ISLAMOPHOBIE

ISLAMOPHOBIE
En 1985, sur une des affiches du Front National, on pouvait lire la phrase suivante : " Dans vingt ans, la France sera une république islamique"Vingt ans après, la France n'est toujours pas une république islamique, le Front National est toujours aussi fort. Le racisme ordinaire se porte bien, des maghrébins continuent à subir des discriminations pour l'accès au logement, pour l'accès à l'emploi et pour l'accès aux boites de nuits. Vingt ans après, des français continuent à voter Le Pen simplement pour qu'un arabe ne vienne pas s'installer près de chez eux.Vingt ans après, le Maghrébin l’Arabe le musulman-le Nord Africain l’étranger est toujours celui qu'on désigne quand ça va mal ou quand on croit que ça va vraiment mal.
Rien de nouveau, sauf que depuis quelques temps ou plus précisément depuis l'écroulement des tours jumelles de New York, une nouvelle forme de racisme s'est développée en France. Ses portes parole ne se recrutent pas seulement chez les fascistes du Front National, mais on les trouve dans toutes les classes politiques de gauche comme de droite, chez des intellectuels de renom invités permanents des plateaux des émissions de télévision et de radio. Ils écrivent aussi dans Marianne, dans Le Nouvel Obs., dans Libération et dans Le MondeDepuis le 11 septembre 2001, les musulmans font l'objet d'une compagne de racisme, de haine, de diabolisation et de diffamation sans précèdent dans l'histoire de la France de l'après guerre.Pas une semaine ne se passe sans qu'un éditorial, un article, une émission de télévision ou de radio ne se pose la question de savoir si l'islam est un danger pour la République, si l'islam est soluble dans la République ou si on doit avoir peur de l'islam . L'Express n'hésita pas à titrer en couverture : " Islam, ce qu'on n'ose pas dire . " On laisse entendre que la religion de l'Islam serait à part, et qu'il serait naïf de la considérer au même titre que les autres religions. Certains journalistes émettent des doutes sur la loyauté des musulmans à la République. Tous les jours, les médias présentent de nouvelles pièces à conviction au procès de l'islam. Un exemple : le mardi 15 octobre 2002, l'essentiel du journal de France2 est consacré au danger islamique qui guette l'occident. David Pujadas n'y consacre pas moins de 25 minutes pour être tout à fait complet sur ce sujet. De Bali, à Karachi en passant par Israël, au procès des islamistes à Paris, tout est fait pour que le téléspectateur français ressente la peur et comprenne bien que le danger est partout y compris près de chez lui (reportage sur les jeunes musulmans français d'une école coranique au Pakistan).Quand il s'agit de la communauté musulmane, diffuser ce genre de programmes ne pose aucun problème de conscience aux journalistes. Alors que depuis presque deux ans, les mêmes journalistes censurent des images de la répression israélienne en Palestine, sous prétexte que leur diffusion encouragerait l’antisémitisme. Le premier avril dernier, ARTE a, sous la pression des défenseurs de Sharon, déprogrammé au dernier moment, le film témoignage sur les crimes de guerre commis par Israël au camp de Jénine.La raison officielle évoquée est que la diffusion de ce type de programme augmente les tensions entre communautés. Mais la diffusion par toutes les chaînes de télévision des images des islamistes fous talibans entrain d'exécuter des femmes dans un stade, n'est pas de nature à encourager le racisme anti-musulman. Pour les journalistes, il s'agit d'informer les téléspectateurs. Deux poids, deux mesures. Les mêmes logiques ne produisent pas forcement les mêmes effets sur nos journalistes.
