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Billet de blog 8 février 2012

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Le Pen : un discours à la violette à Toulouse

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Marine Le Pen, de passage dans la Ville Rose pour un meeting de campagne le 5 février, a tenu à montrer aux toulousains le nouveau visage du Front National. Pendant près d’1h30 et devant quelques 1800 personnes, elle a tenu un discours qui semblait vouloir coller à la tradition politique locale. Un discours qui tente tout de même de faire avaler ses couleurs.

  par Nicolas Mathé sur www.frituremag.info

La manifestation qui accompagne habituellement chaque déplacement d’un candidat frontiste en terre toulousaine a réuni moins de monde que lors des précédentes campagnes. Si la neige a du refroidir quelques ardeurs, pour les 400 participants, peut-être faut-il y voir le résultat de la dédiabolisation du FN, entamée par l’héritière depuis sa prise de pouvoir. Quoi qu’il en soit, devant un parterre pourtant bien fleuri en drapeaux bleu-blanc-rouges et autres pancartes «  Marine Présidente », la candidate du Front National a visiblement décider d’adapter son discours aux mœurs locales. Dans une ville qui a toujours voté à gauche lors des élections nationales et dont elle ne peut que connaître, via son compagnon le Toulousain Louis Alliot, la tradition de résistance héritée des républicains espagnols, Marine Le Pen s’est présentée en David luttant contre Goliath. Et elle a trouvé dans la presse la meilleure des introductions. Brandissant le Journal Du Dimanche, qui évoquait les conséquences de sa possible absence au premier tour, Marine Le Pen s’est engouffrée dans la brèche parlant du « rêve de la classe politique » qu’elle terrorise. La victimisation n’est jamais tout à fait loin... souvenirs et sketch habituel sur les 500 signatures requises.
Par la suite, et pendant près des deux-tiers de son intervention, sans les allusions incessantes à la souveraineté du peuple français, c’est à un meeting d’extrême gauche que l’on aurait pu croire assister. Quittant son pupitre à loisirs, faisant rire la salle dans une mise en scène théâtrale, elle ne cesse de dénoncer les dérives du capitalisme et s’attaque d’abord au PS, responsable des premières vagues de privatisation, puis à Nicolas Sarkozy (l’ordre n’est pas anodin), ce « profiteur de la République », « jouisseur sans entraves, vulgaire et agressif  ». Bref, face à ces «  hommes esclaves » qui ont soumis le peuple aux marchés, elle se présente en «  femme libre ». Et même quand la descendante en vient au thème fétiche du Front National, la sécurité, c’est au nom des libertés individuelles qu’elle entend rétablir l’ordre.

Dans un registre moins agressif que d’ordinaire toutefois, elle explique que « les meilleures intentions du monde, l’accompagnement, l’éducation, ne peuvent pas tout » et propose par exemple la création d’une injonction civile qui empêcherait les « voyous » de revenir sur les lieux de leur crime. Torrents d’acclamation dans la salle. Alors que d’ordinaire l’immigration n’est jamais loin de l’insécurité dans la rhétorique frontiste, ici, pas un mot sur le sujet. Pour ce meeting toulousain, la candidate insistera sur la dimension économique (délocalisations, « salariés jetables »). Une insécurité « voulue » telle une «  prison qui étouffe les velléités de revendication ». L’ambiance monte peu à peu, le discours se muscle et Marine ne quitte plus son pupitre pour enfin aborder l’identité nationale et haranguer l’audience à «  ne plus culpabiliser de notre chauvinisme », mot qu’elle préfère désormais à nationalisme. Le meeting se conclut comme d’habitude par une Marseillaise enflammée, mais décidément, le Front National a changé de visage, lifté à la violette. Dehors, la neige a recouvert la ville d’un uniforme tapis blanc...

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