donner légitimité au Front National . Condamnables sur le terrain du racisme, ces propos le sont également sur le terrain politique.

    Aujourd’hui, nombre de questions économiques, sociales et sociétales qui sont posées nécessitent des réponses d'une grande clarté qui ne peuvent être toujours différées et courir après le Front National ne sert à rien. La lecture ethnique de problèmes éminemment politiques ou économiques ne peut mener que dans l’impasse.

    EXTREME DROITE ET DROITE EXTREME

    Si certaines mesures préconisées ou mises en œuvre par le gouvernement ont pu l’être pour des raisons purement électoralistes – quoique la xénophobie d’Etat qui représente un des traits marquants de la politique sarkozyenne ait été un élément structurant et pas simplement de circonstance - les députés de la majorité regroupés dans la Droite Populaire 9, parmi lesquels Lionnel Luca , député des Alpes Maritimes, Thierry Mariani, actuel secrétaire d’Etat aux Transports ou bien Eric Raoult, ancien ministre chargé de l’Intégration et de la lutte contre les discriminations (!) partagent quant à eux de façon flagrante les idées du Front National.

    Représentant l’aile dure de la majorité, ces ultras, comme l’indique leur plate-forme signée par 42 députés, défendent les valeurs de Nation et de Patriotisme dans une Europe fondée sur les peuples.

    Poussant plus avant leur proximité idéologique avec le programme du FN, certains n’hésitent pas à poser la question de la préférence nationale pour l’attribution des logements sociaux ou vont jusqu’à vouloir initier un débat sur la question du droit du sol et du droit du sang.

    Avec leur volonté de rétablir la peine de mort, ils se rapprochent encore davantage du Front National, si bien que, pour certains observateurs, ils sont des sous-marins frontistes ouvrant la voie à une alliance UMP/FN, alors que pour d’autres, leur discours musclé vise d’abord à assurer leur réélection en coupant l’herbe sous les pieds d’éventuels rivaux frontistes.

    L’appartenance à la droite parlementaire dans le cas présent ou les liens entretenus avec elle font qu’un certain nombre de partis ou de mouvements, de façon quelque peu fictionnelle, et par euphémisation, sont classés sous la dénomination « droite extrême ».

    C’est le cas du MPF (Mouvement pour la France) créé par Philippe de Villiers. Parti souverainiste, il partage nombre d’idées avec le Front National si bien qu’en 2006, Jean Marie Le Pen lui proposera une alliance (il la refusera).

    Egalement partisan d’une Europe des Peuples et des Cultures, il rejette la supranationalité, pour lui, c’est « à partir des peuples et des nations qu’il faut refonder l' Europe et les relations internationales ».

    Défenseur de la famille, de la souveraineté et de l’identité de la France, Philippe de Villiers, en 2005, se présentera comme candidat du patriotisme populaire, dénonçant dès cette époque l’islamisation de la France et l’islamisme comme terreau du terrorisme.

    Durant l’été 2009, il rejoindra à titre personnel le Comité de liaison de la majorité présidentielle qui regroupe les partis alliés de l’UMP – retour au bercail de celui qui participa comme Secrétaire d’Etat, dans les années 1986-87, au gouvernement Chirac ou nouvelle preuve de la collusion de la majorité avec la « droite extrême »…

    Le CNIP (Centre National des Indépendants et Paysans) dont Jean Marie Le Pen fut député de 1958 à 62, fait également partie de cette mouvance « droite extrême ». Avec le MPF de Philippe de Villiers, il présentera des listes communes aux législatives de 1997 sous l’étiquette LDI (La Droite Indépendante).

    Membre fondateur de l’UMP, le CNIP, comme le MPF, a toujours entretenu des liens avec la droite « classique ». Ces deux partis - par bien des aspects de leurs programmes, proches de l’extrême droite et du FN et par ailleurs en relation avec l’UMP - jouent un rôle important de passerelle et dans le recyclage ou le « transfert » de responsables entre ces deux pôles de la droite, sans commune mesure avec leur peu de poids électoral et militant actuel.

    CRISE ECONOMIQUE ET CRISE DE CIVILISATION

    Suite aux attentats du 11 septembre, la machine mise en marche aux Etats-Unis par les conservateurs a été un véritable rouleau compresseur idéologique. En Europe, leur discours faisant référence à une guerre des civilisations a été relayé par de larges secteurs de la classe politique prête à stigmatiser l’islam pour toutes sortes de raisons. Cela a créé un climat propice au développement des idées de l’extrême droite qui a vu son influence renforcée.