L'islamo phobie fait vendre, toute publication et tout écrit anti-musulman fait systématiquement l'objet d'une médiatisation débordante. Son auteur devient aussitôt une star médiatique invitée dans toutes les émissions de radio et de télévision Ainsi, " La rage et l'orgueil ", l'ouvrage raciste de l'italienne Oriana Fallaci, a bénéficié d'une large couverture médiatique. Les journaux en ont publié de larges extraits. Ce livre a fait l'objet de tous les éloges. La presse de droite comme de gauche salua le courage de l'écrivain qui " ose s'attaquer à l'islam ". Et s'indigna même que quelques personnes puissent le critiquer. Les pages d'insultes et de haine anti arabe et anti islamique que contient ce livre n'ont fait l'objet d'aucune condamnation, alors que la violence haineuse des propos est sans équivoqueLa LICRA restera étrangement silencieuse, alors que des militants et des journalistes ont été traînés devant les tribunaux pour incitation à la haine raciale, simplement par ce qu'ils ont osé critiquer la politique criminelle du gouvernement israélien en Palestine. L'écrivain Michel Houllebecq, auteur du roman islamophobe « Plateforme », peut proclamer que "l'islam est la religion la plus con ", il peut traiter les musulmanes de " grosses salopes ". Personne ne condamne, on juge que ces déclarations sont tout simplement extravagantes, et qu'elles relèvent de la liberté d'expression.Il y a tout juste un an, Le Pen, l'homme qui considère que les chambres à gaz sont un détail de l'histoire, accède au deuxième tour de la présidentielle. Le lendemain, le tonitruant président du CRIF, Roger Cukierman, déclare dans le journal israélien Haaretz que " le succès de Le Pen est un message aux musulmans de se tenir tranquilles, parce qu'il s'est toujours opposé à l'immigration musulmane ". Il ajoute : " la signification du succès de Le Pen c'est que le prochain gouvernement devra mettre l'accent sur le combat contre toutes les formes de violences… inclus la violence antisémite. " Message reçu cinq sur cinq par le gouvernement de Monsieur Raffarin. Son ministre philosophe Luc Ferry le confirme dans une interview au journal Le Monde : il désigne la communauté musulmane comme responsable des actes antisémites en France.Ainsi les musulmans ne sont pas seulement responsables de l'insécurité, du chômage et du trou de la sécurité sociale. Si " le ciel de France s'est noirci par la fumée des synagogues qui brûlent " (déclaration de Elie Wiesel, prix Nobel de la paix), " si le sol de France est maculé du sang des juifs lynchés dans les manifestations pro palestiniennes " (relevé dans un texte commun de P Bruckner, A Glucksmann et R Goupil publié dans le monde en avril 2003), c'est parce que " les jeunes musulmans sont abreuvés de haine et d'antisémitisme ".Personne ne peut nier que des juifs aient été agressés- il y a une différence entre l'agression, le lynchage et le meurtre -, ni le fait que quelques écoles ou lieux de cultes juifs aient été attaqués ou incendiés, mais l'origine de ces actes reste à ce jour inconnue. La police n'a toujours pas mis la main sur les responsables des actes antisémites les plus importants. Il est vrai qu'ils sont souvent le fait d'hommes en cagoules, mais qui n'oublient jamais de ponctuer leurs attaques par les cris de Allah Akbar , histoire d'aider les victimes à apporter plus de précision sur la religion de leurs agresseurs quand elles porteront plainteUn intellectuel expliquait dernièrement sur France Inter, que la recrudescence des actes antisémites d'origine musulmane n'a rien avoir avec l'Intifada palestinienne, mais que c'est un phénomène endogène. Il ne prononça pas le mot " génétique ", mais les auditeurs ont compris que les musulmans sont antisémites de nature.Dans la manifestation de soutien à Sharon organisé par le CRIF à Paris en avril 2002, il n'y avait pas que des pancartes avec " Sharon, on t'aime ", on pouvait lire également sur des pancartes " Nous, la marseillaise on ne la siffle pas, on la