gilles.sainati (avatar)

gilles.sainati

juriste ayant pour devise Liberté, Egalité, Fraternité,

Abonné·e de Mediapart

140 Billets

1 Éditions

Billet de blog 8 mai 2011

gilles.sainati (avatar)

gilles.sainati

juriste ayant pour devise Liberté, Egalité, Fraternité,

Abonné·e de Mediapart

Oussama Ben Laden, action publique éteinte

La mort d'Oussama Ben Laden sous le feu des militaires nord américains est surtout un coup d'arrêt à la cour Pénale Internationale ou plutôt une confirmation de la difficulté d'imposer un droit pénal international. Cela peut s'interpréter de deux manières:

gilles.sainati (avatar)

gilles.sainati

juriste ayant pour devise Liberté, Egalité, Fraternité,

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La mort d'Oussama Ben Laden sous le feu des militaires nord américains est surtout un coup d'arrêt à la cour Pénale Internationale ou plutôt une confirmation de la difficulté d'imposer un droit pénal international. Cela peut s'interpréter de deux manières: soit ce serait la suite logique de la traque anti terroriste engagée depuis 2001 par les USA, soit il s'agit d'un dérapage d'un commando sous la pression politique qui poursuivait l'ennemi mondial N°1.

Dans tous les cas, un procès public ne pourra pas se dérouler, l'action publique pénale qui n'a jamais été mise en oeuvre est, comme on le dit en droit, éteinte contre Ben Laden. Pourtant au nom de cette lutte anti terroriste tous les citoyens du monde ont eu à subir une restriction de leurs libertés, mais ils ne doivent pas savoir ce qui se cachait derrière le plus terrible attentats du début de 3 ème millénaire.

1) Le mort Ben Laden s'inscrit dans une hostilité vis à vis de la Cour pénale internationale

La Cour Pénale Internationale a été mise en place en juillet 2002 pour juger de manière permamente les personnes accusées de génocide, de crime contre l'humanité et de crime de guerre.

Les USA sont l'un des Etats qui ont voté contre le statut de la Cour dénonçant notamment la fonction de procureur indépendant de la CPI. Ainsi le représentant US lors de la négociation du statut indiquait " Cette Cour ne pourra ni ne devra intervenir pour tous les crimes impunis, si horribles ou atroces soient-ils » Cette politique était entièrement imputable à l'administration Bush... Alors que l'on pouvait penser que la présidence démocrate permettrait aux USA d'integrer le fonctionnement de la CPI.Cette séquence indique une volonté de rejet.. Il est vrai que les déclarations d'Obama à Ground zero n'inspirent pas confiance en l'avenir lorsqu'ils estiment qu'avec la mort de Ben Laden « justice est faite" ou que "justice a été rendue » selon la secrétaire d'Etat Hillary Clinton .

Drôle de conception de la justice, plutôt expéditive.

Il faut pourtant souligner que les dignitaires Nazis ont été jugés à NUREMBERG ce qui a permis de faire progresser la notion de crime contre l'Humanité et de crime de guerre....Il semble que nous tournions le dos à cette avancée civilisatrice. En effet, il paraît totalement incompréhensible que nous n'ayons pas suivi la même voie pour les attentats du 11 septembre. Les analyses de Mireille Delmas Marty sont éclairantes à ce sujet ( Les forces imaginantes du droit, Volume 4 Vers une communauté de valeurs ?de Mireille Delmas-MartyEditions du Seuil Collection La couleur des idées).

Nous évoluons dans un ordre international destructuré à dessein: certains crimes pourront être jugés par la CPI, d'autres non. Les US A se comportent comme un empire n'acceptant pas cette juridiction qu'ils soient auteur (crime de guerre) ou victime...préferant une justice vengeresse qui percute tous les efforts de construction d'un ordre mondial juridique. Il est vrai que le France a ratifié le statut de CPI mais a fait insérer des clauses restrictives au poursuites pénales pour crime contre l'humanité en posant à l'action de la justice française quatre conditions cumulatives qui ne seront pratiquement jamais réunies.

Les déclarations en choeur des principaux responsables gouvernementaux qui reprennent les déclarations américaines s'inscrivent dans ce refus d'une veritable justice internationale...Les droits universels sont donc à voilure progressive.

2) La mort de Ben Laden est le résultat d'une pression

OBAMA a déclaré avoir donné des consignes pour capturer Ben Laden vivant....Il faut bien prendre en considération cette donnée? Ce serait en quelque sorte une interpellation qui s'est mal teminée: une bavure, ou l'utilisation de la légitime defense...

