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Billet de blog 9 août 2012

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Guyane : la loi de la jungle

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Rappelons le, la Guyane est un département français. Le principal fléau qui y sévit est sans doute l'orpaillage clandestin. Les clandestins principalement brésiliens s'y ruent par dizaines de milliers, profitant d'un fleuve frontière long de plusieurs centaines de kilomètres et donc impossible à contrôler entre leur pays et ce département. Le sous-sol guyanais est plus riche en or, mais surtout, l'attirail de répression contre l'orpaillage clandestin est beaucoup moins sauvage du côté français de la frontière. À tel point que s'il se dit que côté brésilien, les forces fédérales ouvrent le feu sans sommation sur les garimpeiros (orpailleurs clandestins), du côté français, ces mêmes garimpeiros surnomment gentiment nos gendarmes "caresse guyanaise", empruntant là la marque d'un yaourt local.

Le Guyanais sait assez peu ce qui se passe dans sa forêt. Bien sûr, il sait qu'il y a de l'orpaillage clandestin. Mais le nombre de clandestins reste vague. 10 000, 20 000, 80 000, d'avantage encore ? Il sait que les orpailleurs s'y organisent en véritables villages clandestins, qui atteignent parfois la taille de petites villes. Il sait aussi que la loi qui s'y applique, c'est celle du far West. Mais quand on parle de far West, on a tendance à imaginer Clint Eastwood ou John Wayne. En tant qu'habitant de Guyane, ni moi ni aucun de mes amis n'imaginions la véritable sauvagerie de ce far West.

Voilà la réalité de cette sauvagerie. Une traduction (probablement approximative) de la légende de la vidéo ci-dessous dit : "Un garimpeiro de Guyane française se venge du kidnapping et du meurtre de sa femme. La loi de la jungle". Cette vidéo est extrêmement violente, et je ne saurais trop conseiller aux âmes sensibles (même moyennement) de ne pas la visionner.

À l'heure où sont écrites ces lignes, cette vidéo commence à peine à circuler. Mais la rumeur (que l'on appelle ici "radio cocotiers") fait son petit chemin. L'une des hypothèses les plus retenues dit que la personne assassinée n'est autre que le frère de Manoelzinho. Manoelzinho est _rappelons-le_, un chef de bande lourdement équipée de véritables armes de guerres qui s'emparait de l'or des garimpeiros du Suriname et de Guyane, dont il s'est enfui après avoir tué 2 militaires et blessé plusieurs gendarmes. Sa cavale de plusieurs centaines de kilomètres dont une bonne partie à travers la jungle guyanaise s'est terminée à Macapa au Brésil où il a été appréhendé par le redoutable BOPE brésilien, grâce, semble-t'il, à une très étroite collaboration entre services français et brésiliens.

D'autres hypothèses réfutent complètement que quelque lien que ce soit existe entre cette vidéo et Manoelzinho. Que cette vidéo aurait plusieurs années, et qu'elle ne se déroulerait même pas en Guyane.

Quoi qu'il en soit, la sauvagerie est là. Et qu'elle se déroule au Brésil ou sur le plateau des Guyanes (Guyane-Suriname-Guyana) n'a finalement que peu d'importance pour ces délinquants sans frontière.

Ne perdons pas de vue que cette sauvagerie s'étend facilement aux zones urbaines de Guyane, où il est admis de se balader avec un fusil chargé en toutes circonstances. En effet, dans ce département, pas de saison de chasse, pas de permis de chasse, et on y croise donc quotidiennement des personnes à scooter avec un fusil chargé en bandoulière. Ce département où l'on peut se faire tirer dessus au cœur de Cayenne pour une montre, une chaine en or ou un portable.

L'orpaillage clandestin représente une menace multiple pour la Guyane. Menace écologique pour ces installations sensibles non contrôlées. Menace financière puisqu'une très grande partie de ces capitaux quitte la Guyane pour le Brésil. Menace sanitaire dans des villages clandestins sans assainissement favorisant le développement du paludisme. Et évidemment menace sécuritaire puisque ces dizaines de milliers de clandestins sont sans foi ni loi, et que cet état d'esprit se communique à l'ensemble du territoire.

Alors que faire pour enrayer le phénomène. J'ai personnellement plusieurs pistes, mais l'une d'entre elles est certainement de renforcer nos forces de l'ordre en moyens humains, matériels, mais aussi en moyens légaux. Une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) ne déclenchera qu'une réaction chez un garimpeiro : un sourire moqueur. Nul doute que notre Garde des Sceaux guyanaise Christiane Taubira actuellement en congés dans notre département saura faire en sorte que nos gendarmes ne soient plus surnommés "caresse guyanaise" !

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