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Billet de blog 6 janvier 2015

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François Hollande oublie ses engagements sur la participation du public !

Beaucoup d'entre vous ont écouté le Président de la République ce matin sur France Inter ou tout du moins en ont eu quelques échos. Cette synthèse publiée par la radio publique me semble assez fidèle aux déclarations de François Hollande[1]. Beaucoup ont déjà réagi. Certains pour ne rien dire à l'instar de François de Rugy[2].

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Beaucoup d'entre vous ont écouté le Président de la République ce matin sur France Inter ou tout du moins en ont eu quelques échos. Cette synthèse publiée par la radio publique me semble assez fidèle aux déclarations de François Hollande[1]. Beaucoup ont déjà réagi. Certains pour ne rien dire à l'instar de François de Rugy[2]. D'autres ont été plus incisifs. Au mieux, avec Ronan Dantec, on peut convenir qu'on a «°toujours le sentiment qu’on reste au milieu du gué. Dans sa tentative de reconquête des écologistes, il y a des signes qui vont dans le bon sens, notamment la taxe sur les transactions financière au service du climat. La montée en puissance du discours sur l’enjeu d’un accord à Paris ne peut être vue que très positivement. Il reconfirme la fermeture de Fessenheim, qui était une ambigüité qui pesait. »

Toujours est-il que la prose élyséenne a de quoi laisser dubitatif le plus modéré militant écologiste. Sur France Info, le porte-parole de France Nature Environnement, Benoît Hartmann,était accablé : «°On n'a pas entendu parler des emplois verts, on n'entend plus parler de croissance verte, par les énergies renouvelables, par l'isolation du bâtiment. Dorénavant c'est un hymne à la croissance, sans aucune référence à l'écologie.°» Mais c'est Jean-Philippe Magnen qui propose la critique la plus tranchante de la logorrhée présidentielle. Effectivement, François Hollande a aujourd'hui complètement oublié les engagements qu'il avait pris à l'occasion de la Conférence environnementale qui a eu lieu fin novembre[3]. Il faut dire qu'il n'est pas aidé, le pauvre homme. Comment un personnage qui attribue à la République populaire de Chine 27% des émissions de gaz à effet de serre[4] peut-il se souvenir de paroles qu'il a tenues quelques semaines plus tôt ?

Revenons en aux faits. Le résident du palais de la rue du faubourg Saint-Honoré n'avait-il pas annoncé, l'an dernier, en novembre 2014, qu'un chantier de démocratie participative a été confiée au gouvernement, précisant qu'il entend ainsi renforcer la concertation environnementale[5]. Cette courte séquence mise en ligne permet de se remémorer le discours entonné à l'époque[6]. «°Un mauvais projet doit être arrêté rapidement°», a également lancé le chef de l'Etat devant la société civile environnementaliste. Il est même allé jusqu'à prôner le recours à des référendums locaux «°pour débloquer les situations...°»

Voici le détail de l'allocution présidentielle du 27 novembre 2014 :

«°C’est toute la question du débat public qui est ainsi posée. Le débat public, c’est la seule manière de garantir dans la transparence et dans la responsabilité, aussi bien la préservation de la nature que la poursuite de nos projets de développement économique. Le progrès, c’est ce qui peut permettre d’avancer sur le développement, la croissance, tout en ne mettant pas en cause les ressources naturelles et les équilibres que nous pouvons exiger de l'environnement.

Sivens exige donc d’accomplir des progrès supplémentaires dans la participation des citoyens dans l’élaboration de la décision publique. C’est ce que nous allons décider. Tout doit être fait pour que, sur chaque grand projet, tous les points de vue soient considérés, que toutes les alternatives soient posées, que tous les enjeux soient pris en compte, mais que l’intérêt général puisse être dégagé. Car il y a un intérêt général, il n’y a pas que la somme des intérêts particuliers. Nous devons donc renforcer les procédures, sans les alourdir ; assurer la transparence, sans allonger les délais. Nous devons faire en sorte que les autorités qui décident puissent le faire en toute transparence et indépendance.

J’ai demandé au gouvernement d’engager un chantier sur la démocratie participative de manière à ce que, sur les grands projets, nous puissions avoir toutes les garanties, et qu’il ne puisse plus y avoir de contestation avec des formes inacceptables de violence. Car la violence est toujours inacceptable. Les parties prenantes seront entendues et le Conseil national de la transition énergétique sera associé à cette réflexion.

Cette mission qui va être engagée par le gouvernement devra remettre des propositions dans le délai de six mois. Elles seront aussitôt mises en œuvre. Nous en connaissons d’ailleurs le cadre, à défaut encore de leur définition précise.