chante » Ce qui peut se traduire ainsi : Nous sommes de bons français, pas les autres .Dans la même manifestation, les groupes fascistes du Betar et de la Ligue de Défense Juive ( cette ligue est interdite en Israel pour incitation à la haine raciale, mais en France, elle est autorisée) organiseront plusieurs ratonnades dont les victimes sont des jeunes arabes dont le seul tort est de passer par hasard près du cortège de la manifestation du CRIF.La presse est restée silencieuse sur ces attaques racistes, comme elle l'a toujours été quand il s'agit d'arabes ou de musulmans attaqués par les extrémistes juifs. Si on doit recenser tous las actes racistes antimusulmans et anti arabes (de l'insulte raciste à l'agression physique en passant par tous les actes de discrimination dans les domaines de l'emploi, du logement et de la vie quotidienne) qui se sont produits dans l'hexagone depuis deux ans, le résultat ne se comptera pas en dizaines, ni en centaines, mais certainement en milliers. Les intellectuels qui s'indignent, à juste titre, dans la presse à chaque fois qu'un juif est agressé, un lieu de culte juif attaqué, restent mystérieusement silencieux quand les victimes sont musulmanes ou arabes.Peu de français savent que depuis le 11 septembre 2001, des dizaines de lieux de culte musulman ont été attaqués. Le dernier en date est l'incendie criminel d'une mosquée à Nancy au mois de mars 2002. Il y a plusieurs mois, dans le nord de la France, un rodéo raciste a fait un mort et plusieurs blessés dans un café fréquenté par des maghrébins. Les médias ont expliqué que le meurtrier avait trop bu ce jour là ! !Le maire socialiste d'une commune de la région parisienne s'acharne depuis quelques temps sur le gérant d'une supérette qui ne vend que des produits Halal, et qui refuse de vendre de l'alcool. Le maire sait bien qu'aucune loi n'impose au gérant d'un commerce de vendre du vin et du jambon, alors il harcèle le gérant musulman de ce commerce en lui envoyant tous les jours des inspecteurs d'hygiène, histoire de lui trouver quelques motifs de fermeturePourquoi les musulmans ne peuvent-ils pas avoir des boutiques et des commerces complètement halal ? Toute la presse française expliqua que le maire socialiste agit par crainte d'un renforcement du communautarisme, D'accord, mais dans ce cas faut- il fermer également les supérettes qui ne vendent que des produits cacher ? Y'aurait-il là encore, deux poids, deux mesures ?Que ça soit pour évoquer l'insécurité, la violence à l'école, les problèmes de banlieue, la question du voile islamique, le proche orient, la guerre en Irak, le terrorisme, tout devient prétexte pour insulter les musulmans et les arabes de France. Sur RMC, les journalistes font entendre, sans les condamner, des messages où l'on traite les Arabes de " Racailles ». On se souvient que le journaliste Daniel. Mermet fut traîné devant un tribunal pour incitation à la haine raciale, simplement pour avoir laisser un auditeur critiquer la politique d'Israel au proche orient. Quand il s'agit de racisme anti arabe ou anti musulman personne ne crie à la haine raciale.Suite à l'arrestation du bagagiste de Roissy accusé à tort d'être un terroriste, plusieurs journaux expliquaient que AL Qu aida recrutent maintenant des musulmans au profil lisse et sans casiers judiciaires, du coup de tous les musulmans deviennent suspectsLes musulmans de France souffrent de l'absence d'une élite politique et intellectuelle capable de faire entendre sa voix. Et ce ne sont pas les dribbles de Zidane où les clowneries de Djamel qui y changeront quelque chose. Seule note d'espoir, le calme et la sérénité avec laquelle cette communauté réagit face à toutes les attaques, les insultes, les mensonges et les diffamations. Peut être une sorte de fatalisme, un mektoub, comme si tout cela faisait partie de l'ordre des choses, comme si tout cela ne les concernait pas forcement. Un calme certainement trompeur, jusqu'à quand (Franz Nouvelobs permanent Septembre 2003)