Le temps a voulu changer. Son humeur maussade, son tempérament désagréable et la froideur de ses répliques hivernales ont maintenu les gens du pays chez eux. Ils ne sortaient plus, confinés devant leur cheminée ils brûlaient des bûches, un verre d'eau de vie du grand père dans la main pour que leur sang ne gèle pas. Mais le temps est comme tout le monde, il a parfois besoin de compagnie. Alors il a ouvert son armoire et en a retiré son joli bermuda bleu ciel. Il s'est parfumé aux essences de roses et s'est contemplé dans un lac de montagne. Mince, qu'est-ce qu'il faisait beau ! Ensuite, tout rayonnant, il a allumé son soleil qui était resté au garage pendant des mois. Il n'a pas attendu le préchauffage, l'astre avait hâte de partir à la recherche de son temps perdu. Puis il a inséré son disque de chants d'oiseaux dans le poste de son soleil toutes options, et, volume à fond, il est parti à toute berzingue pour éteindre les cheminées qui fumaient encore sur les toits de nos maisons.
En bas, les gens se dirent qu'il était temps de sortir. Les hommes politiques, voyant que le beau temps avait ramené la joie chez tant de gens, se dirent qu'il était grand temps d'allonger le temps de travail. C'est vrai, puisque le temps que l'on passe sur terre est plus long, le temps venu, le temps de travail s'allongera de quelques années de plus. Le peuple dit « tant pis ». Il faudra attendre pour prendre son temps.
Le beau temps était détendu. Adossé à la Tour Eiffel, les jambes allongées sur le Champs de Mars, il observait les gens tous contents. Il distinguait des jeunes couples, enlacés sur des bancs, qui prenaient du bon temps. Il vit cependant des personnes de soixante, soixante-cinq ans, qui passaient dans la rue en chantant, ce qui le fit réfléchir à ces temps nouveaux où les personnes de cet âge observeraient le beau temps de leur bureau.
Le temps de travail est rarement estival, se dit-il. Il voudrait bien rendre visite aux travailleurs de temps en temps, mais ils n'ont pas le temps. Alors les chefs le chassent à coup de climatisation. C'est toujours l'hiver dans les usines. Même en été.
Il y a quelques temps déjà, le beau temps pensait que les hommes de cette époque auraient eu plus de temps à eux. Il croyait que des chaînes de constructions sortiraient des robots, capables de travailler à la place des hommes qui ainsi, auraient eu tout le temps pour venir profiter un peu de lui. Au lieu de quoi il entend qu'aujourd'hui des gens se battent pour conserver leur emploi, le labeur auquel ils dédient tant de temps.
Le monde des hommes est mal fait. Si encore le temps qu'ils passaient au travail les épanouissait ! Mais il n'y a qu'à écouter tous ces mécontents, qui ne veulent pas travailler jusqu'à soixante-dix ans ! On leur a affirmé que le travail c'était la santé, mais au bout de quarante annuités, si c'était vrai, on ne mourrait jamais !
A la pensée de voir les gens travailler plus longtemps, le beau temps nous a quitté. N'oubliez pas, le temps est comme tout le monde ! Tant est si bien qu'il est reparti chez lui, avec son bermuda bleu ciel et son soleil tout équipé, bien décidé à faire comme les gens d'en bas et à retarder le départ de l'été de quelques journées.