Nous devons aller plus loin dans la recherche des impacts environnementaux et permettre les compensations.

Nous devons aller plus loin aussi dans la simplification. Cessons de penser que parce que, une procédure dure longtemps, elle est meilleure. Cessons de penser que nous pouvons alourdir sans cesse comme une façon de contraindre. Non. Un mauvais projet doit être arrêté rapidement, sans qu’il puisse durer inutilement et provoquer. Un bon projet, lui, doit être mené à bien rapidement, c’est tout le sens du permis environnemental qui a été créé par le gouvernement. C’est une question de respect pour les citoyens, mais aussi pour les acteurs économiques.

Nous devons explorer aussi de nouveaux modes d’association des citoyens aux décisions qui les concernent, de nouvelles façons de communiquer, d’expliquer, d’entendre, de dialoguer. Les nouvelles technologies peuvent nous y aider. N’ayons pas peur non plus du vote, pour débloquer une situation. Le recours à un référendum local vaut toujours mieux que le fait accompli ou l’enlisement que nous pouvons parfois constater.[7]°»

Si la mort de Rémi fraisse a libéré la parole présidentielle, il faut dire que tout cela ne tombait pas du ciel. François Hollande a prononcé ces mots suite quelques promesses esquissées en 2012 au cours de la campagne[8]. Il s'était alors a engagé à élargir voire même à renforcer la participation du public à l'élaboration des grands projets d'infrastructures et autres équipements ayant une incidence sur l'environnement.

Une loi a été soumise au parlement dès décembre 2012 suite à la mobilisation des associations de protection de la nature et de l'environnement et de juristes spécialistes du droit de l'environnement[9]. Si la première mouture de la loi fut censurée par les sages du Palais Royal[10], le gouvernement n'a pas renoncé à réformer «°le droit d’accès aux informations sur l’environnement détenues par des personnes publiques et celui de participer aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement°». Une ordonnance a été publiée en aout 2013 relative à la mise en œuvre de participation du public défini par l'article 7 de la Charte de l'environnement[11]. D'aucuns pouvaient se satisfaire de ce résultat. Mais une fois encore l'œuvre hollandienne a déçu. Dès sa publication, l'ordonnance a apportée des limites au cadre générale défini[12].

Bien évidemment le gouvernement a accompagné ce qui était présenté comme un acquis démocratique de quelques clauses limitatives :

«Le nouvel article L. 120-2 du Code de l’environnement écarte l’application de la procédure supplétive de participation du public lorsque le public peut être regardé comme ayant été mis en mesure de se prononcer sur les enjeux de la décision en cause à l’occasion de l’élaboration d’un acte situé en amont de cette décision. Ainsi, l’organisation d’une consultation du public n’est pas obligatoire en ce qui concerne les décisions prises conformément à une décision réglementaire ou d’espèce ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à la participation du public lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions susceptibles d’être prises conformément à celui-ci. Dans le même esprit, écarte également l’application des articles L. 120-1 à L. 120-1-4 est écartée dans le cas des décisions prises dans le cadre de lignes directrices, pourvu que celles-ci aient été soumises à participation du public, que leurs énonciations permettent au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions individuelles concernées et qu’il n’y ait pas été dérogé.[13]»

C'est ainsi qu'à Rouen, en 2014, nous n'avons pas eu le droit à un Débat public sur le Projet de contournement Est de l'agglomération[14] mais à une simple consultation du public[15] dont le compte-rendu minore scrupuleusement la mobilisation et les arguments des opposants[16]. A peine adoptée la réforme de la participation du public à la sauce hollandaise aboutit dans les faits à des effets immédiatement inverses aux principes proclamés.

Mais au moins à l'époque, le gouvernement laissait croire qu'il appliquait les promesses présidentielles voire même qu'il était capable de mener des réformes écologistes. Quelques semaines après la Conférence environnementale, François Hollande a jeté le masque. Quelques soient les artifices de langage qu'il emploie, sa politique est marquée par l'inconstance et surtout l'incapacité à tenir le moindre engagement.

