gilles.sainati (avatar)

gilles.sainati

juriste ayant pour devise Liberté, Egalité, Fraternité,

Abonné·e de Mediapart

140 Billets

1 Éditions

Billet de blog 3 avril 2012

gilles.sainati (avatar)

gilles.sainati

juriste ayant pour devise Liberté, Egalité, Fraternité,

Abonné·e de Mediapart

Brazil languedocien

Lundi 26 mars 2012, un militant défenseur de l’environnement s’est rendu à la mairie de son village vers 18 h, ayant appris que le maire de sa commune, Loupian, avait demandé le déclassement de l’unique zone terrestre Natura 2000 du village. Il a alors entamé une action non violente dans les locaux de l’hôtel de ville en s’enchaînant à la grille d’un puits.

gilles.sainati (avatar)

gilles.sainati

juriste ayant pour devise Liberté, Egalité, Fraternité,

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lundi 26 mars 2012, un militant défenseur de l’environnement s’est rendu à la mairie de son village vers 18 h, ayant appris que le maire de sa commune, Loupian, avait demandé le déclassement de l’unique zone terrestre Natura 2000 du village. Il a alors entamé une action non violente dans les locaux de l’hôtel de ville en s’enchaînant à la grille d’un puits.

 Elus, gendarmes et pompiers se rendent sur place et décident, bien que l’action se déroule dans le calme, de l’hospitalisation d’office du militant par arrêté municipal !

  48 heures plus tard, personne n’a pu communiquer avec ce militant. La municipalité refuse de donner toute information. La gendarmerie indique que l’action troublait l’ordre public et que le militant présentait un danger… pour lui-même 

Aujourd'hui, 2 avril 2012, ce militant est toujours interné à l'hôpital La Colombière à Montpellier car il semble qu'il refuse les barbituriques auxquels certains médecins veulent le soumettre y compris par injection... 

A) L’hospitalisation sans consentement et les pouvoirs du maire

1)Des pouvoirs immédiats illimités:

 L’article L 3213-2 du Code de la Santé Publique issu de la loi du 5 juillet 2011 dispose : En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1.

 Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures.

La période d'observation et de soins initiale mentionnée à l'article L. 3211-2-2 prend effet dès l'entrée en vigueur des mesures provisoires prévues au premier alinéa.

Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures. »

Le maire doit fournir :

a) un certificat médical circonstancié établi par un médecin généraliste ou un psychiatre libéral qui doit 

-  comporter la description de l’état mental du malade et son comportement : agitation, violence, délire,
idées de suicide... 

-  insister sur les éléments cliniques démontrant la nécessité des soins et la dangerosité pour autrui, notamment ses proches, en rappelant l’absence de consentement et l’urgence des soins appropriés. 

 b) L’ arrêté du Maire  doit être motivé (Placement Provisoire d'Urgence) et - comporter le rappel des faits  et viser le certificat médical 

2) Des critères généraux et vagues

Les critères bien sûr tombent sous le sens:  la notion de danger imminent implique la nécessité de réagir dans l’urgence en cas de péril imminent, mais comme il n’y a pas de contre pouvoirs, de contrôles possibles dans l’action...La porte est  ouverte pour interprétation très large des critères alors même qu’en matière de libertés fondamentales, c’est une interprétation stricte qui doit prévaloir.

On le voit des notions vagues sous tendent le pouvoir du maire :

- danger imminent pour les personnes, attesté par avis médical et non psychiatrique. En l’espèce , il s’agissait du médecin des pompiers..

Et encore , le Conseil Constitutionnel dans sa  décision du 6/10/2011 a supprimé la notion de  notoriété publique sur laquelle aurait pu se baser le maire pour faire interner...

