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Billet de blog 16 août 2013

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On ne va quand même pas se laisser emmerder par les orages de grêle !

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AIR FRANCE UNE FOIS DE PLUS  

Au moment où je commençais un nouveau billet à propos de Ryanair, dans lequel je souhaitais saluer la performance  managériale des commandants de bords, dans la désormais célèbre affaire des dégagements de Madrid vers Valencia pour cause d'orages violents à Madrid, au moment où je souhaitais souligner le remarquable " making decision " démontré lors de ces dégagements, j'apprends que le BEA le bureau d'enquêtes et d'analyses français, vient une nouvelle fois et pour la nième fois d'ouvrir une enquête sur un vol d'Air France, suite à un incident grave survenu à Bordeaux le 2 août dernier dans un bref orage de grêle.

Une fois de plus les pilotes d'un A320 d'Air France ont perdu le contrôle de leur avion en approche.

Voici le commentaire du BEA : http://www.bea.aero/fr/enquetes/2013/2013.semaine.32.pdf

" Prise d'assiette importante lors de la traversée d'un orage de grêle, déclenchement de protection en incidence, en approche " 

Vol AD Paris Orly (94) - AD Bordeaux Mérignac (33). En approche sur l'aérodrome de Bordeaux Mérignac vers 3 000 ft, l'avion traverse un orage de grêle. Le pare-brise côté copilote est fêlé. A 2 800 ft, sous pilote automatique, l'assiette de l'avion augmente jusqu'à 25°. L' équipage positionne les manettes sur le cran TOGA. La protection en incidence "alpha floor" se déclenche et le mode "TOGA LOCK" est activé. L'équipage désactive le mode "TOGA LOCK" puis atterrit à Bordeaux.

Une fois de plus le commentaire du BEA est biaisé. Une fois de plus l'information donnée laisse à penser que le pilote automatique a pris ou a laissé l'avion prendre une assiette de 25°. Certes le BEA est saturé des incessants incidents graves d'Air France et n'en peux plus d'être pieds et poings liés, d'être aux ordres et en même temps impuissant à dire ne serait-ce que le simple bon sens.

 À près de 20 000 heures de vol dont 11 000 d'A320 en tant qu'instructeur et commandant de bord je n'ai jamais vu un tel comportement du pilote automatique, et singulièrement dans les orages, fussent-ils de grêle... 

S'agissant d'orages, et exerçant mon métier en Asie, je pense pouvoir en parler à l'aulne d'une vaste expérience notamment celle des vols dans la mousson et parfois dans de violentes turbulences.

 Soyons sérieux un instant et réalisons qu'à force de vouloir coûte que coûte exonérer les pilotes de leurs responsabilités on ne fait que les enfoncer un peu plus, car comment imaginer que les pilotes puissent laisser l'avion aller jusqu'à 25° de pitch up sans réagir avant et je dirais même, instantanément ?

 Après nous avoir dit que tout cela s'était produit sous pilote automatique, il n'est pas fait mention de la déconnexion du pilote automatique qui de toutes façons est nécessairement survenue au déclenchement de la protection grandes incidences. Il aurait aussi pu avoir été déconnecté par le pilote vigilant, ou même éventuellement sous l'effet d'une violente rafale ; improbable mais possible, néanmoins cela ne pourrait expliquer la prise d'assiette...

 L'équipage en revanche positionne les manettes sur le cran TOGA nous disent les beni-oui-oui dérangés en pleines vacances ! 

 Quant au pare brise fêlé, on peut supposer que ce serait sous l'impact des grêlons, mais dans ce cas comment expliquer que ce serait le seul dégât ?

Quid du radôme, des bords d'attaques, des bords d'attaques des entrées d'air réacteurs, ceux de la dérives et du stabilisateur ? Quid ?

 Au fait s'agissant des enregistreurs et de la probité des pilotes, on admettra bien sûr qu'ils ont été protégés et exploités ?

 Chic alors ! Les éditions Altipresse vont certainement nous sortir le transcript complet du CVR et je parie d'avance qu'un l'un des deux pilotes se sera exclamé en doublant l'AF 626JL, qui venait de CDG et qui attendait sagement que cela se calme depuis 10 bonnes minutes :

" On ne va quand même pas se laisser emmerder par un orage de grêle " 

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