24/11/2014, 13:47 | Par Christine GINTZ en réponse au commentaire de Gilles Bouquerel le 24/11/2014 à 12:22
Changer, oui, mais pour quelque chose de mieux, pour un progrès, dans le diagnostic ou la thérapeutique, l'accompagnement, pour une découverte intéressante. Je m'intéresse à toutes les découvertes et à tous les progrès, ceux de la génétique, des neurosciences, ceux que peuvent apporter les théories cognitives ou comportementales, et ceux qu'apporte la psychanalyse. Pourquoi les bouder s'ils peuvent aider des enfants en difficultés? Je n'ai aucun prince à flatter, juste une question à faire avancer pas à pas. Comme le chemin est long tant l'ignorance est grande en ce qui concerne les différentes pathologies regroupées sous le terme d'autisme, toutes les intelligences sont requises.
Les pays qui auraient 40 ans d'avance sur la France ont-ils moins de personnes autistes adultes en souffrance, depuis 40 ans qu'ils font des miracles?
Vous ne comprenez pas, j'évoque simplement un contexte historique, dont j'ai l'impression que vous ne prenez pas la mesure.
Vous évoquez "la psychanalyse", utilisant le même terme générique que les adversaires les plus acharnés de l'idée même de l'esprit dans l'autisme, ne serait-ce que d'un point de vue utilitariste, utilisent pour discréditer tout ce qui est en dehors d'une représentation machinique pseudo biologique. Ça n'existe pas "la psychanalyse", en tout cas dans l'autisme, soit dans sa version démonique, soit dans sa version angélique. Il y a un groupe de gens, secrétés au cours de l' histoire de la psychiatrie française de l'enfant, qui suit elle même en partie celle de la psychiatrie, vite dit l'asile fécondé par Freud/Lacan. J'appellerais ça plutôt la psychiatrie à la française. Il y a des psychanalystes dans le tas, de toutes les nuances, et vous savez qu'il en existe mille pour le moins. Concernant l'autisme, elle s'en tient à la définition historique de Kanner, et crée une palette impressionniste d'autres états, de la psychose aux dysharmonies. Bien oueje !
Bref, si elle s'occupe bien de certains de ces états, ou plutôt pas trop mal, un certain nombre d'autres sont laissées sur le carreau, tout simplement parce qu’ils sont d'un abord délicat et d'un pronostic illusoire. Tout un panneau de ce que recouvre le terme vague de « spectre de l'autisme », on s'en occupe mal, et surtout les Kanner pas intelligents, les autismes syndromiques style X fragile, les bancroches, les autistes vieillis, les stéréo-typiques forcenés ceux qui ne veulent pas entendre parler de vous, de ceux qui comptent bien rester autistes, de 0 à 100 ans, c'est pas pour nous, parce que, parce que, et là d’innombrables raisons sont invoquées à ce désintérêt. La famille n'est pas optimale, elle veut trop, ou pas assez, elle est réticente, elle est opposante, elle est revendicante. Alors on laisse tomber, ce sont « les autres » (je les ai appelé les petites mains), dans des lieux délaissés, qui s'en chargent, ou bien personne. A la maison les Kanner, bien fait pour les parents pas top.
J'exagère ? Pas tant, j'ai eu l’expérience des « hôpitaux de jour » super sélectifs, des refus en cascade, et des familles exsangues et défaites par le parcours du combattant des cas difficiles. Plein la gueule, souvent. Rien à voir avec la psychanalyse, mais parfois habillé de pseudo-psychanalyse ou lacanise, selon. Comprenez, il n'y a pas de fumée sans feu. Pauvres parents, en comprend presque que certains versent dans la paranoia. Et veulent jeter tout ça à la poubelle, et finissent justement par avoir l'oreille du Prince, qui en profite pour dire tout le mal qu'il pense de « la psychanalyse » et ne pas dépenser ses sous.
Le Prince, vous le savezi, écoute qui l'arrange. En ce moment, ce sont les plus anti-système, on coupe métaphoriquement des têtes, on dit beaucoup de mal de « la psychanalyse », ce sont les psy en général. La HAS a précédé, postcédé, fait science, sous les applaudissements nourris. On a presque fait la peau de l'esprit des autistes, les malheureux n'ayant qu'un cerveau, qui les encombre bien, il faut le dire, idem pour leur parents. L'Apsychiatrie marche-t-elle aussi bien que ça, c'est moins sur. Attendons le retour sur les « projets innovants » de l'époque Xavier Bertrand, ça risque d'être instructif, sir les ARS ont le courage de les sortir.
Car ça marche quand même de s'occuper des esprits, même si on nomme ça « apprendre ». Je suis persuadé que les recherches PREAUT le montreront. Il y en a d'autres, dans ce lointain pays dont vous ne prononcez pas le nom, outre océan, qui disent la même chose, et que ne sont pas tous psychanalystes, tant s'en faut. Ils ne sont pas tous non plus dans le comportementalisme effrénés, bien qu'il ne faille nullement mépriser le cadre comportementaliste, robuste quoique rustique, et qui fonctionne comme cadre quand aucun autre ne tient le choc dans l'autisme. Bien entendu, il n'a pas réponse à tout. Mais qui peut s'en vanter. Et quand on s'occupe effectivement des gens, on fait avec ce qu'on a, n'en déplaise aux belles âmes.
Il faut respecter ses ennemis, ses rivaux. Ce ne sont ni des imbéciles, ni des fous, ni des méchants. Il faut étudier ses ennemis et ses rivaux, car, après tout, ce sont eux qui se battent contre vous. Il faut savoir à quelle période historique on se trouve. Encore une fois, les 30 glorieuses de « la psychanalyse » ne reviendront pas de sitôt.
Alors un conseil, lisez Stanley Greenspan. Il était un psychanalyse patenté de l'American Psychoanalytic Association, s'occupait aussi d'autistes (en autre infortunés), a inventé le floortime (le jeu au sol) que nous pratiquons tous avec les jeunes enfants et ne parlait jamais de pulsion , ni de psychanalyse du reste sous cette casquette. Il avait saisi l'air du temps. Je vous conseille le même chemin, comme à tous ceux de notre race.
Alors, leçon n° 1 : je crois dans le spectre de l'autisme, et le reste vient tout simplement.
Leçon 2 : je change ma manière de parler, j'évite de parler par exemple du « diagnostic stigmatisant », j'évite de parler des psychoses (plus personne n'en veut et, anyway, ça ne voulait rien dire)
Leçon 3 : je suis incollable sur les « progrès de la science » en provenance de l'Ouest, et j'écume ce qui se dit, et j'admire comment le consensus autisme s'est constitué là bas, en en voyant les avantages, sans se masquer les impasses. Bref, j'étudie (mais vous me dites que vous vous y êtes attaché), et j'en tire mon miel, aussi.
Leçon 4 : j'espère… Après tout, on va peut être m'accepter.
Il faudra, de plus, ne plus utiliser les Ψ-words (psychanalyse, psychologie, psychisme, psychique, psychologique, psychothérapie etc). En place de Psychiatre, devra-t-on utiliser le mot Enchéphalogue, je m'interroge…… En tout cas, l'achat d'une blouse blanche, d'un stéthoscope et d'une flèche pour pointer les slides colorées de RMNf semble prudent.
Bon courage donc sur la voie de la rédemption.