L'affaire Kerviel démontre comment en France l'instruction se fait avec des enquêtes qui portent sur les faits, mais avec des présupposés qui n'ont pas de véritable fondement juridique. L'instruction se déroule ainsi, avec un lynchage médiatique qui préjuge de la culpabilité, qui est instrumentalisé par la partie civile lorsque celle-ci est un institutionnel et en particulier une banque. La presse, manipulée par les agences de communication, ne se penchent pas sur des problèmes juridiques qui sont pourtant fondamentaux.
Kerviel a été mis en examen sur la base de qualifications dont l'application est plus que discutable. Le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire, confiée à la brigade financière, après la plainte d'un actionnaire pour "escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, complicité et recel". - La banque avait déposé une plainte pour "faux en écritures de banque, usage de faux en écritures de banque et intrusions informatiques
Les qualifications qui avaient été retenues lors de la mise en exament sont"abus de confiance", "faux et usage de faux " et "insertion de fausses données dans un système de traitement autmatisé de données informatiques". L'examen de ces qualifications suscite les plus grandes interrogations, et il est clair que sur le plan juridique les juges d'instruction ne peuvent en aucune manière être considérée comme agissant à décharge sinon il aurait écarté ces qualifications.
Abus de confiance
L’abus de confiance est le délit prévu à l’ article 314-1 du code pénal . Il sanctionne le fait pour une personne de détourner au préjudice d’autrui des fonds (somme d'argent), des valeurs ou un bien mobilier quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.
On cherche vainement quelles sommes auraient été remis à Jérome Kerviel . Le trader salarié d'une banque ne reçoit pas les sommes qui font l'objet de l'opération de trading, elles ne lui sont pas remises et il n'a pas à les restituer. S'agissant de plus d'opérations qui sont des options, il n'y a au moment de l'opération qu'un engagement (d'achat ou de vente), qui implique seulement une prise de risque se dénouant à terme. L'élément fondamental de l'infraction fait défaut. On soulignera d'ailleurs que la banque n'avait pas cru possible de porter plainte pour abus de confiance.
Il convient de rappeler les principes fondamentaux du droit du travail quant à la responsabilité du salarié, et l'on peut s'étonner qu'il n'y ait pas de protestations contre cette tentative de pénalisation d'une éventuelle violation d'instructions données au salarié, dont il est en tout cas indiscutable que l'application n'était pas controlée.
Faux et usage de faux
Le faux et usage de faux est le délit prévu à l'article 444 -1 du code pénal. Il sanctionne " l' altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques." Une opération fictive n'est pas une "altération fictive" de la vérité, c'est d'autant plus évident en matière financière où les opérations en question sont des opérations "dérivées" , dont on la notion de "réalité" est purement ...."fictive", à plus forte raison la réalité.
Par ailleursil n'a jamais été évoqué une volonté de Kerviel de causer un préjudice à son employeur.Les opérations qu'il a faites n'étaient pas pour établir un droit ou un fait à son profit, mais au contraire à celui de son employeur. Les opérations critiquées comme ne constituant pas une couverture par hypothèse n'établissaient pas un droit !
Il convient de souligner que les "opérations fictives" relèvent de la période où les opérations de Kerviel sont bénéficiaires, et où il veut masquer les bénéfices correspondant à "des opérations qui pourraient être qualifiées hors limite". On peut ajouter que ces "opérations fictives" se traduisent par un profit bien réel de 1,4Mds€.
Il n'y a pas d'infraction, et s'il y en avait une la Société Générale serait receleur de 1,4 Mds € correspondant à ces infractions.
Insertion de fausses données dans un système de traitement automatisé de données informatiques
La loi Godfrain du 8 janvier 1988 sanctionne les "instrusions dans un système informatique". L'accès au système informatique n'est pas rendu frauduleux par le fait que l'opération serait "fausse".
Une opération "fictive" n'est pas une "fausse donnée" : c'est en tout cas manifeste en matière d'opérations financières . Il faut à nouveau souligner que les opérations comprenant les "opérations fictives" ont généré 1,4Mds €, dont la "réalité" n'est pas discutée par la Société Générale.
Ce n'est pas parce que Kerviel a fait des "aveux" et cherche maintenant à établir une "complicité" de la banque qu'il faut conclure qu'il y a des délits faisant légitimement l'objet d'une instruction. Il n'y a pas de délit pénal, et s'il y avait des infractions, la Société Générale serait receleur.