B) Brazil en vue

Ensuite le dangereux citoyen est emmené pas les forces de police ou de gendarmerie à l’hopital psychiatrique... Et ce n’est qu’entre le cinquième jour et le huitième jour qui suit la décision initiale qu’il pourra être examiné plus tranquillement par un psychiatre de l’établissement d’accueil qui établira un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant le précédent... ( article L 3213-3 du code de la santé publique)

Comme nous évoluons de plus en plus vers une psychiatrie essentiellement médicamenteuse, il est sûr qu’une batterie de medicaments et sédatifs en tout genre  sera administré...soit par voie orale soit par voie d’injection....

Autant dire toute attitude de résistance  sera analysée comme un symptôme de votre maladie dangereuse ...

A ce stade, l’on peut s’interroger sur l’absence totale de garanties données au citoyen quand on compare cette procédure d’internement avec  la procédure pénale  judiciaire à la suite de la commission d’un délit ou d’un crime grave....

Ainsi depuis la promulgation de la nouvelle loi du 5 juillet 2011,  une étape vient d'être franchie sur les hospitalisations psychiatriques sans consentement. Il suffit qu’un maire prenne un arrêté pour hospitaliser d’office un opposant ou un gêneur...

 Avec  cette application très large de danger imminent pour la sureté des personnes ,  pourront être internés tous les militants et syndicalistes qui gênent les petites affaires des dirigeants aussi bien locaux que nationaux

A l’image du héros de Brazil vous devenez rapidement un ennemi de l’Etat ici representé par le Maire puis le Préfet et là pas besoin de la qualification de terroriste..au contraire. Ce texte pourra viser principalement (et comme on le voit dans le cas précis héraultais) toutes les actions non violentes ..qui gênent....et dont la mise à execution se déroulent sur la voie publique:  enchaînement, sitting, défilé sans autorisation.

C) Contexte idéologique et local

Il ne fait pas bon être éco warior ou plus prosaîquement militant écologiste un peu actif et non violent: monter sur les toits des centrales nucléaires certes mais  aussi s’enchainer à un puits obturé...

Le contexte idéologique joue beaucoup pour interpréter les critères légaux mais pas seulement..

Le maire de cette commune héraultaise semble plutôt faire partie d’une famille politique dont l’emblème est la rose...Mais cette réaction est à la hauteur des enjeux fonciers et de la pression des investisseurs qui convoitent le littoral héraultais et sa plaine agricole, tout y passe:  zone de stockage hinterland du port de Sète, plate-forme logistique en plein domaine viticole, mega centre commercial  à proximité d’une ville d’art et de culture, golf de grand standing au mépris de l’usage courant et agricole de l’eau...A cela s’ajoute la création de zones pavillonaires à perte de vue. Il faut dire que la démographie de l'Hérault est caractérisée par une forte densité  et une population en forte croissance depuis les années 1950.

En janvier 2007, le département de l’Hérault comptait officiellement 1 011 207 habitants, se situant en 21e position sur le plan national. En huit ans, de 1999 à 2007, sa population s'est accrue de près de 114 000 unités, c'est-à-dire de plus ou moins 14 300 personnes par an. Mais cette variation est différenciée selon les 343 communes que comporte le département.

La densité de population du Hérault, 165,7 habitants par kilomètre-carré en 2007, est supérieure de plus de 60 % à celle de la France qui est de 100,5 pour la même année.

Petits arrangements, modifications des PLU en fonction d’un clientèlisme électoral tout cela est su et connu de tous, mais à défaut d’une réglementation d’urbanisme plus stricte et d’une véritable politique d’aménagement du territoire, les rares espaces naturels en bord de Méditerranée finiront bétonnés..

Et encore se rapproche le spectre de l’exploitation des gaz de schistes dont nous n’avons pas fini de re-parler.

Une seule question lancinante : De quelle folie parle t-on ?

GS

Plus d’infos sur l’affaire locale: ttp://www.ldh-france.org/section/loupian/2012/03/29/hospitalisation-sous-contrainte-dun-militant-non-violent/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.