"3. On n'invente pas un nouveau lexique par décret. Le vocabulaire se forme dans la durée, à travers usages et expériences. Céder à l'identification du communisme avec la dictature totalitaire stalinienne, ce serait capituler devant les vainqueurs provisoires, confondre la révolution et la contre-révolution bureaucratique, et forclore ainsi le chapitre des bifurcations seul ouvert à l'espérance. Et ce serait commettre une irréparable injustice envers les vaincus, tous ceux et celles, anonymes ou non, qui ont vécu passionnément l'idée communiste et qui l'ont fait vivre contre ses caricatures et ses contrefaçons. Honte à ceux qui cessèrent d'être communistes en cessant d'être staliniens et qui ne furent communistes qu'aussi longtemps qu'ils furent staliniens !"
"10. Le communisme n'est pas une idée pure, ni un moment doctrinaire de société. Il n'est pas le nom d'un régime étatique, ni celui d'un nouveau mode de production. Il est celui du mouvement qui, en permanence, dépasse/supprime l'ordre établi. Mais il est aussi le but qui, surgi de ce mouvement, l'oriente et permet, à l'encontre des politiques sans principe, des actions sans suites, des improvisations au jour le jour, de déterminer ce qui rapproche du but et ce qui en éloigne. A ce titre, il est, non pas une connaissance scientifique du but et du chemin, mais une hypothèse stratégique régulatrice. Il nomme, indissociablement le rêve irréductible d'un autre monde de justice, d'égalité et de solidarité ; le mouvement permanent qui vise à renverser l'ordre existant à l'époque du capitalisme ; et l'hypothèse qui oriente ce mouvement vers un changement radical des rapports de propriété et de pouvoir, à distance des accommodements avec un moindre mal qui serait le plus court chemin vers le pire."
Daniel Bensaïd, "Le mot "communisme", ses blessures, sa charge explosive", "Libération", jeudi 21 janvier 2010. "Publié il y a trois semaines dans la revue "Contretemps", ce texte est le dernier de Daniel Bensaïd, mort le 12 janvier."
Pour information :
La Société Louise Michel, en partenariat avec le département de philosophie de Paris 8 et avec le soutien des revues "Contretemps" et "Lignes", organise une rencontre les 22 et 23 janvier 2010, à l'Université Paris 8 (2, rue de la Liberté ; 93526 Saint-Denis / Métro : Saint-Denis Université), intitulée :
"Puissances du communisme / De quoi communisme est-il aujourd'hui le nom ?"
Avec, notamment, la participation de Jacques Rancière, Michel Surya et Slavoj Zizek.
Pour tout renseignement : societelouisemichel@free.fr.