Le pire est cependant l'incohérence. Hollande discrédite le travail réalisé dans le cadre du Conseil national de la transition écologique. Alors qu'il pérorait ce matin sur le plateau de France Inter, annonçant urbi & orbi que Notre-Dame-des-Landes se fera, les services de l'Etat travaillent à la mise en œuvre de la fameuse feuille de route issue de la Conférence environnementale de novembre 2014. Les documents communiqués aux associations sont plutôt intéressants. L'un d'entre établi par le Groupe de travail «°participation du public°» préconise des orientations qui vont totalement à rebours des déclarations élyséennes du 5 janvier. En effet, les membres du groupe de travail s’accordent sur l’intérêt de la participation du public, y compris pour les projets eux-mêmes, puisqu’elle peut contribuer à leur légitimité et faciliter l’acceptation de leur réalisation. Ils s’accordent également sur son intérêt lorsqu’elle intervient « en amont », à un stade où il est encore possible de faire évoluer sensiblement les projets, voire, pour les projets publics, de discuter de leur finalité et de leur opportunité. Mais surtout, ils considèrent qu'il est fondamental d'assurer le continuum de la participation entre l’amont et l’aval du processus décisionnel...

Or c'est bien ce qui a fait défaut à Notre-Dame-des-Landes, au Testet ou à Roybon. Ni l'information, ni la participation n'ont été garanties que ce soit en amont ou en aval. On est bien en face d'un déni avéré des droits du public sans parler bien évidemment des innombrables mépris du droit de l'environnement[17]. Mais plutôt que de s'attaquer au fond du problème en proposant des réformes audacieuses, Hollande a préféré se complaire dans des effets d'annonce dictés par sa quête éperdue d'un redressement productif qui ne viendra pas...

Il faut à présent espérer que la réunion du Conseil national de la transition écologiste qui se tiendra demain matin aboutira à des conclusions plus nuancées et plus soutenables que celles assenées ce matin aux auditeurs de France Inter. Les grands projets iutiles aujourd'hui contestés doivent être arrêtés pour la simple raison qu'ils sont ni légaux ni légitimes. Les aménagements ne peuvent plus être le fait du prince ou de ses vassaux. Les enjeux écologiques et énergétiques sont tels qu'ils impliquent une réelle participation du public. C'est la seule possibilité pour que tous les arguments sur l'opportunité d'un projet soient effectivement entendus et étudiés. Aucune caste ne peut se prévaloir du pouvoir de décider pour la planète et la population. Si des projets peuvent être utiles ce n'est pas parce que leur acceptabilité a été imposée mais parce qu'ils répondent à des besoins effectifs dans le respect des générations futures...


[1] http://www.franceinter.fr/depeche-ce-quil-faut-retenir-de-lintervention-de-francois-hollande

http://www.atlantico.fr/decryptage/retour-qu-dit-francois-hollande-france-inter-president-assume-echec-chomage-et-defend-politique-economique-1937651.html

[2] François de Rugy, : « L'engagement écologique n'était pas au premier rang des priorités de François Hollande avant d'être président de la République et même au début de son mandat. Nous saluons cette évolution, cet engagement qui est très important (...) Il faut maintenant que cela suive. On ne peut pas se contenter d'un certain nombre de discours. Il est positif que ces discours aillent dans le bons sens mais il faut que le gouvernement soit au diapason, que l'action du gouvernement soit pleinement cohérente avec cet objectif » (sur iTÉLÉ).

[3] http://www.developpement-durable.gouv.fr/Conference-environnementale-2014,41588.html

[4] http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/11/12/chine-et-etats-unis-concluent-un-accord-inedit-sur-le-climat_4522109_3244.html

[5] http://www.actu-environnement.com/ae/news/conference-environnementale-discours-hollande-concertation-grands-projets-23336.php4

[6] http://www.dailymotion.com/video/x2b6tci_apres-sivens-hollande-prone-le-recours-au-referendum-local_news

[7] http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-lors-de-la-conference-environnementale/

[8] http://www.huffingtonpost.fr/2014/11/27/conference-environnementale-choses-retenir-discours-francois-hollande_n_6230840.html

[9] http://www.arnaudgossement.com/archive/2012/06/17/la-revolution-du-principe-de-participation-du-public.html

[10] http://www.adden-leblog.com/?p=3519

[11] http://www.actu-environnement.com/ae/news/principe-de-participation-du-public-complete-19225.php4

[12] http://www.lemoniteur.fr/173-droit-de-l-environnement/article/actualite/22007730-environnement-la-participation-du-public-encadree

[13] http://www.lagazettedescommunes.com/190608/creation-dun-nouveau-dispositif-de-participation-du-public/

[14] http://non-a-l-autoroute.over-blog.com/

[15] http://www.liaisona28a13.com/

[16] http://www.debatpublic.fr/projet-contournement-est-rouen

[17] http://www.reporterre.net/La-Commission-europeenne-siffle-la

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