Il est vrai que l'on doit comparer cette frénésie guerrière qui a enflammé le monde entier dans ce que l'on appelle la guerre au terrorisme avec la frénésie qui s'empare cycliquement de l'opinion publique française et de sa police lorsqu'est désigné un ennemi public N°1.

Il suffit de se remémorer la mort de la bande à Bonnot, ou plus recemment celle de Mesrine. Ce qui vient de se passer, au Pakistan est un scénario assez habituel lorsqu'un ennemi public est désigné. Il est rarement recherché pour sa mort ( mort ou vif) mais toutes les conditions sont-elles mis en oeuvre pour ce soit sa capture indemne n'arrive?

Sans nul doute, le commando américain devait se trouver dans ce type de pression psychologique..encore plus compte tenu de l'enjeu politique...et les manifestations de joie populaire ne sont pas sans rappeler les bousculades devant les corps des "ennemis de la société" ( cf BONNOT)

Tout cela est vraisemblable, mais evidemment doit être remis dans la perpective impériale dans laquelle se situent les USA, l'empereur ayant d'ailleurs à sa dispostion sa "War room" pour visionnner en directe l'action punitive...

Dans ce cas, il n'est pas illogique que les autorités ne souhaitent pas donner une image du mort. Certes s'il est évoqué la volonté d'éviter la célébrité posthume de Che Guevarra, en fait cette dernière décision donne le ton de toute cette aventure depuis 2001, placé sous essentiellement le signe de la raison d'Etat plus que sous la volonté de juger les coupables.

Enfin l'argument qui consiste à éviter de donner une preuve du corps sans vie de Ben Laden pour éviter d'en faire un martyr ne résiste pas à la réalité, car il faudra aussi raser la maison fortifiée où il se cachait pour éviter qu'elle devienne un lieu de pélerinage, voire mieux en interdire l'accès à jamais et déplacer les habitants dix kilomètres à la ronde.

Ce rebondissement dans la guerre au terrorisme stoppera t-il celui ci? L'on peut craindre que Non...quelque soit le rôle réel ou phatasmé de Ben Laden sur Al Qaeda...Faire la guerre, réduire la démocratie sont exactement les buts recherchés par les terroristes.

La perpective d'imposer une victoire totale et définitive à un ennemi global abouti à une guerre globale, sans fin.... en utilisant des procédés de violences similaires à nos adversaires ..

Action publique éteinte, veut dire en droit que nous n'aurons donc jamais accès à un procès public d'Al Qaeda avec son dirigeant historique. Nous n'aurons que des informations partielles, contrôlées, embarquées, si bien que l'impression qui se dégage c'est que nous, démocraties avons déjà perdu la guerre, celle de la justice et de la liberté. En ce sens et paradoxalement cette mort est plutôt une victoire du terrorisme, elle en alimente les ressorts stratégiques et inconscients et contribue au mystère, à l'opacité, dont se nourrit le terrorisme. et conduit a empêcher la vérité historique de s'établir.

GS

Pour aller plus loin:

Amendement de la France à la CPI:

  • La condition de résidence « habituelle » : les auteurs présumés de ces crimes internationaux pourraient être poursuivis seulement s'ils possèdent leur résidence « habituelle » en France. Aucun d'entre eux ne prendra évidemment ce risque, se satisfaisant fort bien de séjours plus ou moins prolongés en toute impunité sur le territoire français.
  • Le monopole des poursuites confié au Parquet : les victimes de crimes internationaux se verraient priver du droit de se constituer parties civiles, c'est-à-dire engager des procédures contre les auteurs présumés des crimes. Cette initiative n'appartiendrait plus qu'au Parquet, dont l'expérience démontre la grande frilosité en l'espèce. Elle violerait le principe d'égalité puisque toutes les victimes auraient ainsi le droit de déclencher les poursuites, sauf celles des crimes les plus graves ;
  • La condition de double incrimination, qui subordonne les poursuites en France à la condition que les faits soient punissables à la fois par le droit français et par la législation de l'Etat où ils ont été commis. Or précisément cet Etat peut très bien ne pas avoir prévu de disposition spécifique pour poursuivre les crimes concernés.
  • L'inversion du principe de complémentarité en subordonnant les poursuites à la condition que la CPI ait décliné expressément sa compétence, inversant ainsi le principe posé par le Statut de Rome qui donne la priorité aux juridictions nationales.

Site de la coalition française pour la Cour Pénale Internationale : http://www.cfcpi.fr/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.