    Bien que les « révolutions arabes » de cette dernière période aient clairement démenti la thèse de la « guerre des civilisations », l’islamophobie demeure, et l’idée que les musulmans, nouveaux boucs-émissaires des sociétés occidentales en « crise de sens », en sont la cause ne fait que rendre plus crédible le Front National. A ce jeu, les responsabilités sont largement partagées, même par certains qui se veulent combattre sans concessions le Front National.

    Cette « crise de civilisation » est doublée d’une crise économique qui en est en partie également l’explication. Et comme c’est souvent le cas, aujourd’hui, l’extrême droite doit son développement d’un côté à la persistance de la crise qui ne fait que s’accentuer, et de l’autre à l’incapacité de la gauche à rompre avec le libéralisme économique.

    En se conformant aux lois du marché lorsqu’elle s’est retrouvée au pouvoir, la gauche «gestionnaire » parce qu’elle a accepté le discours dominant et n’offre plus de solution ou de réelles perspectives de changement, porte une lourde responsabilité car c’est dans cet espace laissé vide que le FN s’est engagé.

    A cela s’ajoute la chasse aux électeurs sur les terres du Front National à laquelle s’est livré le Président Sarkozy et qui n’a fait que rendre plus audibles et acceptables les idées du Front National. De même est rendue encore plus floue la ligne de démarcation entre une certaine droite et l’extrême droite et moins étanche « le cordon sanitaire » contre le FN qui va au delà du problème uniquement électoral du désistement républicain dès lors que des partis de droite partagent les mêmes idées que l’extrême droite et seraient prêts à passer des accords avec elle si le FN devenait le pilier d’une coalition. En cela, autant que les résultats de la présidentielle, les résultats des législatives auront une grande importance.

    « RESISTIBLE ASCENSION »

    Tous ces facteurs expliquent la « Résistible ascension » de l’extrême droite ; c’est sur tous ces facteurs- économiques, politiques, idéologiques- qu’il faut agir pour lui faire durablement échec, sans trop se faire d’illusions sur la volonté politique des grands « partis de gouvernement » d’établir une égalité entre tous les résidents et de réellement mettre en œuvre les réformes nécessaires à cette fin, en particulier .pour faire cesser toute une série de discriminations concernant l’éducation, le logement, le travail …qui établissent une différence entre Français et non-Français, citoyens européens ou extra-européens mais également entre Français mêmes selon leur origine ou leur mode de vie comme c’est le cas pour les Gens du Voyage.

    Même si aujourd’hui, le Front National et la droite extrême font peser une menace sur l’avenir dont il nous faut prioritairement lever l’hypothèque, ramener le problème de l’extrême droite à la seule question du FN serait une erreur à moins de cantonner l’extrême droite à une seule et unique dimension électorale.

    La perméabilité de la population aux thèses du FN, le fait que si le FN n’est pas au pouvoir ses idées le sont déjà posent question. Il nous faut sortir coûte que coûte du piège d’une lecture ethnique des problèmes et proposer des solutions qui au-delà des appartenances communautaires s’appuient sur les solidarités de classe et le sentiment d’une même appartenance à un monde commun que les responsables politiques ont pour devoir de traduire dans l’espace économique et social mais aussi au niveau politique avec le droit de vote accordé à tous les résidents en France après trente ans de promesses jamais tenues !

    L’existence de nombreux groupuscules et mouvements radicaux qui se revendiquent d’une mouvance identitaire à vocation plus ou moins régionaliste et qui tentent de s’unir au niveau national mais aussi européen représente à terme un danger qu’il faut prendre en compte d’autant plus que ces groupes ont mis en place un maillage serré de la Toile et font preuve d’un activisme sur tous les fronts, y compris dans le domaine des idées.

    Si aujourd’hui leurs résultats électoraux n’en font pas une menace clairement identifiable, ce serait une erreur de négliger leur influence idéologique. Il faut éviter de sous-estimer un adversaire et dans le combat contre l’extrême droite les adversaires sont nombreux.

    Enfin, au plan des idées, abandonner un tant soit peu le terrain idéologique et l’initiative à l’extrême droite ou à la droite extrême, ne peut que conforter leur influence sur une politique gouvernementale marquée dès l’origine par des sympathies envers certaines idées que ces mouvements véhiculent. Leur laisser le soin de dicter leur propre agenda sur des sujets aussi sensibles pour le type de société qu’ils déterminent pour l’avenir ne peut que les encourager à poursuivre. Il est encore temps de mettre un terme aux reculs ou aux concessions qui expliquent en partie l’influence de l’extrême droite et de définir les conditions pour l’établissement d’une société plus juste, plus fraternelle et plus solidaire, ouverte sur le monde. Cela relève de la compétence des partis. A l’approche des élections, il n’est peut-être pas inutile de le rappeler.

