Le pape, ses évêques et ses curés font la une des médias. Chaque jour des témoignages de victimes sortent de l’ombre pour être étalés au grand jour. Hier, sujet tabou, les crimes de pédophilie sortent enfin de la nuit après des années de vie gâchée, de faits cachés, pour des milliers de victimes qui osent enfin s'exprimer. La possibilité d'être écouté, d'être pris au sérieux est une thérapie indispensable pour soigner leurs blessures physiques et morales.
Mais combien de ces crimes resteront à jamais dans les ténèbres, impunis faute de preuves, de pudeur, de honte de le dire et de prescription légale. Certains ont enfoui à jamais leurs flétrissures au fin fond de leur mémoire. Est-il vraiment nécessaire de raviver ces stigmates ? De faire les choux gras de l’information, souvent à sensation ? Livrer le récit de ces actes répréhensibles à la vindicte populaire est nécessaire. Les enfants vont questionner leurs parents, en espérant qu’eux-mêmes abordent franchement la question et mettent en garde leur progéniture sur ces pratiques abominables, demeurées trop longtemps un sujet tabou. L’acte de pédophilie est rendu possible à cause du non-dit, du mensonge, d’un manque de franchise et de communication envers les jeunes. Les parents, les enseignants ont une grande part de responsabilité.
Pour excuser l’Eglise, d’aucuns prétendent avec raison que ces crimes ont également lieu en milieu laïque, au sein même de la famille aussi. Mais que je sache, les crimes de cet ordre sont plutôt rares au sein de congrégations religieuses issues du protestantisme ou d'autres religions. C'est bien la preuve que le vœu de chasteté, cette obligation contre nature imposée par l'Eglise, est directement lié à la pratique de ces actes monstrueux.
Voici ma petite histoire qui aurait pu mal tourner. A 15 ans, j’étais soliste dans un cœur d’enfant. Durant les répétitions d’un festival, une allégorie paysanne où se produisaient des musiciens, des danseurs et des chanteurs, j’ai fait la connaissance d’un ténor très connu à l’époque. Il n’avait de cesse de me féliciter pour ma voix d’archange… s’asseyait à mes cotés au moment des pauses et alla jusqu’à me caresser la cuisse. Il rencontra ma mère au cours d’un dîner à la maison pour l’inciter à ce que je poursuive mes études de chant au conservatoire où il professait, d’ailleurs. Ma mère compris de suite ses intentions malsaines et me mis aussitôt en garde. Inutile de dire que je pris mes distances avec ce charmant monsieur durant la dizaine de jours que dura le spectacle.
J’ai été pressenti pour interpréter le rôle de soprano l’année suivante lors d’une fête grandiose, celle des vignerons, qui a lieu tous les vingt-cinq ans. Entre-temps, j’avais perdu ma voix cristalline. A la deuxième représentation, mon remplaçant, un gosse de 14 ans, a été victime de ce « charmant monsieur » qui lui aussi tenait la vedette. Celle de la presse en particulier qui relata le scandale. Le pédophile-chanteur fut remplacé sur le champ et alla croupir en prison.