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Billet de blog 26 février 2012

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Vladimir Cosma, du soleil en musique

Vladimir Cosma joue de sa voix. Depuis des lustres, il pourrait ne plus rouler les « r » et donner l’impression de venir à l’instant de quelque Picardie.

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Vladimir Cosma joue de sa voix. Depuis des lustres, il pourrait ne plus rouler les « r » et donner l’impression de venir à l’instant de quelque Picardie. Mais ce serait larguer les amarres de la fidélité, tout à la fois mettre un bémol au plaisir de séduire.

Au physique, un homme aussi large et grand que mince, à la démarche cool, au regard attentif. Il dispose d’une autorité fondée sur la légitimité, l’étendue de son succès, dont il n'abuse pas cependant, soucieux de laisser vivre la rencontre. Au moral, un compositeur extrêmement sentimental, dont le destin n'est pas ordinaire. Imaginez...

Téodor Cosma, pianiste et chef d’orchestre roumain, devient célèbre à Paris durant les années vingt. Par amour pour une championne de natation, le musicien choisit de revenir en son pays natal, quand la guerre éclate. C’est à Bucarest que leur fils, Vladimir, a vu le jour, le 13 avril 1940. Par miracle l’enfant survit à la guerre et, violoniste prodige, donne très tôt des concerts. Téodor, au cours des années cinquante, accompagne les artistes français qui viennent en tournée dans son pays. De relations chaleureuses en reconnaissance du talent, la solidarité permet à Vladimir Cosma de quitter la Roumanie pour Paris, en 1963. Nadia Boulanger, fameuse professeur de composition, se révèle une bonne fée.

«Elle m’a permis de me loger chez elle et prévenu d’emblée qu’elle faisait travailler le contre-point à l’ancienne, se souvient Vladimir. Et c’est ce qui m’intéressait. J’avais écrit déjà différentes œuvres, notamment des pièces d’inspiration dodécaphonique, avec lesquelles j’avais gagné des prix mais qui ne me plaisaient guère ; Nadia Boulanger m’a encouragé à suivre mon penchant pour la musique mélodique, à prolonger une école de composition qui me semblait plus juste». Assez vite aussi, Vladimir Cosma trouve sa place auprès d’un ancien élève de Nadia Boulanger : Michel Legrand. Sollicité de toutes parts, celui qui prépare Les parapluies de Cherbourg avec Jacques Demy travaille à la façon d’un Rembrandt. Vladimir devient indispensable, distribue les marches harmoniques ou  les glissendi de violons, fournit les robes d’un soir à se méprendre- ô saisons, ô châteaux… jusqu’à ce qu’il invente pour Yves Robert la partition complète d’Alexandre le bienheureux.

Cette bande originale mériterait que l’on s’attarde. On devine que le compositeur a donné tout ce qu’il savait faire comme on saisit sa chance ; en même temps, le thème illustrant la course du petit chien pose une pierre angulaire. «J’aime trop la musique pour verser dans la dérision, dit-il. Souvent, pour faire rire le spectateur, certains musiciens utilisaient des effets très lourds. J’ai essayé de trouver une autre voie, celle de l’humour».     

Inutile d’égrener les triomphes populaires qui, de nos jours encore, permettent à Vladimir Cosma de compter parmi les musiciens les plus célèbres. Il vaut mieux suggérer d’écouter sa musique. Parmi les  pépites, qu’il soit permis de formuler des propositions.

Au cœur de La Gloire de mon père, connaissez-vous Le petit Marcel ? On y entend l’un des plus beaux contre-chants de cordes et de flûte. Et le solo d’Eddy Louiss dans Chewing-gum attack, extrait de Rabbi Jacob ? Ouvrez votre cœur à Michel et Salima, tendre ballade écrite pour un improbable P’tit con, dégustez la bouleversante complainte de Salut l’artiste, interprétée par Chet Baker. A ne pas négliger, le blues drolatique pour saxophone soprane dans Le bal des casse-pieds, la valse jazz de Courage fuyons- pour le guitariste Philip Catherine et la marche harmonique ensoleillée des violons-,  le thème de grande ampleur du film La glace et le feu.

La mélodie ne cesse de porter Vladimir Cosma: «Je peux vous expliquer pourquoi le Boléro de Ravel est l’un des plus beaux chants de la musique occidentale : on y trouve une longue phrase qui jamais ne se répète, enrichie d’une complexité rythmique étonnante… les gens doivent comprendre la singularité d’une telle trouvaille, alors qu’il est facile d’épater la galerie avec des compositions abstraites, dénuées de toute référence et que rien ne permet de situer».

Le 24 mars prochain, au théâtre du Châtelet, Vladimir Cosma donnera un concert avec l’orchestre national de Belgique. Un rêve d’enfant qui se prolonge: «Il m’est difficile de ne pas jouer Le grand blond avec une chaussure noire ou  Diva. Mais petit à petit j’introduis quelques nouveautés comme la musique du Distrait». Pierre Richard en orchestre symphonique ?  Il fallait oser, oui, comme une évidence.

Le jour éclate, au loin. Des lignes de fuites à n’en plus finir dessinent des nuages roses, comme les voiles d’été que l’on voyait à Marie-Christine, Annie, Mireille, toutes ces beautés que la musique de Vladimir habillait. Tous au Châtelet pour les revoir, dans leur costume de double-croches et de sourires…

Théâtre du Châtelet, Samedi 24 mars 2012 à 20 heures.  

A écouter : Les bandes originales de Vladimir Cosma, deux coffrets, label Larghetto Music

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