     

    A & Y

    MRAP Menton

    1 Le bloc identitaire, organisateur des Assises contre l’islamisation de l’Europe, c’est surtout fait connaître médiatiquement par l’« apéro-saucisson-pinard » organisé le 18 juin 2010 avec Riposte Laïque. Auparavant, sa branche niçoise avait organisé des « soupes au cochon » pour les SDF de Nice.

    2 Les hooligans, présents dans toute l’Europe se manifestent violemment surtout à l’occasion des rencontres de football au cours desquelles le stade est utilisé pour leurs démonstrations de masse et afficher une xénophobie virulente, des sympathies très marquées pour le nazisme pour les plus ultras.

    Leur racisme évolue de plus en plus d’un discours basé sur la supériorité de la race blanche à celle de sa disparition en raison du métissage.

    Cette mutation, due en partie à l’infiltration par les groupuscules d’extrême droite qui cherchent à politiser les groupes de supporters les plus violents, n’est pas toujours prise en compte, le problème étant surtout circonscrit à celui des violences physiques et à celui du maintien de l’ordre.

    3 Les skinheads fachoïdes surnommés par les autres skins « boneheads » professent des idées qui les rattachent souvent à l’idéologie nazie. La branche parisienne, le « Klan » a été dirigée, dans les années 80, par Serge Ayoub, militant d’une droite révolutionnaire et nationaliste qui en octobre 2010 a lancé le réseau syndical « Troisième voie pour une avant-garde solidariste » qui dénonce les mondialistes et les capitalistes comme ennemis de la nation française et de ses travailleurs.

    4 Dans les années 70, les idéologues du GRECE (Groupement de recherches pour la Civilisation européenne) plus connu sous le vocable de « Nouvelle Droite » comme Alain de Benoist ou des journaux comme le « Figaro Magazine » et son directeur et éditorialiste de choc Louis Pauwels mettaient déjà très fortement l’accent sur ces questions, agitant les mêmes peurs, les mêmes fantasmes la couverture du numéro 26 octobre 1985 du « Figaro Magazine » illustrée par une Marianne voilée allait même jusqu’à demander « Serons-nous encore français dans trente ans ? », fantasme que le Nouvel Observateur reprendra en1989. Auparavant, lors des grèves dans l’automobile aux usines Talbot de Poissy en 1984, la gauche allait jusqu’à dénoncer la politisation des immigrés présentés comme des provocateurs, hostiles aux intérêts de la société française …

    5 Sur le racisme sur Internet, cf. le rapport du MRAP paru dans Différences-La Revue (www.differences-larevue.org)

    6 De 1974 à 1984, le parti des Forces nouvelles (PFN), fondé entre autres par les dirigeants du mouvement Ordre Nouveau qui avait été dissous, avait pour projet de rénover la droite nationale. Proche du GRECE, il a participé avec le MSI et Forza Nueva au lancement de l’Eurodroite. Ennemi du mondialisme dont les deux faces étaient pour lui l’internationalisme communiste et le libéralisme apatride, il sera concurrencé dans les années 80 par le Front National.

    7 Fédération d’action nationale et européenne, groupuscule néo-nazi, national-socialiste qui a fait partie du FN en 1976.

    8 Une alliance électorale avait déjà eu lieu pour les Européennes en 2009 entre le PdF le MNR et la NDP En 2010, pour les Régionales, cette alliance se maintiendra en Franche-Comté, Lorraine, Picardie et PACA. En Lorraine, Annick Martin (Secrétaire générale du MNR ) qui conduisait la liste « Non aux minarets » a obtenu 3% des suffrages.

     

    9 A ne pas confondre avec la Nouvelle Droite Populaire (NDP), parti d’extrême droite de la mouvance nationaliste et identitaire créé en 2008 par Robert Spieler fondateur d’« Alsace d’abord » et qui outre ses attaques contre l’islamisation de la France et de l’Europe, contre le mondialisme, a pour objectif la défense des identités régionales, nationales et européennes, et la constitution d’une Europe fidèle à ses racines helléniques, celtiques et chrétiennes. La revue Synthèse nationale étroitement liée à la NDP tente de rapprocher les différents mouvements de la mouvance identitaire et organise chaque année des journées nationalistes regroupant de nombreux responsables de mouvements identitaires européens

     

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